Parmi les mesures mises en place en Afrique du Sud afin de lutter contre le COVID-19, l’interdiction complète de la vente des produits du tabac et de la vape sur le territoire. Une mesure qui commence aujourd’hui à poser problème, notamment pour tous les fumeurs du pays qui se retrouvent obligés de passer par le marché noir afin de se procurer leurs cigarettes.
Les mesures prises en Afrique du Sud afin de ralentir la propagation du virus
Si certaines nations ont pu donner l’impression de prendre la pandémie « à la légère » durant les premières semaines, d’autres ont, au contraire, rapidement souhaité instaurer des mesures fortes afin de ralentir la propagation du virus. C’est notamment le cas de l’Afrique du Sud qui, en plus de nombreuses autres décisions, a appliqué une interdiction totale de la vente des produits du tabac et de la vape.
Cette décision, aussi extrême puisse-t-elle paraître, a été prise par le gouvernement afin d’éviter au maximum la présence de cas sévères de COVID-19 sur son territoire. Pour le docteur Egbe, elle a été prise dans l’intérêt des Sud-Africains :
« Les informations montrent qu’il existe un lien étroit entre les personnes qui sont passées de symptômes légers ou modérés de COVID-19 à des symptômes graves et critiques de COVID-19 et la probabilité qu’elles soient fumeuses par rapport aux non-fumeuses ».
Ainsi, en Afrique du Sud, en plus de l’interdiction de la vente des produits du tabac, mais également des produits de la vape, le pays a mis en place une interdiction de la vente d’alcool, l’arrêt total de l’activité du Parlement, la fermeture des écoles et de la plupart des universités, un contrôle des prix pour les articles de première nécessité, un confinement de tous les habitants du pays, sauf ceux travaillant dans des établissements nécessaires au fonctionnement de base de l’économie (supermarchés etc), mais aussi la fermeture des frontières.
Des résultats encourageants
Si certaines de ces mesures peuvent paraître extrêmes, leur résultat s’est toutefois fait sentir. En effet, en mai 2020, alors que Cyril Ramaphosa, Président du pays, s’adressait à la nation afin d’indiquer la poursuite de l’interdiction des ventes de cigarettes, il rappelait qu’en Italie, dans un pays dont la population est similaire à celle de l’Afrique du Sud, il y avait 140 000 cas enregistrés, alors que le pays avait de son côté enregistré son 100ème cas seulement.
Les cigarettes et la vape resteront interdites
Début mai, le Président s’adressait une nouvelle fois à la nation afin d’indiquer que la décision d’interdire entièrement la vente des produits du tabac et de la vape sur le territoire serait maintenue.
Bien qu’auparavant, il avait indiqué que la vente de ces produits reprendrait une fois le pays passé en stade 4 (contre 5 jusqu’alors), cette décision avait été annulée par le National Coronavirus Command Council (NCCC), groupe mis en place au début de l’épidémie par le gouvernement, afin de prendre les décisions les plus importantes en cette période de crise.
« Après une réflexion et une discussion approfondies, le CNCC a reconsidéré sa position sur le tabac. En conséquence, les règlements ratifiés par le Cabinet et annoncés par le ministre Nkosazana Dlamini-Zuma le 29 avril ont étendu l’interdiction » déclarait-il ainsi.
De fait, à l’heure actuelle, les produits du tabac et de la vape restent entièrement interdits dans le pays, alors que la vente d’alcool a été réinstaurée depuis le 1er juin.
La contrebande bat son plein
Si les mesures mises en place afin de ralentir la propagation du virus dans le pays semblent efficaces, celle consistant à interdire les produits du tabac et de la vape commence à poser problème.
En effet, depuis son instauration, un vaste marché noir s’est mis en place à travers toute l’Afrique du Sud, destiné à permettre aux fumeurs de se procurer leurs cigarettes. Et puisque l’interdiction mise en place par le gouvernement l’a été sans prévention aucune, tous les fumeurs du pays se sont retrouvés, du jour au lendemain, sans possibilité de se procurer leur produit, et ainsi forcés de passer par un marché illicite.
Interviewée par la BBC, Michelle, jeune économiste Sud-Africaine, explique être aujourd’hui obligée de passer par des vendeurs de rues afin de pouvoir acheter ses bâtonnets de tabac. Le trafic étant majoritairement géré via l’application WhatsApp :
« Une fois que vous avez trouvé un vendeur en qui vous pouvez avoir confiance, un point de rencontre ou de ramassage est organisé (…) Aucun avertissement n’a été donné pour l’interdiction, donc personnellement je n’étais pas suffisamment préparée – ni pour obtenir un stock ni pour me préparer à m’en passer » explique-t-elle.
Pour le gouvernement, le maintien de cette interdiction est motivé par des recherches de l’OMS ainsi que de scientifiques du pays. Mais pour Michelle, cette interdiction empiète sur ses libertés individuelles :
« Bien que je comprenne les raisons de santé qui ont maintenant été avancées, j’aimerais avoir la possibilité de décider moi-même quand et comment gérer mon tabagisme, surtout en tant que personne qui fume aussi pour gérer son anxiété en dehors de tout traitement médical. Je pense que l’interdiction est excessive ».
De son côté, la Fair Trade Independent Tobacco Association (Fita), organisation représentant l’industrie du tabac et ses consommateurs, a porté plainte contre la mesure, faisant valoir qu’elle avait été prise « sans cadre juridique approprié ».
En cause, l’allocation du président Ramaphosa, le 23 avril dernier, qui déclarait que la vente de tabac allait pouvoir reprendre, quelques jours avant la prise de parole du docteur et ministre Nkosazana Dlamini-Zuma, en charge de la lutte contre le Coronavirus, qui indiquait que l’interdiction serait finalement maintenue :
« Il devait y avoir une base pour que le président… puisse l’affirmer clairement et sans équivoque : la vente de cigarettes sera autorisée (…) Il est douteux que le président aurait pris cet engagement sans consultation appropriée et sans mandat » déclare ainsi l’association.
Aujourd’hui, elle réclame un accès aux documents qui ont motivé ce revirement de situation.
Mais le gouvernement ne semble pas prêt à l’expliquer, et s’est récemment contenté d’indiquer qu’il faisait « tout son possible pour agir de manière à faire progresser les droits à la vie et à la dignité » de tous les citoyens.
Selon les autorités, réduire le tabagisme, voire arrêter de fumer, augmente les chances de se remettre du COVID-19, en plus de présenter des avantages pour la santé.
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