Quelles sont les orientations politiques des vapoteurs ? C’est la question que nous avons voulu poser à travers ce sondage que nous avons commandé à AMS Conseil, société spécialiste des sondages et études de marché. Certaines réponses obtenues s’avèrent surprenantes, voire déstabilisantes.

Étude d’opinion

L’étude réalisée par AMS Conseil est très précise. Elle tourne autour de trois points essentiels. Le premier, déterminer le profil politique des vapoteurs. Attention, il s’agit ici de déterminer quelles opinions expriment les sondés sur des sujets ayant trait à la politique, et pas de demander pour qui ils votent.

Le second volet est axé sur le marché et essaie de déterminer quelles marques et matériels les utilisateurs privilégient. Enfin, l’enquête tente d’étudier la corrélation entre vapotage et arrêt du tabac chez les sondés.

Le rapport prend en compte 460 réponses récoltées principalement dans des rues passantes en Aquitaine. Les personnes interrogées sont des vapoteurs dans un échantillon le plus représentatif possible de la population des consommateurs de cigarette électronique. 24 % des sondés ont entre 18 et 25 ans, puis viennent les 26-35 ans (28 %), les 36-45 ans (27 %), les 46-55 ans (14 %), 56-65 ans (7 %), les 66-75 ans (1 %), et personne au-delà. Ces disparités s’expliquent par la présence effective de vapoteurs dans les catégories d’âges, certaines générations s’avérant plus réceptives à la cigarette électronique.

Sur le sexe des sondés, les hommes représentent 57 % des personnes interrogées contre 43 % de femmes. Pour la catégorie socioprofessionnelle, une majorité de salariés ou d’employés (37 %). Les étudiants (18 %), artisans, commerçants ou chefs d’entreprise (17 %) et les cadres (17 %) sont représentés de manière assez équitable.

Près de la moitié des sondés, soit 46 %, vapotent depuis plus de 3 ans, 37 % vapotent depuis une période allant de plus de six mois à moins de trois ans, et 17 % vapotent depuis moins de 6 mois. 54 % des sondés ont complètement arrêté le tabac fumé, seuls 6 % en consomment encore tous les jours. Un chiffre intéressant, d’ailleurs : plus les sondés vapotent depuis longtemps, moins ils fument.

Consommation et habitudes

Sur la quantité de liquide consommée chaque jour, une écrasante majorité vapote entre 3 et 10 ml par jour, à savoir 58 % des sondés. Dans la consommation inférieure, moins de 3 ml par jour, on trouve 22 % du panel, et 20 % consomment plus de 10 ml par jour.

Mais le plus surprenant est la puissance. Il a été demandé aux sondés s’ils connaissaient la puissance, exprimée en watts, de leur set-up, ou leur réglage privilégié. La puissance moyenne des vapoteurs en France s’avère être de 32 W. La médiane est toutefois de 25 W. Ceci s’explique par la très forte puissance des kits pour vape directe, qui peut très vite influencer la moyenne à la hausse.

Sur les habitudes d’achat, ce sont les boutiques de vape qui décrochent la palme : 60 % des liquides y sont achetés par les consommateurs. Viennent ensuite les sites en ligne, avec 25 % des ventes, et les bureaux de tabac, qui représentent 12 % du marché.

De nombreuses autres réponses sont moins représentatives, mais on observe tout de même que la part de ceux qui disent faire leur produit eux-mêmes est de 1 % seulement.

Le goût du liquide

Que vapotent les personnes sondées ? Des e-liquides goût tabac, pour 20 % d’entre eux, que ce soient des arômes classic purs et durs ou des arômes tabac agrémentés d’autres saveurs. Pour 80 % des vapoteurs, les réponses ont été représentées par un nuage, où les trois occurrences les plus citées sont, dans l’ordre, fruité, menthe, gourmand.

Dans les fruités, la galaxie est quasiment infinie, comprenant tous les fruits simples et les mélanges.

La question n’a pas été posée, donc la réponse n’a pas été quantifiée, mais l’institut souligne que la grande majorité des vapoteurs interrogés varient leur consommation entre plusieurs goûts, ceux qui restent fidèles à une seule et même saveur étant très minoritaires.

