Pour le 10e salon organisé par Vapexpo, son président Patrick Bédué dit tout dans une interview fleuve. Fantasme d’une blacklist, Vapexpo Las Vegas, cigarettiers, il aborde les sujets sensibles sans langue de bois.
Patrick Bédué : Nous sommes stressés mais confiants. Et nous voulons faire les choses bien pour la 10e édition. D’ailleurs, nous avons marqué le coup en ayant réservé une grande salle à Villepinte, et nous espérons que la fête sera belle.
C’est le stress habituel d’une organisation ?
Le changement de salle de la Grande Halle de la Villette à Paris-Nord Villepinte a perturbé certains exposants et visiteurs, mais nous étions obligés de le faire. Avant, le salon était au cœur de Paris et certains en profitaient pour faire la fête. Là, ce sera un peu plus compliqué mais, pour ça, nous avons prévu une conciergerie qui prendra en charge la réservation de restaurants, de soirées pour les exposants qui le souhaitent.
Le fait de passer de 8 000 à 15 000 m² vous oblige-t-il à agrandir l’équipe du Vapexpo ?
Non, nous sommes toujours sur la même base, mais pour la communication, nous avons fait appel à un prestataire externe. On essaie de gérer le salon parisien avec le même nombre de personnes parce que les salons en province sont plus petits et demandent moins de travail. C’est un équilibre assez fragile qu’il faut faire perdurer.
Quelles sont les nouveautés de cette édition ?
Il y a le Corner des nouveaux, qui regroupe huit sociétés françaises récentes dans le secteur. Pour les pros, le plateau télé sera situé au centre du salon et permettra aux sociétés de se mettre en avant avec des interviews, des vidéos promo dans une ambiance très feutrée, très pro. L’emploi dans la vape aussi sera mis en avant avec des annonces sur notre site et dans le catalogue. J’estime que c’est plus intéressant lors de la journée des particuliers de créer de l’emploi plutôt que de donner des échantillons. Nous fêterons aussi l’anniversaire des 10 ans du grand forum. Il y aura également un espace lounge, où les exposants pourront se reposer de leur journée, discuter ensemble et signer des contrats plus tranquillement. Enfin, il y a la conciergerie, dont je vous ai parlé, qui permettra aux exposants de réserver le restaurant ou de poursuivre leur séjour, de faire le tour de Paris ou, pour les Chinois et les Américains, de visiter le Mont-Saint-Michel, par exemple.
Au fil des années vous commencez à bien connaître tous les professionnels du secteur. Comment les qualifieriez-vous ?
Ils sont de plus en plus sérieux, de plus en plus professionnels, ils ont respecté la TPD. Bien sûr, c’est moins fun qu’au début mais il y a toujours parfois le côté “street” avec les tatouages… mais ils se sont assagis. Ils ont pris conscience qu’ils sont aux commandes de sociétés avec des personnes qui comptent sur eux pour vivre. Un peu comme moi d’ailleurs, parce qu’on a commencé en même temps. D’ailleurs, ceux qui n’ont pas pris ce tournant ne sont plus là. Moi, j’ai deux sociétés avec 7 employés au total, ces personnes comptent sur moi, il ne faut pas que je fasse n’importe quoi, et c’est dans ces moments-là que tu t’assagis, que tu prends un coup de vieux d’un coup et que tu te professionnalises, parce que tu sais que tout dépend de toi. Je n’ai pas envie qu’ils se retrouvent à Pôle Emploi. Il y en a qui ont pris conscience de ça et c’est tant mieux, parce que c’est un secteur assez jeune avec des entreprises jeunes : des personnes âgées de 25 à 35 ans en majorité qui se lancent et qui ne sont pas forcément très mûres au départ, mais elles le deviennent rapidement. Mais là, je parle surtout de la France. Moi qui ai beaucoup voyagé, je constate qu’avec les Allemands, les Français sont les plus sérieux, les plus “carrés”, et ça provoque le respect à l’étranger, notamment de la part des Américains.
Avez-vous senti un moment particulier dans cette professionnalisation ?
La TPD a régularisé certaines choses. Certains professionnels étaient déjà “pros” avant, pour eux ça n’a rien changé. Ça s’est traduit simplement par le respect de nouvelles règles, mais la TPD a fait grandir d’autres sociétés. Au global, ça a tiré le secteur vers le haut. La chose qui me consterne, c’est la limitation à 10 ml, c’est une catastrophe écologique, notamment. D’ailleurs, en parlant d’écologie, Vapexpo va faire des gestes forts dans ce sens. Par exemple, la moquette installée pour le salon sera recyclée, nous allons aussi installer partout des petits bacs de recyclage pour les fioles et les accus. J’ai envie de promouvoir une vape écoresponsable, j’ai envie de montrer l’exemple pour donner aux exposants et aux visiteurs l’envie de faire la même chose chez eux. Je sais que si nous n’en parlons pas, l’État peut nous sanctionner un jour là-dessus. Donc, à partir de maintenant, c’est quelque chose que l’on mettra en place sur chaque salon, il faut qu’on soit écoresponsable.
On sent des tensions à chaque nouvelle édition concernant les réservations de stand. Que se passe-t-il exactement ?
