Si l’article 23 passait tel que voulu par le gouvernement, Walter Rei, le dirigeant de Flavor Hit, le dit sans ambages : à quoi bon continuer ? Et pourtant, la vape, il y croit, et depuis longtemps.

Pionnier, vous avez dit pionnier

Si la vape, en France, a commencé à se faire une place au début des années 2010, les premières tentatives ont eu lieu bien avant. Et, parmi ces éclaireurs, Walter Rei, encore loin de Flavor Hit.

« C’était pendant un voyage en Chine. Les Chinois avaient une méthode bien à eux pour lancer un produit : ils choisissaient un bâtiment dont le thème se rapprochait de ce qu’ils voulaient proposer, installaient quelques produits sur une table de jardin devant l’entrée, et, si les clients potentiels accrochaient, ils lançaient la production. Je sortais donc d’un building consacré à l’électronique, et il y avait deux gars qui vendaient des vapoteuses ».

Walter est fumeur à l’époque : « J’étais à deux paquets par jour. J’ai acheté un kit complet, je l’ai testé, et six mois plus tard, j’étais tellement convaincu par le produit que j’en avais un container plein qui arrivait en France. »

Le bâton de pèlerin à vapeur

Walter Rei, fondateur de Flavor Hit

Des vapes plein les poches, Walter fait le tour des revendeurs potentiels. « Les buralistes m’ont dit clairement que c’était un gadget et que dans six mois, ça n’existerait plus. » Une clairvoyance remarquable pour ceux qui, aujourd’hui, essaient à tout prix de s’approprier le marché. « Les pharmacies m’ont un peu snobé, mais ça a semblé intéresser les parapharmacies qui, à l’époque, se lançaient dans le bio. »

Il écoule un demi-container, jusqu’à un salon du bio. « La DGCCRF est venue me voir. Ils ont saisi des produits, et, quelque temps plus tard, j’ai reçu un rapport disant que mes étiquettes étaient non conformes, il fallait une petite tête de mort. Comme tout avait été fait en Chine, il aurait fallu que je renvoie mon container, qu’ils changent les choses et me le renvoient, j’ai lâché l’affaire, j’avais autre chose à ce moment-là. »

Mais la vape est toujours dans sa tête, et, en 2013, avec deux associés à l’époque, il lance Flavor Hit.

L’article 23

Quand l’article 23 est arrivé, c’est comme si le ciel était tombé sur la tête de Walter. « On a choisi de se battre, explique-t-il. La Fivape en tête, qui fait du super boulot, son action a porté ses fruits en obtenant deux signaux favorables à l’Assemblée nationale et au Sénat. Tous les acteurs du secteur qui se sentaient concernés ont fait leur part. Nous, on a reçu, avec d’autres, des politiques, des représentants d’élus, avec juste une idée : expliquer notre métier. On s’est rendu compte à ce moment-là d’à quel point ils sont mal informés sur le sujet. Ceux qui voulaient comprendre et n’avaient pas d’idées reçues, en tout cas, ont été à l’écoute. »

Chacun a choisi sa méthode : « J’ai repartagé la vidéo de Swoke, les gars ont été à fond, tout est dit avec une efficacité redoutable. »

La désinformation sur la vape insupporte le dirigeant de Flavor Hit. « Là, récemment, j’ai lu dans la presse que la vape décollait les poumons. Et sans preuves, juste comme ça. En répandant ce type de rumeurs, ils jouent avec la santé des fumeurs, mais ils attaquent aussi le gagne-pain des professionnels de la vape, sans contradiction. J’attends que, à l’avenir, on ne laisse plus passer ce genre de mensonges. »

Causes et conséquences

L’article 23 tombe au pire moment. « Flavor Hit commence à être rentable. Depuis la création, j’ai fait le choix de tout réinvestir. Si l’article 23 passe, c’est simple, on vendrait tout au prix du matériel d’occasion, pas de l’activité. Une machine à 150 000 euros, par exemple, qui achèterait ça ? Il y en aurait plein à vendre sur un marché où la demande s’effondrerait. On estime aujourd’hui que la société vaut à peu près 3 millions d’euros. Si l’article 23 passe, qu’on laisse tomber et qu’on vend tout, on arriverait, avec beaucoup de chance, à récupérer 100 000 euros. Je n’exagère pas : récemment, on a acheté un bureau spécifique qui vaut 1000 euros, neuf. Un liquidateur judiciaire le vend entre 30 et 50 euros. »

Pourquoi laisser tomber ? « Si l’article 23 passe, je devrais engager toute ma trésorerie pour acquitter la taxe sur une année, d’avance, on a fait le calcul. » Pour rappel, la trésorerie d’une entreprise, c’est ce qui sert à payer les créanciers, et les salaires, entre autres. « Il faudrait ensuite acheter un stock de timbres, plus d’autres pour la production à venir, une machine, parce qu’elles ne vont pas se coller toutes seules et qu’à la main, vu les quantités, ce n’est juste pas possible. »

« Si je continue aujourd’hui, c’est pour mes 12 salariés, explique Walter. Parce que j’ai une super équipe, de gens qui sont tous investis dans la société. D’habitude, en fin d’année, on fait une activité tous ensemble, cette année, ils ont refusé, expliquant qu’ils préféraient qu’on garde l’argent en cas de besoin l’an prochain. Ils m’ont proposé de ne pas leur verser leur prime de Noël pour garder de la trésorerie ! Rien que pour eux, je refuse de cesser de me battre. S’il n’y avait eu que moi, je serai parti faire autre chose, dégoûté de voir comme on est traités. »

Le rêve de Walter : « Que mes salariés me poussent gentiment dehors et reprennent Delfica, la maison mère de Flavor Hit. Mais pour ça, il faut d’abord qu’on arrête de vouloir nous empêcher de travailler. »

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