Qui n’a pas de connexion internet a sans doute manqué la multitude de messages d’utilisateurs à travers le monde s’inquiétant de la présence de diacétyle et d’acétyle propionyle dans la composition des e-liquides. De quoi s’agit-il ? Quels sont vraiment les dangers ? Et pourquoi en parle-t-on maintenant ?

Les premières préoccupations dans le monde de la vape datent de 2010

Si le sujet parait d’actualité il pourrait en fait tirer ses origines des premiers débuts de la grande ère de la vape. Comme le souligne Oliver Kershaw dans un récent article sur son site vaping.com, on retrouve des messages dans les forums dès 2010. A cette époque déjà des utilisateurs discutaient des propos tenus par certains vendeurs, comme ceux de l’enseigne Liberty-Flights par exemple, qui expliquaient être sensibilisés à la présence de diacétyle dans les e-liquides.

Important : Selon notre analyse le pouvoir de réduction des risques qu’apporte la cigarette électronique face au tabac fumé, ne peut en aucun cas être remis en question, et ce quels que soient les débats actuels sur la présence éventuelle de ces composés dans les e-liquides.

Des vendeurs d’arômes également, comme Lorann, FlavourArt ou encore Perfumers Apprentice, ont dès cette époque communiqué sur le sujet en rassurant leurs clients sur le fait que leurs produits ne contenaient pas ou très peu, de diacétyle. Mais de quoi s’agit-il exactement ?

Le diacétyle et la maladie des travailleurs du popcorn

Le diacétyle est un produit chimique de structure C4H6O2, appelé butanedione ou 2,3-butanedione selon la nomenclature de l’Union Internationale de Chimie Pure et Appliquée (UICPA). Le diacétyle apparaît naturellement à la suite de certains processus de fermentation et est donc présent dans certaines bières, certains vins et certains produits laitiers sans présenter de risques pour la santé. Mais comme chacun le sait, ingérer n’est pas inhaler, et un estomac n’est pas un poumon.

Au début des années 2000 de plus en plus d’études commencent à relier le diacétyle à une maladie pulmonaire appelée “bronchiolite oblitérante”.

Le système respiratoire de l’être humain n’est pas doté des enzymes puissantes et des voies métaboliques de détoxification présentes dans le système digestif. De ce fait, les arômes alimentaires prévus pour l’ingestion peuvent potentiellement présenter une toxicité lors de l’inhalation.

C’est en 2007 que l’IUTA[7] publie un communiqué alertant sur un risque particulier d’exposition au diacétyle. Cette fédération internationale de syndicats représente des travailleurs principalement employés dans les secteurs de l’agro-alimentaire, services hôteliers et de la transformation du tabac.

L’organisme explique que c’est “l’utilisation du diacétyle comme additif alimentaire synthétique plutôt que le diacétyle naturel” qui pourrait donner lieu à de “sérieuses préoccupations en matière de santé”. Utilisé seul ou en combinaison avec d’autres ingrédients chimiques pour produire une saveur artificielle de beurre, il est généralement désigné sous l’appellation «arôme artificiel» ou «arôme artificiel de beurre».

Le diacétyle est régulièrement utilisé dans l’industrie alimentaire pour apporter un goût beurré.

Au début des années 2000 de plus en plus d’études commencent à relier le diacétyle à une maladie pulmonaire appelée “bronchiolite oblitérante”. Ce trouble respiratoire invalidant est alors connu par les médias américains sous le nom de « popcorn workers lung » (poumon des travailleurs du popcorn). Si cette maladie peut avoir différentes sources, comme les conséquences d’une polyarthrite rhumatoïde par exemple, elle reste grandement associée dans la pensée médiatique au travail du popcorn.

La maladie peut rapidement détruire les bronchioles, soit le prolongement de la bronche qui permet l’accès de l’air aux alvéoles, et entraîner ainsi une forte baisse de la capacité respiratoire. La bronchiolite oblitérante est jugée comme “invalidante, progressive, irréversible et potentiellement mortelle” selon l’IUTA, qui sensibilise dès lors les travailleurs de l’alimentation sur le risque d’être exposé à un grave danger. Le diacétyle peut en effet être facilement inhalé par le biais de “vapeurs, de gouttelettes ou de poussières” lors de la fabrication de certains aliments.

