Pour eux, il est nécessaire que la communauté de la santé publique prête plus attention au potentiel de la vape en tant qu’aide pour arrêter de fumer.
Les politiques antivape américaines pointées du doigt
Si les arguments avancés par les personnes et institutions qui luttent contre la cigarette électronique sont relativement nombreux, certains reviennent plus souvent que d’autres. Parmi eux, celui qui voudrait que les discours prônant la réduction du risque tabagique offerte par le vapotage soient prononcés par des personnes n’étant pas objectives. Il y a quelques jours, un article (1) publié dans la très respectée revue médicale American Journal of Public Health, pourrait bien mettre à mal cette théorie. Signé par 15 experts faisant partie des leaders mondiaux de longue date dans la lutte antitabac,tous d’anciens directeurs de la Society for Research on Nicotine and Tobacco(SRNT), celui-ci vient prendre la défense du vapotage et souhaite encourager une prise en compte plus équilibrée du vapotage au sein de la santé publique et dans les médias et les milieux politiques.
Les auteurs ont divisé leur prise de position à travers 4 grands axes :
- Les risques pour la santé du vapotage.
- La probabilité que le vapotage aide à arrêter de fumer.
- Les principales préoccupations concernant l’utilisation d’une cigarette électronique par les jeunes.
- L’équilibrage des préoccupations concernant les risques pour les jeunes et les avantages potentiels pour les adultes.
Vapotage et santé
Pour ce premier chapitre, les experts commencent par citer la National Academies of
Sciences, Engineering, and Medicine, qui explique que des tests réalisés en laboratoire suggèrent que les cigarettes électroniques sont susceptibles d’être beaucoup moins nocives que les cigarettes à base de tabac.
Ils rappellent ensuite les conclusions du British Royal College of Physicians qui notent que le vapotage n’est pas totalement sans risque, mais il est beaucoup moins dangereux que de fumer du tabac.
Concernant les effets à long terme, les auteurs indiquent que les données manquent de par la relative nouveauté du produit et ses rapides évolutions. Pour eux, il est même compliqué de détecter les effets à court terme du vapotage puisque la grande majorité des utilisateurs d’une cigarette électronique est composée d’anciens fumeurs ou de personnes qui consomment encore des cigarettes de tabac en parallèle.
Ils mettent après en lumière les contradictions des résultats de certaines études. Alors que plusieurs concluent que le vapotage pourrait empirer certaines maladies tels que l’asthme, la toux ou la bronchite, d’autres indiquent au contraire une amélioration de tous ces symptômes lors du passage du tabagisme au vapotage. Cependant, comme les auteurs le notent par la suite, les essais randomisés réalisés à ce sujet, faisant partie des types d’études scientifiques considérés comme les plus fiables afin d’évaluer les effets bénéfiques et néfastes d’un produit, ont montré des améliorations des symptômes respiratoires.
Les experts ne manquent pas non plus de rappeler, concernant les études réalisées sur des cellules ou des animaux, dont les conclusions ont rapporté de potentiels effets nocifs du vapotage, qu’il est difficile d’extrapoler à l’homme les conditions d’exposition dans les cellules et chez les animaux.
Ils notent également que les quelques études expérimentales réalisées directement sur l’homme se sont concentrées sur les effets aigus de la cigarette électronique, qui ne permettent pas nécessairement de prédire les maladies futures. Ils prennent pour exemple le fait que vapoter altère de façon aiguë les tests de la fonction endothéliale, une caractéristique commune des maladies cardiovasculaires, mais lorsque les fumeurs passent des cigarettes aux e-cigarettes, la fonction endothéliale se normalise.
Puis, après avoir listé les arguments mis en avant par les scientifiques défendant la cigarette électronique, les auteurs concluent ce chapitre en indiquant que la question des effets sur la santé du vapotage continue malgré tout de persister.
