Le magazine 60 millions de consommateur a créé hier une polémique autour de l'e-cigarette.

Suite de l’évènement 60 millions de consommateur : le docteur Farsalinos répond au magazine.

Voici la critique du docteur Konstantinos Farsalinos au sujet de l’étude du magazine 60 Millions de consommateurs :

Au début, je croyais que le titre était trop agressif et que je pourrais le regretter. Cependant, j’ai décidé de le garder car il n’y avait pas d’autre manière d’exposer la réalité de la présentation de 60 millions de consommateurs et l’interprétation des résultats.

Aujourd’hui, le magazine français a publié un article qui offre plus de détails sur la méthodologie et les résultats qui confirment en partie les éléments d’information présentés auparavant sur un site français bien qu’ils aient omis de mentionner qu’entre chaque bouffée, les fumeurs inhalaient continuellement l’air ambiant. Par conséquent, leurs résultats correspondaient à ce qui est présent dans 15 bouffées de cigarette ainsi que dans l’air ambiant, comme je l’avais expliqué précédemment. Leurs tests ont mesuré un volume de bouffées de 750 ml et un volume d’air de 6250 ml, ce qu’ils auraient dû signaler !

Même si l’on choisit de faire fi des erreurs figurant dans la méthodologie, des problèmes bien plus importants doivent être mis en exergue, à savoir une distorsion des règles des mathématiques, une ignorance absolue des statistiques et une inefficacité totale dans la présentation et l’interprétation des résultats.

Dans leur nouvel article, ils ont décidé pour finir de présenter les résultats de leur « étude » en détails. Ils ont reconnu que leurs résultats étaient similaires à ceux de Goniewicz et de ses collègues, comme je l’avais déjà mentionné dans mon précédent commentaire. Toutefois, Goniewicz avait expliqué dans un article revu pas des confrères que: « …les niveaux de composés toxiques sélectionnés présents dans la fumée d’une cigarette conventionnelle étaient 9-450 plus élevés que dans la vapeur d’une e-cigarette ». De manière intéressante, le magazine 60 millions de consommateurs soutient l’idée que les niveaux sont plus élevés dans les e-cigarettes que dans les cigarettes de tabac.

Comment est-il possible que deux études aient trouvé des résultats identiques mais des conclusions différentes ?

Oui, c’est possible. Si vous ignorez les règles de base des mathématiques et les principes statistiques, vous pouvez dire ce que vous voulez. Le magazine français a publié ce qui suit :

Pour les cigarettes électroniques :

  • Le niveau de formaldéhyde se situait entre 0,20 et 5,61 microgrammes ;
  • Le niveau d’acroléine se situait entre 0,07 et 4,19 microgrammes ;
  • Le niveau d’acétaldéhyde se situait entre 0,11 et 1,36 microgrammes ;

Pour les cigarettes de tabac :

  • Le niveau de formaldéhyde se situait entre 1,60 et 52 microgrammes ;
  • Le niveau d’acroléine se situait entre 2,40 et 62 microgrammes ;
  • Le niveau d’acétaldéhyde se situait entre 52 et 140 microgrammes ;

Existe-t-il une seule personne censée qui, sur la base de ces résultats, comprend que les e-cigarettes émettent plus de substances chimiques que les cigarettes conventionnelles ?

Le magazine français soutient cette thèse. Après y avoir réfléchis pendant deux minutes, j’ai compris que la seule manière de croire cela était de comparer la plus haute valeur des e-cigarettes et la plus faible valeur des cigarettes de tabac. Ceci n’est pas de la science mais du pur illettrisme en termes de compréhension des mathématiques simples et des règles statistiques. Il s’agit d’une insulte au bon sens. Pas besoin d’en rajouter.

De manière intéressante, ils tentent de fournir une explication à leurs résultats. « L’acroléine est produite à 180°C », disent-ils. Oui, lorsque vous chauffer des huiles végétales, pas un mélange de glycérol, de propylène glycol et d’arômes. De plus, ils soutiennent qu’ils ont mesuré des températures de près de (mais tout de même inférieures à) 180°C dans un atomiseur eGo-C. Avec ou sans liquide ? Et, où se trouve cette information ?