Du popcorn au e-liquide

Les bases d’une crainte au diacétyle dans l’industrie alimentaire étant finalement posées en 2006, il faudra attendre 8 ans pour que l’histoire n’atteigne le monde du e-liquide. L’industrie de la vape utilisant principalement des arômes de qualité alimentaire, le lien logique entre l’univers de l’alimentation et celui du vaporisateur s’est naturellement établi lorsqu’un scientifique, bien connu aujourd’hui, s’est penché sur la question en 2014.

74,2% des liquides testés contenaient du diacétyle ou de l’acétyle propionyle. Entre les deux molécules, aucun choix possible selon Farsalinos.

Le docteur Farsalinos, l’un des chercheurs les plus prolifiques sur le sujet de la cigarette électronique, a conduit une étude pour tenter de déceler la présence de diacétyle dans les e-liquides [1]. Au total, 159 échantillons achetés auprès de 36 fabricants et détaillants dans 6 pays différents (Europe et États-Unis) ont été analysés. Les résultats ont fait sursauter.

74,2% des liquides testés contenaient du diacétyle ou de l’acétyle propionyle. Entre les deux, aucun choix possible selon Farsalinos. Ce deuxième composé appelé également 2,3-pentanedione est un cétone (composé organique) très similaire au diacétyle et qui impliquerait implicitement les mêmes risques pour la santé.

Le chercheur grec Konstantinos Farsalinos est l’un des premiers scientifiques à avoir lancé la réflexion sur la présence de diacétyle dans les e-liquides pour cigarette électronique.

Qualifiant la présence de ces deux composés de “risque évitable” le docteur Farsalinos avait alors tenté d’interpeller les fabricants de e-liquides sur la nécessité de mettre en place des processus de fabrication plus précis et en phase avec les normes d’exposition limite actuellement en vigueur.

Mais derrière les limites évoquées se place en fait une interprétation du chercheur. Les normes NIOSH* sur lesquelles il base ses calculs sont en effet conçues pour définir des limites d’exposition à des produits chimiques en milieu de travail. Les valeurs présentées par l’organisme sanitaire américain concernent ainsi des concentrations dans l’air et prend en compte les rythmes de ventilation des travailleurs, comprenez la fréquence de respiration. Un calcul d’équivalence avec les vapoteurs qui pourrait déjà poser à ce stade, certaines problématiques analytiques.

Si les discussions scientifiques ne semblent être qu’à leur début, l’appel de Farsalinos est néanmoins resté pendant presque une année sans véritable écho médiatique, jusqu’au jour où certains professionnels s’en sont mêlés.

Appât du gain contre conscience professionnelle ?

Le fait que le diacétyle ou l’acétyle propionyle apporte un goût particulièrement agréable à la vapeur a probablement rendu difficile l’auto-discipline des fabricants. Il faut dire que les “juices” Made in America ont le vent en poupe et une saveur gourmande au goût beurré est la garantie de bonnes performances dans les ventes. Tellement bonnes que c’est peut être leur caractère si attractif qui aurait mis la puce à l’oreille de certains revendeurs.

Si les limites de concentration et leurs effets potentiels sur la santé sont discutables, la fiabilité des analyses l’est aussi avec des laboratoires qui ne trouvent pas forcément les mêmes résultats pour un même liquide.

Plusieurs détaillants ont commencé à faire analyser certains des e-liquides qu’ils proposaient à leur catalogue. Tel fût le cas du vendeur britannique Cloud9vaping, des français Taklope et Le Petit Vapoteur, ou encore de l’américain Vapor Shark. Et bien souvent en ligne de mire, des e-liquides très populaires comme la marque Suicide Bunny, Five Pawns ou encore Alien Vision pour n’en citer que quelques uns.

