Le docteur Antoine Flahault, professeur de santé publique et fondateur de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique de Rennes, a publié récemment une analyse de la situation économique et politique de la cigarette électronique en Europe.

Enjeux financiers et politiques

Antoine Flahault, expert en santé publique, dénonce le dogmatisme des politiques actuelles pour réduire les méfaits du tabagisme

Antoine Flahault, expert en santé publique, dénonce le dogmatisme des politiques actuelles pour réduire les méfaits du tabagisme.

Flahault part d’un constat relativement simple : les méthodes déployées jusqu’à présent pour réduire le tabagisme dans nos sociétés sont en train d’atteindre leurs limites. Même si la prévalence des fumeurs dans la majorité des pays se situe aujourd’hui entre 20 et 30%, contre 90% dans l’Angleterre des années 50, force est de constater que les politiques de santé publique actuelles ne parviennent pas à franchir un certain cap. Le tabagisme à la peau dure et l’augmentation des taxes accompagnées de timides campagnes de prévention ne semblent pas remplir toutes leurs promesses.

Face à cette problématique le seul élève opérant à contre-courant des normes européennes reste la Suède, qui avec son Snus peut se vanter d’avoir le taux de cancers du poumon le plus bas de l’OCDE et la prévalence de fumeurs la plus basse d’Europe. Un paradoxe quand on sait que le produit est bel et bien interdit en Europe par crainte de son potentiel risque de “passerelle”, comme si d’une certaine manière la ceinture de sécurité pousserait les conducteurs à rouler plus vite.

On préfère encore en 2013 […] autoriser la vente libre des cigarettes dont on sait qu’elles tuent un consommateur régulier sur deux” explique Antoine Flahault. Le concept de réduction des risques pourtant bien appliqué avec les maladies sexuellement transmissibles (préservatif) n’a pas encore connu de translation pour le tabagisme, qui reste la première cause de mortalité évitable en France.

Combattre le dogmatisme actuel

Le fond du problème résiderait-il dans un État accroc aux recettes fiscales qui serait pris dans un véritable étau financier et temporel? Comment en effet se passer immédiatement des 17 milliards d’euros de revenus fiscaux annuels alors que les bénéfices économiques d’une population non-fumeuse ne se feront sentir que dans plusieurs années ?

L’industrie du tabac plus forte que jamais dont l’agilité économique s’illustre par des investissements variés (industrie agroalimentaire: Kraft, Suchard) prend le sujet de la réduction des risques très au sérieux. On pourrait presque lire entre les lignes d’Antoine Flahault que pour l’industrie du tabac la frontière entre “réduction des risques” et “réduction des pertes” reste bien fine.

Approuvant les propos de Amy Fairchild et coll., Antoine Flahault appelle au soutien massif des médecins, des scientifiques et des politiques auprès des activistes de la cigarette électronique.

Selon cet expert, une politique réaliste doit intégrer l’existence d’une dépendance à la nicotine dans notre société et rejeter le concept de l’abstinence totale comme seul remède au tabagisme. Ce n’est pas sans rappeler les propos de Michael Russell qui expliquait déjà en 1976 qu’un fumeur fume pour la nicotine mais meurt tristement du goudron.

Pour ce professeur de santé publique il faut “sortir cet article 18 de la directive européenne sur le tabac, et séparer définitivement la cigarette électronique et les snus des autres produits du tabac fumé“.

Des propos qui paraissent plein de bon sens mais qui semblent pourtant bien éloignés des débats actuels qui ont lieu au sein de l’Union européenne.


Source : Noël 2013: vers un e-calumet de la paix ? – http://virchowvillerme.eu/noel-2013-vers-un-e-calumet-de-la-paix/

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