Je ne connais qu’une seule présentation à l’heure actuelle, celle du Docteur Murray Laugesen qui stipule que la vaporisation a lieu à 54°C. Qui plus est, ils tentent de nous faire croire qu’ils ont effectué des tests pour détecter la présence de dry-puff (bouffées sèches, lorsque la quantité de liquide est insuffisante pour alimenter la mèche) en évaluant la densité de la vapeur et en veillant à ce que la mèche soit toujours humide. Voilà un nouvel exemple de l’ignorance totale (et dangereuse) dont ils font preuve à l’égard des e-cigarettes.

Le phénomène des dry puff n’apparait pas seulement lorsqu’il n’y a plus de liquide dans l’atomiseur mais, lors de l’activation du dispositif, lorsque le taux d’évaporation est plus élevé que le taux d’apport de liquide à la résistance. Les « dry puff » peuvent survenir même si l’atomiseur est complètement rempli. Il n’existe aucune preuve selon laquelle le phénomène des « dry puff » ne survient que lorsque la densité de la vapeur est réduite. Je suis sûr que ce phénomène survient bien avant cela et il n’y a aucune méthode pour le détecter si ce n’est demander à un vapoteur chevronné de tester le dispositif. Je leur conseille de lire cette étude et de s’informer sur le problème des « dry puff ».

L’acroléine est en effet produite suite à l’utilisation de cigarettes électroniques, à des niveaux inférieurs aux cigarettes conventionnelles par ordre de magnitude (ce qui est évident même dans les résultats du magazine français). La raison expliquant la production d’acroléines n’est pas la température élevée lors de l’activation des e-cigarettes mais la présence de points chauds à la surface où le liquide s’évapore. Ceci peut survenir suite à une distribution inégale de liquide ou d’un apport inégal de celui-ci lors de l’activation de la cigarette électronique. Ces points chauds sont probablement si petits qu’aucun capteur ne pourrait détecter la hausse des températures. De plus, ils sont totalement imprévisibles dans leur apparition ; raison pour laquelle la quantité produite peut varier entre des bouffées consécutives (en utilisant le même dispositif et liquide). Cependant, les niveaux produits sont tout à fait minimes comparé aux cigarettes de tabac.

Il n’y pas de raison pour continuer à expliquer pourquoi les affirmations du magazine français doivent être considérées comme non valides, non scientifiques, irrationnelles et ridicules. Je suis vraiment navré de devoir utiliser de tels mots mais ce magazine et les personnes qui ont écrit ces articles devraient avoir honte de ce qu’ils font. C’est une honte totale, une distorsion de la vérité et de la science, un jeu de publicité qui fait preuve d’un manque absolu de respect pour les consommateurs. Un manque de respect pour les utilisateurs d’e-cigarettes, qui sont intimidés et qui pourraient replonger dans la cigarette, mais également un manque de respect pour les fumeurs qui sont terrorisés et qui sont dissuadés d’utiliser les e-cigarettes (et ils continuent de fumer).

Je n’ai jamais été aussi agressif dans mes commentaires. J’ai toujours soutenu la vérité. J’ai toujours dit que les e-cigarettes n’étaient pas totalement sans risque. Il est vrai que nous ne connaissons pas (et ne pouvons pas connaitre) les effets à long terme bien que nous disposions d’une montagne de données qui nous permet de dire avec certitude que ces effets seront minimes. J’accepte les résultats des publications revues par des confrères qui montrent que certaines substances chimiques pourraient être produites à des niveaux très faibles. Cependant, j’estime qu’il est de mon devoir éthique d’informer comme il se doit le public sur ce sujet délicat et que s’est un devoir de critiquer sévèrement et de discréditer des « études » qui sont utilisées à des fins de publicités contraires à l’éthique et qui ne produisent rien de plus que de la désinformation et de l’intimidation. Les personnes qui jouent avec la santé et la vie des fumeurs méritent d’être condamnées publiquement pour leurs actions.

Le Dr. Farsalinos est chercheur au Centre de chirurgie cardiaque Onassis d’Athènes en Grèce et au Medical Imaging Research Center de l’Hôpital universitaire Gathuisberg de Louvain en Belgique. Il est activement impliqué dans les recherches sur la sécurité et le profil de risque des e-cigarettes.


Source: http://ecigarette-research.com/web/index.php/2013-04-07-09-50-07/130-60-millions-de-consommateurs

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