Dans certains cas les taux détectés par les laboratoires indépendants révèlent des taux d’acétyle propionyle pouvant aller jusqu’à 400 ppm** [3] (Mother’s Milk – Suicide Bunny), 1144 ppm [4] (Suicide Bunny The O. B.), voire 1800 ppm [5] (The Drifter – Vintage E-liquids) et même 2500 ppm [6] (Absolute Pin – Five Pawns) soit un taux 100 fois plus élevé que les limites d’acceptabilité calculées par Farsalinos.

La détection de diacétyle dans les e-liquides s’effectue le plus souvent à l’aide d’un spectromètre de masse couplé à de la chromatographie en phase gazeuse (GS-MS).

L’impact commercial de telles annonces a bien entendu suscité de vives réactions de la part des sociétés incriminées allant même jusqu’à soulever des conflits juridiques. Car si les limites de concentration et leurs effets potentiels sur la santé sont discutables, la fiabilité des analyses l’est aussi avec des laboratoires qui ne trouvent pas forcément les mêmes résultats pour un même liquide. La raison de ces différences pourrait s’expliquer dans le calibrage des machines et leur niveau de sensibilité.

Plus récemment le courant semble s’élargir aux fabricants eux-mêmes, comme le montre l’exemple de Vapor Shark mais aussi du géant britannique Totally Wicked qui a passé au crible de l’analyse chromatographique l’ensemble de sa gamme pour la présence éventuelle de ces deux composés. RAS, et le fabricant s’en vante.

Le cas du fabricant américain NicVape illustre également cette tendance à la transparence concernant le diacétyle et l’acétyle propionyle. En affichant sur sa page d’accueil que son précédent fournisseur d’arômes avait menti sur l’absence prétendue de ces deux composés, le juice maker clame haut et fort son nouvel engagement auprès du consommateur et garantit désormais que ses e-liquides en sont dépourvus. Un badge a même été créé pour visuellement attirer l’attention du client sur cet aspect qualitatif.

Au vu des réactions sur les réseaux sociaux une certaine partie des consommateurs se dit bien entendu attentive à ces informations. Mais ces préoccupations peuvent-elles avoir, à grande échelle, de véritables échos commerciaux ?

Certains professionnels réagissent

L’association des professionnels de la cigarette électronique canadienne ECTA (Electronic Cigarette Trade Association of Canada) n’a pas attendu que la polémique enfle pour réagir et communiquer auprès de ses adhérents. L’organisme demande ainsi à ses membres depuis juillet 2015 de soumettre tous les six mois des échantillons en vue d’évaluer certaines caractéristiques de la nature chimique des e-liquides commercialisés via son réseau. Est ainsi calculée par un laboratoire indépendant et à la charge du fabricant, la concentration de nicotine, diethylene glycol, acétaldéhyde, formaldéhyde, mais aussi diacétyle et acétyle propionyle.

 

A lire plus bas : En France la FIVAPE réagit.

 

En se basant sur des limites de concentration publiées par Farsalinos dans son étude de 2014 l’ECTA tente à travers ces nouvelles contraintes de définir, avec certaines précautions tout de même, des seuils d’acceptabilité aux fabricants.

Ainsi en dessous de 22 µg/ml pour le diacétyle et de 45 µg/ml pour l’acétyle propionyl, l’adhérent n’est pas tenu de modifier sa politique de commercialisation. En revanche si les taux dépassent ces seuils il est invité à informer sa clientèle de la présence du composé dans la recette de son e-liquide et à reformuler cette dernière. Au dessus de 100µg/ml c’est le retrait immédiat de la vente qui est demandé.

Établir des standards internes à la profession ne peut être accueilli que positivement par le consommateur, mais est-ce que ces exigences sont vraiment réalisables ? Les recettes des e-liquides crémeux ou beurrés sont-elles toutes menacées ?

