Un nouveau service va bientôt voir le jour sur les internet : il se propose de faciliter le covoiturage. Mais avec une spécificité : il s’agit de voyages transfrontaliers afin de permettre d’aller faire des achats à l’étranger. Et que trouve-t-on moins cher à l’étranger ?

Carklop cataklop

Une société française est en train de monter une plate-forme de covoiturage pour aller faire ses courses à l’étranger, là où c’est moins cher. Et pourquoi pas ? C’est permis au sein de l’Union européenne, et des étrangers viennent également acheter des denrées en France.

Mais évidemment, il n’est pas question ici de monter un covoiturage pour aller en Suisse acheter de grandes quantités de Gruyère d’alpage et d’Ettivaz. La Confédération helvétique a peu de retombées économiques à attendre de ce service. En revanche, l’Espagne, le Luxembourg, la Belgique, entre autres, vont voir affluer des clients français avides d’un produit très spécifique. Un indice, il ne se mange pas.

C’est si évident que cela ? Peut-être y a-t-il un indice dans le nom de la plate-forme ? « Carklop ». « Car », c’est voiture, quant à « klop »… Oui, évidemment, il s’agit de tabac, pas de fers à cheval. Parce que même si les moules-frites sont moins chères à Bruxelles et les costumes croisés avec des rayures discrètes et de bon goût meilleur marché à Milan, ce n’est pas ce qui intéresse les covoitureurs.

D’ailleurs, Philippe Coy, Président de la confédération des buralistes, ne s’y trompe pas. Il a déclaré à France Info « c’est complètement hallucinant », ce qui démontre que concision et précision peuvent faire bon ménage.

La Confédération, par sa voix, soulève le côté pratique des conséquences : perte de TVA et de taxes pour l’État français, appauvrissement du commerce de proximité frontalier qui ne va déjà pas très bien, et tout cela est vrai.

D’autres auront peut-être également des objections moins terre à terre. L’objectif de bon nombre d’acteurs, à commencer par l’État, mais aussi des professionnels de santé, voire même du vapotage, est de faire cesser la consommation de tabac. Permettre aux gens de contourner quelques obstacles placés sur leur route afin de les inciter à chercher des solutions n’est pas vraiment, du point de vue de la santé publique, une très bonne chose.

Mollis lex, sed lex

Qu’en pensent les associations de lutte contre le tabagisme ? Alexandre Markovic, de Demain sera Non Fumeur (DNF), est un peu désabusé en répondant aux questions du Vaping Post « nous avons un exemple d’une société qui profite d’une faille dans la législation. Il y a une différence entre l’objectif de la société, qui est d’organiser des covoiturages de la France vers l’étranger, et le discours de son PDG dans les médias. Mais ils sont dans la loi, sur une ligne très fine, certes, mais difficile à attaquer. Il y a le nom de la société qui pose problème, mais il faudrait, si on veut les faire condamner pour incitation, convaincre le juge de leur mauvaise foi, ce qui est très difficile. Mais nous ne sommes pas dupes, et la Confédération des Buralistes a raison d’être en colère ».

Quant aux douanes, ils n’en pensent pas moins. « C’est légal, mais réglementé », nous explique un représentant de l’institution. « Évidemment, on songe immédiatement à la quantité de tabac ou d’alcool que l’on fait passer, mais il y a un certain nombre d’autres points qui peuvent vous mettre en infraction ». Est-ce que les covoitureurs seront particulièrement ciblés ? « Matériellement, ce n’est pas forcément possible. Mais il y aura des contrôles ».

La faute à qui ?

Des gens vont donc s’associer, et une société gagner de l’argent, en ignorant superbement les politiques d’incitation à l’arrêt du tabac déployées depuis des dizaines d’années par le gouvernement français. Ils feront tout cela au détriment des commerçants frontaliers, mais aussi du contribuable. Un esprit chagrin pourra même pousser le vice en disant qu’ils iront payer leurs taxes ailleurs, mais feront soigner leur cancer aux frais de la Sécurité sociale.

Mais un constat s’impose : le problème dure depuis des années, ce qui fait scandale ici, c’est l’exploitation commerciale, légale, mais cynique, qui en est faite. Et s’il dure depuis des années, c’est parce que les pays frontaliers où le tabac est moins cher, l’Allemagne et la Belgique refusent d’aligner leurs taxes sur les produits du tabac sur celles de leur voisin.

Et, avec un aplomb déconcertant, ce sont précisément les mêmes pays qui poussent pour taxer la vape uniformément dans toute l’Europe.

De toutes les œuvres des philosophes grecs de l’antiquité, c’est décidément celle de Diogène de Sinope, maître à penser du cynisme, qui résonne le plus à notre époque.

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