Ou en est-on de l’étude du lien entre tabagisme et COVID-19 ? Le Haut Conseil de la Santé Publique a rendu un avis argumenté, pour répondre, entre autres, à la question « la nicotine protège-t-elle du COVID ? ». Revue de détails.

 

L’essentiel : Le Haut Conseil de la Santé Publique a émis un avis sur le lien entre tabagisme et COVID-19 soulevé par diverses études, en se basant sur des sources multiples et fiables. 

Il en fait aucun doute, selon le rapport, que le tabagisme est un facteur aggravant du COVID-19, et que les fumeurs sont plus sujets aux formes graves du COVID, conduisant à l’hospitalisation en réanimation et parfois à la mort. 

Le HCSP est plus mitigé sur les études affirmant que la nicotine protège de la contamination au COVID. Le rapport relève de nombreux biais sur la collecte des statistiques qui ont conduit à ces conclusions. Il incite à réfuter la fausse information selon laquelle le tabac protégerait du COVID-19.

Le Haut Conseil de la Santé Publique ne ferme néanmoins pas la porte à cette piste et demande à ce que des études plus approfondies sur le sujet soient menées. Le rapport précise qu’il serait utile d’y introduire, entre autres, le vapotage, pour étudier les effets spécifiques de la nicotine. 

Conclusion : Les fumeurs ont indubitablement plus de risques de mourir du COVID-19, en revanche, il n’est absolument pas prouvé qu’ils ont moins de chances de l’attraper. 

 

Gravité du COVID et nicotine

Dans son avis rendu le 9 mai, le Haut Conseil de la Santé publique dresse un panorama des connaissances sur le lien entre COVID-19 et tabagisme. En se penchant particulièrement sur deux grandes questions : le tabagisme est-il un facteur aggravant lorsque des complication surviennent sur des patients souffrants du coronavirus, et les fumeurs sont-ils réellement moins atteints que le reste de la population.

Pour y réponde, le HCSP, qui s’est auto-saisi, a constitué une équipe pluri-disciplinaire provenant de différentes institutions, et s’est penché sur trois sources d’informations.

Premièrement, une lecture de la littérature scientifique sur le sujet. A titre exceptionnel, le HCSP a intégré dans la bibliographie des études publiées sur des sites internet et non relues par des pairs.

La deuxième source est constituée par des entretiens menés entre les membres du groupe d’investigation et des chercheurs ayant travaillé sur le sujet. La troisième est une série de données statistiques collectées auprès de l’AP-HP (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris).

La conclusion du HCSP sur le tabac comme facteur d’aggravation du COVID est sans appel : le tabac est un facteur aggravant des symptômes, conduisant à des hospitalisations plus fréquentes en service de réanimation et à une surmortalité. Cette conclusion est conforme à la première étude chinoise sur le sujet, et est confirmée par plusieurs méta-études et les statistiques de l’AP-HP.

Contraction du COVID et nicotine

Une étude avait affirmé, il y a quelques semaines, que la proportion de fumeurs était inférieure chez les patients atteints du COVID-19 que dans la population générale, ce qui pourrait laisser à penser que la nicotine pourrait protéger du coronavirus.

Le HSCP avance un avis beaucoup plus nuancé. En effet, si le Haut Conseil de la Santé Publique constate, de prime abord, une sous-représentation des fumeurs chez les patients, ils émettent la possibilité que cela provienne d’une mauvaise collecte statistique.

Le HSCP prend ainsi l’exemple d’un hôpital américain qui, en 2016, avait un taux de fumeurs dans ses entrées très inférieur (2,9%) à celui de la population générale. Mais, dans les dossiers de patients, 36,4 % étaient déclarés de « statut tabagique inconnu ». De surcroît, une enquête menée plus tard par téléphone sur un panel d’anciens patients a induit un triplement, lors de la mise à jour, du taux de fumeurs.

Si les patients ont été hospitalisés pour une raison n’ayant pas de lien avec leur tabagisme, il n’y a rien d’étonnant à ce que l’information n’ait pas été consignée dans leur dossier, puisque jugée « non pertinente ».

Le HSCP remet ainsi en cause la collecte de statistique ou le choix méthodologique, notamment dans une étude de la Pitiè-Salpêtrière qui affirmait que le nombre de fumeurs était inférieur parmi les patients atteints du COVID-19, étude qui ne se trouve pas confirmée en la comparant aux statistiques d’autres hôpitaux (Antoine Béclère, Bicêtre, Broca-La Collégiale, Cochin, Hôtel-Dieu, Paul Brousse).

Il est fort probable, avance le HSCP, que bon nombre de chiffres aient été victimes d’un biais. Ainsi, lors de l’établissement des statistiques sur le COVID, il est tout à fait possible qu’un nombre important ne se soient pas vu poser la question du tabagisme, dans l’urgence du moment, puis aient été comptabilisés comme « non fumeurs » par défaut face à l’absence d’information.

Néanmoins, le rapport ne ferme pas la porte : le HCSP conclut que si les études ne permettent pas d’affirmer avec certitude que la nicotine protège du COVID-19, les statistiques ne permettent pas non plus d’affirmer l’inverse, et encourage à poursuivre les investigations sur cette piste dans le but de « faire progresser la connaissance ».

Les préconisations du rapport

Suite à ce rapport, le HCSP émet un certain nombre de recommandations.

Tout d’abord, il enjoint à réfuter clairement la fausse information sur le tabac présenté comme protecteur vis à vis de l’infection par SARS-CoV-2 dans toute communication publique sur le sujet, et de déconseiller l’auto-prescription de produits nicotiniques dans ce but. Le HCSP ajoute qu’il ne faut pas oublier la lutte contre le tabagisme, qui constitue une des principales causes de mortalité en France.

Le rapport incite les professionnels de santé à une vigilance accrue en cas de repérage d’un patient Covid-19 fumeur, étant donné le rôle pronostique défavorable que constitue le tabagisme, et d’améliorer le système d’information et de surveillance en s’assurant que le statut tabagique est renseigné de façon systématique pour les patients Covid-19. Le HCSP souligne ensuite qu’un tel repérage pourrait être prolongé au-delà de l’épidémie, puisqu’il pourrait avoir son utilité dans d’autres sujets de santé publique.

Le rapport insiste également sur le fait que, plus que jamais, la plus grande prudence est nécessaire avant de décider de médiatiser des résultats non publiés ou non relus par les pairs. La liste des personnes qui se sentiront visées est longue…

Enfin, le HCSP conclut en incitant à poursuivre la recherche sur les liens entre tabac et Covid-19. Mais, cette fois-ci, en y incluant de manière spécifique le vapotage, qui permettrait d’étudier plus avant l’effet éventuel de la nicotine.

Au final, le rapport est un modèle de prudence et d’équilibre. Le HCSP pose les bases de ce que l’on sait, de ce que l’on ignore, rappelle qu’il n’est pas bon d’affirmer savoir ce dont on n’est pas sûr, et que l’on doit chercher à savoir ce que l’on ignore. Un peu de méthode scientifique, par les temps qui courent, ça fait un bien fou.

Source : L’avis du Haut conseil (le rapport complet est téléchargeable en PDF sur leur site)

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