Le diacétyle ou la cuisine au beurre

Le problème parait complexe car la présence de ces composés trouve sa source dans les procédés de fabrication des arômes, une partie de la chaine de production qui peut parfois être difficile à maîtriser pour un professionnel qui se contente d’acheter sur catalogue différents arômes auprès de différents fournisseurs dans le monde entier.

Si le fabricant peut obtenir la garantie d’acheter du propylène glycol ou de la glycérine végétale de qualité pharmaceutique, la nature moléculaire des arômes concentrés pourrait être bien plus complexe à évaluer lors de l’achat chez un fournisseur spécialisé.

Pour le fabricant de e-liquide il peut parfois être difficile de connaitre précisément la nature moléculaire des arômes achetés chez un fournisseur.

Vincent Cuisset de la société Vincent dans les Vapes expliquait en effet l’année dernière à notre rédaction qu’un arôme, “qu’il soit naturel ou artificiel, est fabriqué sous un support particulier (gomme, éthanol, sirop de sucre, PG, acétine, huile…) et contient différents types de molécules aromatiques (cétones, terpènes, thiols, lactones, pyridines…)”.

Quant aux autres composés potentiellement dangereux pour la santé en cas d’inhalation, la culture scientifique n’a pas d’autre choix que de se constituer par des démarches empiriques.

Il est alors facile d’imaginer la perplexité d’un fabricant de e-liquide, dont le savoir-faire peut parfois résider dans ses qualités d’assembleur uniquement, face à des contraintes analytiques poussées relevant de la compétence d’un ingénieur chimiste. Car pour savoir si les arômes qu’il achète au kilo contiennent du diacétyle ou de l’acétyle propionyle encore faut-il que son fournisseur lui communique ces informations. Or d’après certaines sources proches de l’industrie, ce n’est pas tout le temps le cas.

Et pourtant “les fabricants et vendeurs d’arômes alimentaires doivent délivrer des produits conformes à la réglementation CEE 1334-2008, qui fixe notamment des critères de pureté spécifiques pour des substances pouvant porter atteinte à la santé du consommateur” explique l’un de porte-parole de la marque Vincent dans les Vapes sur le forum-ecigarette.com [2].

“Mais les arômes alimentaires sont susceptibles de contenir bien d’autres substances qui peuvent être dangereuses ou dont on ne connaît pas les effets en inhalation” poursuit le fabricant : “plomb, cuivre, arsenic, zinc (métaux lourds), pulégone, coumarine, quassine, cinnamaldéhyde, bêta-asarone… la liste est longue, sans parler des substances OGM, résidus de pesticides, sirop de sucres, gommes…”

A défaut d’attendre de son fournisseur certaines de ces données critiques, une solution réside dans le test systématique de ses propres recettes une fois réalisées. Mais la multitude d’arômes combinés dans la précieuse formule d’un liquide peut aisément compliquer la recherche du composé aromatique fautif une fois la potion réalisée. Comment en effet identifier si des taux de diacétyle ou d’acétyle propionyle trop élevés sont la résultante de la présence d’un arôme en particulier ?

Certains fabricants de e-liquides ont commencé à établir une liste de composés aromatiques à éviter.

Quant aux autres composés potentiellement dangereux pour la santé en cas d’inhalation, la culture scientifique du fabricant n’a pas d’autre choix que de se constituer par des démarches empiriques. Aux professionnels d’établir ainsi une liste de composés qu’ils ne souhaitent pas incorporer dans leurs recettes.

Mais en voulant éviter certaines molécules, d’autres pourraient entrer en considération dans les recettes afin de contrebalancer un certain manque gustatif. Peuvent se poser alors les mêmes problématiques de concentration dans le futur mais pour d’autres molécules. Car il faut rappeler que c’est la dose qui fait le poison, et non la simple présence de ce dernier dans un produit de consommation.

La Pierre de Rosette arômatique

A notre connaissance le jeu du décodage des arômes souhaitables ou non dans un e-liquide a d’ores et déjà commencé dans les laboratoires de certains fabricants français. Mais le travail prend du temps et la naissance de cette culture professionnelle est très récente.