Cigarette électronique et sevrage tabagique
Pour cette seconde partie, les auteurs démarrent en rappelant les résultats d’un essai randomisé britannique ayant conclu que vapoter est deux fois plus efficace pour arrêter de fumer que l’utilisation d’autres substituts nicotiniques.
Ils citent ensuite une étude de Nouvelle-Zélande dont les résultats ont montré qu’arrêter de fumer à l’aide d’un patch de nicotine en parallèle du vapotage était plus efficace qu’arrêter de fumer avec un patch de nicotine seul. Ainsi, en plus d’aider à l’arrêt du tabac lorsqu’elles sont utilisées seules, les e-cigarettes à la nicotine peuvent augmenter l’efficacité des aides à l’arrêt existantes, notent les experts.
Ils poursuivent en rappelant qu’après avoir analysé 26 essais randomisés, le célèbre institut Cochrane a conclu qu’il existe des preuves modérées à certaines que les cigarettes électroniques avec nicotine augmentent le taux d’arrêt du tabagisme comparées aux cigarettes électroniques sans nicotine ou aux autres substituts nicotiniques.
Des résultats qui corroborent ceux d’autres études, dont une réalisée par le CDC, ayant conclu qu’en 2018, 15,1 % des fumeurs ont réussi à arrêter de fumer en vapotant, contre 3,3 % qui ont utilisé d’autres produits du tabac et 6,6 % d’autres méthodes.
Pour les experts, ces résultats pourraient s’expliquer par le fait que les fumeurs apprécient plus le vapotage que le tabagisme et sont ainsi plus motivés pour arrêter de fumer.
Les auteurs ne manquent pas non plus de relever le fait que les études ayant démontré que vapoter n’aide pas à arrêter de fumer sont victimes de problèmes méthodologiques. Ils citent par exemple une recherche ayant combiné les résultats d’essais cliniques, d’études de cohortes et d’analyses transversales, qu’ils expliquent être une pratique inappropriée pour une méta-analyse.
En conclusion, les experts notent que la totalité des preuves indique que le vapotage fréquent augmente les chances d’arrêter de fumer. Ils expliquent que les fumeurs ne réussissant pas à se sevrer du tabac avec d’autres substituts nicotiniques devraient être informés à propos des risques relatifs de la cigarette électronique par rapport au tabagisme et du potentiel de la vape pour les aider à arrêter de fumer.
L’effet de la cigarette électronique sur les ventes de tabac
Au cours de cet aparté, les scientifiques indiquent que depuis plusieurs années, les ventes de tabac diminuent aux États-Unis, de l’ordre de 2 à 3 % chaque année. Ils notent ensuite que plus récemment, plus les ventes de produits de la vape ont augmenté, plus celles des cigarettes de tabac ont diminué.
Lors de l’épisode des maladies pulmonaires (EVALI) connu par les USA au cours de l’année 2019, ils expliquent que cette tendance a été stoppée et que les ventes de tabac sont retournées à leur niveau d’avant cet épisode. Pour eux, cela confirme que la cigarette électronique est un substitut aux cigarettes de tabac.
Le vapotage chez les jeunes
Si les experts notent que vapoter peut rendre certains jeunes dépendants à la nicotine, ils indiquent que cela ne concerne qu’une minorité d’entre eux. Ils rappellent que l’utilisation fréquente d’une cigarette électronique par des jeunes est beaucoup plus commune chez les jeunes qui fument en parallèle, ou sont d’anciens fumeurs. Ainsi, les auteurs notent que beaucoup d’anciens fumeurs étaient déjà addicts à la nicotine [avant de vapoter].
Ils notent toutefois que le vapotage des plus jeunes reste un problème et que des efforts sont nécessaires afin de le réduire. Ils mettent par contre en garde concernant les restrictions prises par certains États sur les arômes.
Les lois concernant les arômes reflètent la question plus générale soulevée par cet article, indiquent les auteurs. Le fait qu’il est nécessaire de créer un équilibre entre les objectifs parfois contradictoires d’empêcher les jeunes de vapoter et celui de soutenir les tentatives de sevrage tabagique des adultes qui ne peuvent pas ou ne veulent pas arrêter autrement.