Vape ou tabac ?

 

Le chiffre rassure et interroge en même temps : 74 % des vapoteurs considèrent que la vape est moins dangereuse que le tabac fumé, respectivement 44 % trouvent que c’est un peu moins dangereux que le tabac fumé et 30 % beaucoup moins dangereux. 25 % des sondés pensent que le danger est équivalent entre vape et tabac fumé, et 12 % que la vape est un peu plus dangereuse que le tabac. En revanche, aucun n’a répondu que la vape était beaucoup plus dangereuse que le tabac fumé.

Dès lors, la question posée pour ceux qui pensent que la vape est aussi dangereuse, voire un peu plus, que le tabac fumé, est celle de leur motivation pour avoir tout de même opté pour le produit.

La vape utile


C’est un plébiscite : 89 % des sondés jugent que la vape est utile pour lutter contre le tabagisme. Leurs arguments se divisent en quatre grandes catégories : cela permet d’arrêter de fumer ou c’est une étape intermédiaire vers un arrêt, cela permet d’avoir sa dose de nicotine mais sans combustion, cela limite la consommation de nicotine, c’est un bon substitut, une bonne alternative au tabac fumé qui est moins nocive et dangereuse pour la santé.

En revanche, parmi les 11 % qui pensent que la vape n’est pas utile dans la lutte contre le tabagisme, deux écoles se dessinent. Les premiers pensent que la vape contenant de la nicotine incite à continuer de fumer. Les seconds pensent que c’est un substitut qui coûte moins cher, a moins d’effets visibles, qui a les mêmes effets nocifs, voire que c’est un placebo.

Dans l’absolu, ces deux courants sont très similaires : le vapotage, selon eux, ne permet pas de vaincre le tabac, juste de prendre sa place.

Pourtant, à la question de savoir si la vape avait aidé personnellement le sondé, 95 % ont répondu “oui”. Seuls 5,2 % estiment que non, mais continuent de vapoter.

Sur l’affirmation que la vape sauve des vies, 67 % sont d’accord, 22 % ne sont ni d’accord ni pas d’accord, et 8 % ne sont pas du tout d’accord, ce qui correspond peu ou prou à ceux pour qui la vape est un danger équivalent ou supérieur à celui du tabac.

Le prix de la vape

 

Sur une éventuelle taxation des produits de la vape équivalant à celle du tabac, 95 % ont répondu un “non” catégorique. Seuls 5 % estiment qu’elle devrait supporter 82 % de taxes, comme le tabac fumé aujourd’hui.

C’est sur le prix de l’e-liquide que l’enseignement est le plus fort. Partant du principe que le prix moyen d’un flacon de 10 ml est de 5,90 € aujourd’hui, il a été demandé aux vapoteurs quel serait le prix acceptable pour eux s’il était taxé. 75 % d’entre eux seraient prêts à payer 9 euros le flacon de 10 ml, 12,5 % accepteraient de payer jusqu’à 15 euros, et 12,5 % iraient même jusqu’à débourser 25 euros pour le flacon.

Les raisons en sont diverses, mais une tendance se dégage : compliquer l’accès au produit par les jeunes. Certains soulignent qu’un produit taxé est corrélativement protégé, et d’autres considèrent que la vape et le tabac étant similaires, ils doivent avoir un traitement fiscal identique.

Le prix moyen du flacon sur le marché de la vape aujourd’hui a été fixé par le prix du best-seller des débuts de l’expansion. Aucune autre étude ne s’était penchée sur le prix psychologique, et gageons que le résultat est une surprise.

L’interdiction ferait flop

 

En revanche, 90 % des sondés jugent qu’il ne faut pas interdire les arômes autres que le tabac, ce qui correspond au chiffre de ceux qui vapent des produits au goût autre que classic, aidés par un renfort de la moitié des vapoteurs de goûts imitant la cigarette.

Les arguments sont assez divers, allant de l’objectif (“c’est contre-productif”) au subjectif (“les goûts tabac, c’est pas bon”).

