Un débat raisonnable, deux mots d’ordre : attentisme et vigilance, et une demande reconnue par tous : l’exigence d’une règlementation mais basée sur des études approfondies et indépendantes.
C’est sous la calme houlette de la rapportrice Linda McAVAN et supervisé par le représentant italien de l’OMS près de l’Union Européenne Mr Roberto BERTOLINI que 3 heures durant, scientifiques, chercheurs et médecins ont élargi un débat dont la conclusion pourrait néanmoins se résumer en ces termes : partant de la place désormais acquise de la cigarette électronique sur le plan sociétal (le terme « phénomène social » a bien été évoqué), la question n’est plus de savoir comment la « bannir » (comme le répètera le député Martin Seychell, ardent défenseur de rapports et d’études), mais elle se décompose en deux grands axes :
1- Comment appréhender au mieux sa règlementation et surtout, l’harmonisation de cette règlementation entre les pays membres ?
Là encore, le souhait de cette nécessaire règlementation ne nous est pas apparu comme aveuglément coercitif, mais bien plutôt comme la résultante de différents constats somme toute légitimes et censés (n’oublions pas que nous nous situons dans le cadre d’une Commission sanitaire Européenne)
2- Où distribuer ? Qui doit/peut distribuer (pharmacies vs buralistes vs distributeurs indépendants) ?
Et même, « comment » distribuer ? (et pour cause : le contexte est totalement différent d’un pays-membre à l’autre. Là où 7 anglais sur 10 souhaitent ardemment cesser de fumer, à peine 3 sur 10 le veulent en Hongrie ! Comment mettre en place cette commercialisation en fonction de la mentalité de chaque pays ?).
3- Subsidiairement, les « cas limite », essentiellement les mineurs de 18 ans qui adopteraient l’e-cig sans jamais avoir fumé : y a-t-il là risque réel ?
Même si de façon plus ou moins alarmiste, tout le monde s’est accordé à admettre que le flou artistique le plus complet régnait pour l’instant sur la composition (substances, contenance, éventuelle dangerosité naturelle…) des liquides, ce qui est une chose, mais plus encore sur leur fabrication, ce qui est toute autre chose (un commissaire qui s’était rendu à cette fin en Chine s’est vu purement et simplement refuser l’accès au laboratoire de fabrication).
Il s’agirait donc bien plus d’être « tranquillisé » sur la qualité des composants que de continuer ad vitam-aeternam à débattre sur l’hypothétique nocivité du produit (et encore, comme l’ont justement souligné plusieurs intervenants lors des « questions » : combien d’années faudrait-t-il pour éventuellement attribuer à l’e-cig une pathologie spécifique ?).
Les positions des intervenants des différents pays-membres sont bien le reflet de cette « fragmentation » que déplore tant Mr BERTOLINI (qui par ailleurs, est lui-même assez contradictoire : il faut une règlementation harmonisée, des études claires mais on ne devrait idéalement autoriser cette e-cig que si une « raison médicale de désintoxication » était établie (par « qui » ?).
La position de l’Allemagne
L’Allemagne est catégorique (rapport de Kerstin Stephan, BfArM- absente et relayée par Michael Kleinefeld, users association (DE) : on n’autorise pas l’e-cig, on l’encourage par tous les moyens ! La nicotine est qualifiée de « nocive » dès lors qu’elle est absorbée par combustion. L’est-elle par inhalation qu’elle perd sa qualification de nocivité. Par ailleurs, la nicotine ne fait en aucune façon partie de la liste OMS des « médicaments » (elle reste une substance toxique et ne figure pas sur la liste des produits OMS classés « chimiques »), elle ne peut donc pas être administrée comme telle et l’e-cig n’a pas sa place en pharmacies.
La position de l’Italie
L’approche italienne d’un pneumologue membre de la Ligue anti-tabac va presque plus loin : s’il est d’accord avec son compatriote le Pr. Francesco Blasi qui déplore ce « grave manque » d’informations et de garanties concernant et contenu et contenant (l’anecdote de ces 2 batteries qui ont malencontreusement explosé a bien sûr été rapportée), il va quant à lui jusqu’à faire de la fragmentation des informations sur le marché un atout ! « Nulle obligation que ces études soient réservées aux laboratoires pharmaceutiques, aux procédés lourds et longs : au contraire, les distributeurs indépendants qui tiennent à une rapidité de résultats vont aussi « booster » entre eux une compétitivité quant aux études sur le matériel et les liquides ». Il n’est pas superflu de préciser ici qu’actuellement, la seule compagnie qui a commandé une étude privée complète et fouillée est BA Tobacco (cqfd…). Avis à qui veut éviter un risque de monopole par les compagnies pharmaceutiques ou l’industrie du tabac…
La position de la France
Le tabacologue suisse Jean-François ETTER (fort vigoureusement appuyé par notre représentante française, complètement acquise à la cause des vapoteurs) synthétise parfaitement ces positions en insistant sans détours sur le « but » de la cigarette électronique : on ne se préoccupe pas ici de l’addiction à la nicotine, qui, si elle subsiste peu ou prou, devient un (très) moindre mal.
Tout doit être mis en œuvre pour promouvoir, développer, encourager, faciliter le « passage » du tabac à la cigarette électronique, ce d’autant plus que le peu de résultats des substituts nicotiniques classiques n’est plus à relever.
650.000 décès /an en Europe dus au tabac, or, dans une cigarette électronique, une réduction de 500 à 1400% de la concentration des nitrosamines présentes dans une cigarette classique…Mr ETTER estime ne pas avoir à aller plus loin dans la démonstration.
La position de la Finlande
Si Kristiina Pellas (Finnish Medicines Agency) affine le propos en précisant que la Finlande, elle, reste très attentive au problème de la dépendance et à ce titre, interdit tabac comme e-cig aux mineurs et poursuit des études comparatives entre e-liquides, elle est néanmoins d’accord avec l’intervenant qui a le plus retenu notre attention, car lui est détenteur du seul scoop de cette réunion :
La position du Royaume-Uni
Jeremy Mean (Vigilance and Risk Managt of Medicines, London), représentant Anglais, qui nous annonce la publication pour le mois prochain d’une étude officielle complète sur la cigarette électronique ! L’Angleterre, grand précurseur de l’e-cig , qui l’a immédiatement autorisée, comme toute méthode permettant une diminution ou un arrêt du tabac, est aussi la première a avoir réalisé que l’étude de la balance risques/bénéfices était plus que faible. L’étude dont il est question a donc débuté il y a plus de 2 ans (mode de fabrication, utilisation, contenu des liquides, analyse du Propylène Glycol, des taux de nicotine, autres substances, étude comportementale sur le jeune public…) et le rapport sera rendu public en juin 2013. Il sera plus qu’intéressant de le comparer à l’enquête du Pr. Dautzenberg que nous attendons avec impatience.
La position du Danemark
De quoi peut-être alors tempérer les ardeurs de Mme Charlotta Pisenger, méd. Chercheur au PCH, Copenhague, laquelle exige une règlementation des plus sévères d’une cigarette électronique qui n’aurait comme seule fonction que de faire passer les « tabagiques » que nous restons tous de la peste au choléra, attestant qu’après lecture de plus de 400 chats, 8 personnes sur 10 se plaindraient de symptômes négatifs (douleurs, pressions, difficultés respiratoires accrues (!), affirmant qu’aujourd’hui, le public se voit vendre un produit qui serait purement et simplement présenté comme une « vraie cigarette mais sans ses dangers »… Alors que selon elle, la seule chose acceptable est de cesser net toute espèce de consommation de « tabac » (sic).