À 150 euros environ le coût d’une analyse chromatographique en France, un fabricant pourrait intégrer des vérifications systématiques de tous ses arômes, au risque néanmoins pour le professionnel de modifier la balance économique des coûts de fabrication.

Autre solution plus radicale, s’équiper d’un spectromètre de masse couplé à de la chromatographie en phase gazeuse (GS-MS).

Selon le niveau de précision comptez entre 100 000 et 250 000 euros environ ainsi que le salaire d’un employé compétent pour manipuler l’appareil et interpréter les résultats. Mais le jeu peut en valoir la chandelle car comme le dit le vieil adage “on n’est jamais mieux servi que par soi même” et quoi de mieux que de contrôler l’ensemble de ses produits, du bidon de nicotine jusqu’à la plus petite molécule aromatique.

En France la FIVAPE réagit

Dans le cadre d’un article pour PGVG Magazine nous avons interrogé Charly Pairaud, Vice-président de la FIVAPE, et Xavier Martzel, Secrétaire Général Fabricants.

Jean Moiroud, Président de la fédération interprofessionnelle de la vape (FIVAPE).

PGVG : Certains experts en santé publique (Bates, Etter, ..) pensent que la cigarette électronique n’a pas besoin d’être 100% inoffensive, mais juste moins nocive que le tabac fumé. Êtes-vous d’accord avec cela ?

FIVAPE : Oui, dans la mesure où la réduction maximale du risque reste notre point de mire. En effet, le propos n’est pas que la vape soit 100% inoffensive mais elle doit tendre à l’innocuité.

La révolution de la vape, qui a moins de 10 ans, s’est construite en opposition aux dangers du tabagisme, avec pour ambition première de placer la réduction des risques au cœur de son développement. Mais pour comprendre la vape, nous sommes persuadés qu’il faut maintenant la considérer comme une innovation de rupture, qui dépasse de très loin son rapport aux produits des majors du tabac.

De l’OMS à l’Union européenne, en passant par la FDA ou les associations anti-tabac, nos interlocuteurs ont besoin d’être éclairés sur les pratiques des fabricants et le savoir-faire des professionnels de la vape.

La vape n’a pas besoin d’être 100% inoffensive, mais elle doit tendre vers une sécurité optimale au fur et à mesure des avancées scientifiques.

Ni produit du tabac, ni médicament, mais quoi alors ? Dit autrement, pourquoi faudrait-il sans cesse nous ramener au tabac fumé ? Les nombreuses études sur le sujet démontrent que la e-cigarette est infiniment moins dangereuse que le tabac conventionnel et, pour en revenir à Bates ou Etter, nous les invitons, eux-aussi, à dépasser la lancinante mise en perspective de la vape par rapport au tabac.

La Fivape a ainsi toujours plaidé pour que la vape se pense par elle-même : grades vapologiques, réglementation dédiée, gestuelle réinventée … une logique d’«empowerment » nous incombe, afin d’être à la hauteur des enjeux.

La vape n’a pas besoin d’être 100% inoffensive, mais elle doit tendre vers une sécurité optimale au fur et à mesure des avancées scientifiques. Ces recherches doivent être encouragées par les professionnels, les médecins, les pouvoirs publics et ce, avec l’aide des vapoteurs.

PGVG : Depuis l’étude de Farsalinos et al. (Nicotine and Tobacco Research, septembre 2014), la présence de diacétyle et d’acétyle propionyl semble susciter l’inquiétude chez certains consommateurs avertis. Comment la Fivape peut-elle les rassurer ?

FIVAPE : L’étude du Docteur Farsalinos appelle à plusieurs commentaires. Le premier message rappelle que les professionnels doivent être conscients de leurs responsabilités et, à cet égard, la Fivape a toujours été un moteur de l’amélioration des connaissances, en France et à l’international.