En revanche, les 5 % favorables à l’interdiction des arômes pensent que le goût attire vers la vape, sous-entendu les jeunes, ou qu’elle est devenue un “produit marketing”.

L’engagement politique

Parmi les vapoteurs interrogés, seuls 6 % se considèrent comme “très engagés” en politique et 27 % “assez engagés”. 38 % ne sont “pas du tout engagés” et 21 % ne sont “pas très engagés”.

Il s’agit d’engagement politique. En revanche, si la majorité des sondés ne militent pas pour leurs idées politiques, lorsqu’il s’agit de militer en faveur du vapotage, les réponses sont tout autres. 11 % des sondés seulement ne souhaitent pas agir. Pour le reste, une grande majorité se dit prête à signer une pétition (72 %) et à partager un post Facebook (53 %). Hormis le fait de rédiger un témoignage (37 %), les autres actions rencontrent moins de succès. En effet, seulement 23 % pourraient manifester dans la rue et écrire au ministre de la Santé pour défendre la liberté de vapoter. Enfin, 22 % des personnes interrogées seraient capables d’adhérer à une association et 18 % de passer à la télé ou à la radio.

La moralité des cigarettiers

 

Il a été demandé aux sondés si, selon eux, il était moral pour les industriels du tabac fumé de fabriquer à la fois de la vape et des produits à combustion traditionnels. Les réponses sont non à 60 %, et oui à 40 %. Même si la majorité des vapoteurs considèrent que vendre un produit qui tue un client sur deux et en même temps un produit qui permet de s’en sevrer n’est pas moral, la tolérance vis-à-vis des cigarettiers n’est pas négligeable.

Les arguments de l’immoralité sont déjà connus des vapoteurs, mais ceux des personnes qui n’y voient pas d’inconvénients, un vapoteur sur dix, sont intéressants. “C’est la loi du marché” pour les uns, qui considèrent donc que la vape est un produit plus qu’un enjeu de santé publique, “Ce sont deux plaisirs différents”, “C’est la liberté de chacun”, à corréler avec le nombre important de personnes qui placent sur un plan équivalent dangerosité du vapotage et du tabac, et enfin, “Beaucoup de personnes vapotent et fument à la fois”.

La vape dans le débat public

Il y a une contradiction dans les réponses aux deux dernières questions. Si 81 % des sondés, contre 19 %, estiment que la vape n’est pas assez présente dans le débat public, seul 67 % de l’ensemble souhaiterait qu’elle le soit davantage. Ce qui signifie que quasiment un tiers des sondés qui pensent que la politique ne parle pas assez de vape se satisfont de la situation.

Si la proportion semble curieuse, elle est à rapporter à des sondages plus généraux sur l’opinion que les Français ont de leurs responsables politiques et des chiffres de l’abstention aux élections. Il est alors permis d’émettre la supposition que, si les Français ne souhaitent pas que les politiques se penchent plus sur le sujet de la vape, c’est qu’ils ne leur font pas confiance pour apporter des solutions adéquates.
Conclusion
Les enseignements de ce sondage sont finalement assez variés. Bien évidemment, la potentielle acceptation des clients de payer plus cher leur liquide n’échappera à personne, ce qui peut rassurer quant à l’arrivée éventuelle d’une taxe.

Autre enseignement, les vapoteurs même peu engagés politiquement sont assez convaincus par le produit et son intérêt pour effectuer des actions que l’on pourra qualifier de “militantes”, à divers stades d’engagement.

Sur les cigarettiers, la stratégie visant à les dénoncer ne fonctionne visiblement pas. Ce qui ne doit pas empêcher de rappeler qu’ils fabriquent un produit qui tue un de ses consommateurs sur deux.

Mais paradoxalement, même si toutes les réponses ne plairont pas, ce sondage s’avère plutôt rassurant. Les vapoteurs sont majoritairement conscients de l’importance de l’e-cigarette, ne se laisseront pas arrêter par une taxation, et, surtout, sont suffisamment engagés pour lutter contre des mesures coercitives comme l’interdiction des arômes. Reste à savoir, le moment venu, ce qui sera réellement suivi d’effets.

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