L’effet passerelle est également abordé dans ce chapitre. Les auteurs expliquent que si certaines études démontrent que vapoter pourrait augmenter les chances de fumer, trois analyses récentes sont arrivées à la conclusion que la cigarette électronique détourne probablement plus de jeunes du tabagisme qu’elle ne les y incite.
Ils rappellent également les nombreuses études ayant démontré que le taux de prévalence tabagique chez les jeunes dans le pays n’a jamais diminué autant que depuis l’arrivée sur le marché de la cigarette électronique.
L’équilibre entre la protection des jeunes et l’aide au sevrage tabagique des adultes
Nous pensons que les avantages potentiels de l’e-cigarette pour sauver des vies chez les fumeurs adultes méritent une attention égale à celle accordée aux risques pour les jeunes, martèlent les auteurs.
Pour eux, les politiques mises en place jusqu’à présent aux États-Unis afin de réduire le vapotage des jeunes pourraient avoir réduit le potentiel de la cigarette électronique pour aider les adultes à arrêter de fumer.
Parmi ces politiques, ils citent l’augmentation des taxes sur les produits du vapotage, la complexification, voire l’interdiction, de l’accès aux arômes, mais également le fait de convaincre le public, y compris les fumeurs, que vapoter est aussi dangereux que fumer.
Les experts proposent ainsi une série de mesures qui pourraient permettre d’éloigner les jeunes du vapotage sans pour autant sanctionner les adultes :
- Taxer lourdement les produits du tabac combustibles et imposer une taxe plus modeste pour les produits de la vape.
- N’autoriser la vente d’e-liquides aromatisés que dans les vape shops, boutiques uniquement accessibles aux personnes majeures.
- Le développement de communications nuancées concernant le vapotage qui mettent l’accent sur les préoccupations réalistes concernant son utilisation chez les jeunes, et, séparément, les avantages potentiels de la cigarette électronique comme alternative moins risquée pour les adultes fumeurs.
- Mettre en place une limite de nicotine maximale pour les cigarettes de tabac, à un niveau qui ne rend plus dépendant en cas de consommation.
Conclusions
Nous partageons avec l’ensemble du secteur de la santé publique les préoccupations très légitimes concernant le vapotage chez les jeunes. Notre objectif est de mettre ces préoccupations en perspective, expliquent les experts.
Ils rappellent qu’en 1998, l’ancien Surgeon General C. Everett Koop insistait sur le fait qu’au moment où nous prenons toutes les mesures pour sauver nos enfants des ravages du tabac, nous devrions démontrer que notre engagement envers ceux qui sont déjà dépendants… n’expirera jamais. Pour les auteurs, cet engagement semble aujourd’hui en danger.
Pour eux, alors que les preuves démontrent que le vapotage est une aide efficace pour arrêter de fumer, cette efficacité pourrait être bien plus grande si la communauté de la santé publique payait vraiment attention au potentiel de la cigarette électronique pour aider les fumeurs à arrêter de fumer, et si ces derniers étaient bien informés des risques relatifs du vapotage par rapport au tabagisme, et si les politiques étaient conçues en tendant compte de leurs effets potentiels sur les fumeurs.
Ce qui ne se passe pas aujourd’hui, selon les experts.
(1) David J. K. Balfour, Neal L. Benowitz, Suzanne M. Colby, Dorothy K. Hatsukami, Harry A. Lando, Scott J. Leischow, Caryn Lerman, Robin J. Mermelstein, Raymond Niaura, Kenneth A. Perkins, Ovide F. Pomerleau, Nancy A. Rigotti, Gary E. Swan, Kenneth E. Warner, Robert West, “Balancing Consideration of the Risks and Benefits of E-Cigarettes”, American Journal of Public Health : pp. e1-e12 – https://doi.org/10.2105/AJPH.2021.306416
Le reste de l’actualité aux USA