Les travaux et études sur la composition des produits, leurs propriétés lors de la vaporisation ont débuté bien avant 2014. La Fivape fut l’instigatrice du premier projet d’exigences sur les pratiques et les produits (Charte, label, normalisation…). Ces actions se poursuivent aujourd’hui avec nos travaux pour l’application des normes AFNOR : une première mondiale en faveur de la qualité et la sécurité des produits !

Nous considérons qu’il revient à chaque professionnel de s’assurer des concentrations de ces composés dans les produits mis sur le marché.

Le diacétyle et l’acétyl propionyl sont des composants qui, en trop grande quantité, peuvent présenter une toxicité en inhalation (ex. : bronchiolites oblitérantes). Nous considérons donc qu’il revient à chaque professionnel de s’assurer des concentrations de ces composés dans les produits mis sur le marché.

La norme XP D-90-300 Partie 2 mentionne un taux maximal de diacétyle de 22 ppm basé sur les études scientifiques existantes. Une mise à jour de cette norme sera possible à la suite des rapports à venir sur d’autres molécules à risque. A l’échelle européenne, il en va de même depuis le lancement des travaux du comité européen de normalisation « e-cigarettes et les e-liquides », le 22 juin dernier.

PGVG : Ces composés apportent une signature gustative bien particulière à la vapeur. Les e-liquides au goût crémeux ou beurré sont-ils par conséquent plus propices à contenir l’un ou deux de ces composés ?

FIVAPE : Oui, et ce sujet mérite quelques explications. Déjà, pourquoi la présence d’acétyl propionyl ? Tout simplement afin de contourner l’utilisation du diacétyle, qui fut implicitement banni ou ajusté finement ! Mais attention, il faut bien plus d’acétyl propionyl pour retrouver la force du diacétyle. Viendra le jour où un autre dérivé dicarbonylé, l’hexane 2,3 dione remplacera l’acétyl propionyl, et ainsi de suite. Quid de l’acétoïne qui lui peut se transformer en diacétyle ? Bref, ce jeu de la surenchère nous fait dériver de l’intérêt général de la vape « optimale ». Redéfinir les taux adaptés est un exercice qui prend du temps, c’est tout l’enjeu du grade vapologique des arômes !

Xavier Martzel, Secrétaire Général Fabricants – FIVAPE

PGVG : Depuis quelques semaines plusieurs professionnels, notamment britanniques, se sont lancés dans des analyses de laboratoires afin de publier leurs résultats. A votre avis, verra-t-on prochainement des professionnels français adopter le même comportement ?

FIVAPE : Nous encourageons constamment la transparence chez les professionnels, par respect des vapoteurs et pour l’amélioration des connaissances, davantage que pour les visées commerciales sous-tendues par certaines initiatives. Depuis cinq ans, des milliers d’analyses sont effectuées sur les produits de la vape, en particulier en France, dans une démarche d’amélioration constante de la qualité.

Nous rappelons que la détection de ces composés aromatiques nécessite une précision de mesure au moins inférieure à la valeur limite.

A l’échelle de la filière mondiale de la vape, c’est une question de méthode qui est posée, face à l’absence de cadre réglementaire définitif, ce qui est somme toute naturel au regard de la jeunesse de notre activité. Dans cette situation et pour en revenir au diacétyle et à l’acétyle propionyl, sinon à tout autre composé, la volonté des professionnels d’informer les consommateurs doit être encouragée et soutenue. A charge ensuite à ces derniers de maitriser les informations qu’ils diffusent, ce qui appelle à des partenariats étroits avec le monde de l’analyse et de la recherche.

Par ailleurs, nous rappelons que la détection de ces composés aromatiques nécessite une précision de mesure au moins inférieure à la valeur limite (ex : une précision de 40 ppm pour mesurer un seuil maximum à 22 serait une impasse…).

PGVG : L’ECTA, une association de professionnels canadiens, a depuis le 7 juillet 2015 demandé à tous ses adhérents des tests systématiques sur les e-liquides vendus dans son réseau. La Fivape prévoit-elle d’en faire de même ?

