La revue Pediatrics [1] a publié lundi dernier en ligne, les résultats d’une étude démontrant que la cigarette électronique est une passerelle vers le tabagisme en milieu jeune, rapporte le New York Times. Cette étude a été menée aux Etats-Unis, principalement dans l’État d’Hawaï.
Des jeunes qui fument pourtant moins et qui vapotent plus
Cette nouvelle recherche a été initiée et suivie de bout à bout par Thomas A. Wills, co-directeur du programme de prévention et de lutte contre le cancer à l’université d’Hawaï. D’après son étude menée entre 2011 et 2013, et sauf erreur d’interprétation ou de lecture de notre part, 29 % des étudiants adolescents (âgés entre 14 et 16 ans) auraient adopté le vaporisateur dans les écoles hawaiiennes. Des chiffres qui selon lui se révèlent plus importants que les estimations des études qui l’ont précédé.
Les chercheurs ont également comparé les utilisateurs d’e-cigarette aux utilisateurs réguliers de cigarettes et ont constaté que 17% des étudiants utilisaient exclusivement la cigarette électronique, 12% l’e-cigarette et les cigarettes de tabac (appelé «double usage» dans l’étude) et 3% seulement les cigarettes de tabac.
Thomas A. Wills pense que cette popularisation grandissante de la vape illustre une attractivité de l’e-cigarette auprès de jeunes qui auraient été susceptibles de se mettre à fumer. Pour illustrer sa thèse, il rapporte que les tarifs de la cigarette conventionnelle à Hawaï sont moins élevés que dans le reste des Etats-Unis et qu’il est possible que plusieurs adolescents, qui avaient délibérément choisi de fumer, renversent la tendance en s’adonnant au vapotage.
Contre vent et marées
Pour Stanton Glantz fervent détracteur de l’e-cigarette et directeur du centre pour la recherche contre le tabagisme et de l’éducation à l’université de Californie, San Francisco, qui a soutenu cette étude, « l’e-cigarette entraine les enfants à aimer la nicotine et par conséquent à adopter la cigarette traditionnelle ». Il déclare que les chercheurs « ne peuvent certifier à 100% que le vaporisateur est une passerelle au tabagisme, mais qu’ils en sont tout de même convaincus ».
Cependant, David B. Abrams, directeur exécutif de l’institut pour la recherche anti-tabac, s’est inscrit en faux à cette étude, en déclarant que « cette recherche est certes inquiétante, dans la mesure où elle soutient la théorie de la passerelle mais qu’elle reste encore une question ouverte ». Il estime que le tabac qui est une source de substances cancérigènes reste le plus grand danger pour la santé de ces adolescents, qui fument encore beaucoup plus qu’ils ne vapotent. Il craint dès lors que cette théorie de la passerelle (qui peine à trouver des échos scientifiques) détourne l’attention des pouvoirs publics sur les causes réelles du tabagisme.
Il est intéressant de noter que pour les mêmes données, les scientifiques ne tombent pas d’accord sur l’interprétation des résultats. La cigarette électronique divise clairement les opinions de santé publique.
[1] Risk Factors for Exclusive E-Cigarette Use and Dual E-Cigarette Use and Tobacco Use in Adolescents – Thomas A. Wills, Rebecca Knight, Rebecca J. Williams, Ian Pagano, James D. Sargent – doi: 10.1542/peds.2014-0760