FIVAPE : Demander des tests systématiques alors que les référentiels et valeurs associées ne sont pas tous définis, constatant que les travaux des standards européens montent en puissance, nous voyons cette démarche, à l’heure actuelle, comme une précipitation méthodologique.

La Fivape se fonde déjà sur les travaux de la norme AFNOR relative à la composition des e-liquides et encourage ses adhérents à se conformer aux exigences de ces normes, quelque soit la provenance du e-liquide. Les tests n’obligent pas à la publication systématique des valeurs, nous en laissons le libre choix aux professionnels membres de la fédération.

Charly Pairaud -Vice-président – FIVAPE

PGVG : Aujourd’hui diacétyle, demain pulégone, cinnamaldéhyde, bêta-asarone … ? La complexité des composés aromatiques rend-elle difficile à l’heure actuelle le listing de toutes les molécules à éviter dans la vape ? Les professionnels français savent-ils vraiment ce qu’ils manipulent ?

La liste des molécules entrant dans la composition des e-liquides se complète et s’affine de jour en jour, notamment grâce aux fabricants et revendeurs investis dans la recherche fondamentale.

Dans un arôme d’e-liquide, il peut exister un nombre important de molécules dont certaines n’ont pas encore fait l’objet d’études approfondies en inhalation. Cependant, ce qui prévaut à nos yeux, est que leur toxicité demeure incomparablement faible face aux composés libérés en grande quantité par la cigarette traditionnelle. La liste des molécules entrant dans la composition des e-liquides se complète et s’affine de jour en jour, notamment grâce aux fabricants et revendeurs investis dans la recherche fondamentale.

Par ailleurs, nous pensons que les distributeurs et boutiques spécialisées devraient, selon des compétences « socles » et de manière continue, être informés des compositions chimiques des e-liquides et de leurs interactions avec la vaporisation.

Les professionnels de la fabrication, quant à eux, devraient obligatoirement analyser et assembler les produits de la vape via des outils ou prestations de mesures performants, et informer les distributeurs des résultats obtenus. En conclusion et plus que jamais, il convient de promouvoir l’exigence tout en préservant l’innovation. La Vape est et doit demeurer un espoir pour des millions de fumeurs. Aussi les professionnels indépendants ont le devoir et la volonté de défendre cette espérance.


*National Institute for Occupational Safety and Health. Agence fédérale américaine chargée de mener des recherches et formuler des recommandations pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Les valeurs limites données par cet organisme au sujet du diacétyle sous entendent qu’en dessous du seuil défini, moins de 1 travailleur sur 1000 ne développe de maladies pulmonaires en 45 années d’exposition.

** Une partie par million (abrégé en un ppm) est un terme fréquemment utilisé par les scientifiques. Au sens strict, un ppm correspond à un rapport de 10-6, soit, par exemple, un milligramme par kilogramme. Le ppm n’est pas une concentration mais un rapport, c’est-à-dire un quotient sans dimension, à l’instar d’un pourcentage.

[1] Evaluation of Electronic Cigarette Liquids and Aerosol for the Presence of Selected Inhalation Toxins, Nicotine Tob Res (2015) 17 (2):168-174. doi: 10.1093/ntr/ntu176

[2] “Liquides & arômes sans Diacetyl ou substituts” – Question de Leopold du 11 avril 2013 – http://www.forum-ecigarette.com/vdlv-avis-f799/diacetyle-acetoine-acetaldehyde-t84185.html

[3] analyse commanditée par Taklope
[4] analyse commanditée par Le Petit Vapoteur
[5] analyse commanditée par Vapor Shark
[6] analyse commanditée par Cloud9Vaping

[7] L’Union Internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du catering, du tabac et des branches connexes (UITA) est une fédération internationale de syndicats représentant les travailleuses et travailleurs employés dans l’agriculture et les plantations; la préparation et la manufacture des aliments et boissons; les services hôteliers, de restauration et de catering; toutes les étapes de la transformation du tabac. L’UITA compte 410 organisations affiliées dans 126 pays, représentant un effectif total approximatif de 2,6 millions de membres.

Pour aller plus loin

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