Tout d’abord, je vais mettre les choses au clair : il n’y a pas de blacklist puisque tout se passe en informatique. Il y a aussi un système de clients VIP, qui fonctionne avec des points. Les clients accumulent des points qui leur permettent d’avoir la primeur de choisir leurs stands dans le salon. Le système de points dépend de la taille des stands réservés, de la fidélité. Par exemple, une société qui a acheté un stand à Paris et à Lille cumule plus de points qu’une société qui n’en a pris qu’à Lille. Une société qui achète des offres de communication cumule aussi plus de points. Ça dépend aussi du respect des règles : si la société paye en temps voulu, si la société respecte l’équipe. Tout ça permet d’accumuler des points et de choisir son stand 10 jours avant l’ouverture officielle des inscriptions.
Concrètement, sur le salon de Paris, combien de stands restait-il avant l’ouverture des inscriptions ?
À l’ouverture, il restait une soixantaine de stands sur la centaine proposée, puis nous avons décidé d’agrandir le salon pour répondre à la forte demande.
Quel a été votre pire moment de stress ?
Il n’y en a pas un précisément, je suis hyper stressé avant chaque salon. J’ai peur de ne pas ouvrir, peur de ne pas réussir. Lors du dernier contrôle avant l’ouverture, la personne en charge de la sécurité pointe tout ce qui ne va pas et ça retarde souvent l’heure de l’ouverture parce qu’il y a toujours un exposant qui n’a pas tout rangé. Une fois, à la Villette, un exposant avait laissé sa voiture garée dans l’allée, vous imaginez ? (rires) On nous dit souvent qu’on est très exigeant, mais c’est pour éviter ce genre de problème.
Et votre plus beau moment de bonheur ?
C’est à la fin de chaque salon quand tout le monde nous remercie. Il y a aussi l’exportation, car Vapexpo est une marque tout le monde respecte.
Il n’y a pas un moment où vous avez été particulièrement ému ?
Si, je dois avouer que le premier salon a été particulièrement émouvant. Sinon, mais c’est un peu en annexe de Vapexpo même si c’est lié, lors de la présentation de Beyond The Cloud avec Ghyslain Armand, en septembre 2016, j’étais vraiment ému, c’était beau, c’était une belle aventure. Avec trois bouts de ficelle, nous avons produit un excellent documentaire, qui, en outre, ne rapporte rien la société (rires). Sinon, chaque édition a son lot d’émotions. Là, c’est la 10e, et c’est aussi très émouvant. Quand je regarde en arrière, je me dis que ça fait déjà quatre ans et j’en suis assez fier.
La frontière entre les mondes de la vape et du tabac est de plus en plus poreuse. Quelle est la position du Vapexpo par rapport à ça ? Vendrez-vous des stands à des sociétés liées aux cigarettiers ?
Oui, c’est la fatalité ; j’en ai parlé avec beaucoup d’exposants et tous me disent que la collaboration va se faire parce que les cigarettiers disposent d’une telle puissance financière qu’ils peuvent nous écraser à tout moment. Il y a déjà certains stands qui vendent des produits fabriqués par l’industrie du tabac comme la Blu ou la Von Erl, et je ne peux pas les refuser, ce serait un refus de vente et je n’ai vraiment pas envie d’être poursuivi en justice pour ça. Pour l’instant, la vape fait partie des produits du tabac. Le jour où la vape ne sera plus liée aux produits du tabac, là oui, je pourrai m’y opposer car ce sera un secteur différent, ce sera un vrai argument.
Vous êtes aussi gérant d’une boutique Bocalinda. Vendez-vous la Myblu de Fontem Ventures ?
Dans ce cas, c’est différent. Je peux privilégier des produits issus de la vape indépendante, comme ceux de Fuu ou du French Liquide.
Comment appréhendez-vous l’offensive des buralistes ?
Personnellement, je n’en ai pas peur car j’ai une clientèle bien établie. Ça peut être un relais dans les zones rurales pour trouver des liquides en cas de dépannage. Mais il faut qu’il y ait les mêmes prix pratiqués pour tout le monde, car ça peut être un vrai problème. C’est aux industriels de fixer un prix minimum de vente. S’ils baissent le prix à 3,90 €, il faut que ce soit pour tout le monde. Il ne faut pas qu’ils oublient d’où ils viennent, ce sont les boutiques spécialisées qui les ont portés, ce ne sont pas des buralistes. Les buralistes n’ont pas forcément les ressources, ni le temps, ni l’espace pour convertir le fumeur en vapoteur, ce qu’ils recherchent essentiellement c’est du débit. Je doute qu’ils soient intéressés par la vape. Mais ça dépend beaucoup de la localisation géographique.
Avez-vous vu la demande évoluer en boutique ? Une émergence des pods par exemple ?
Non, franchement non. Ça marche aux États-Unis, en Suisse, mais pas en France.
Ça n’intéresse pas les primovapoteurs ?
Non, pour l’instant, les primovapoteurs ont plus confiance dans des setups comme des Nautilus Mini d’Aspire avec iStick d’Eleaf que dans un pod. En tout cas, c’est ce qui se passe dans ma boutique.
Où en est Vapexpo Las Vegas ?
Le salon est presque complet (l’interview a été réalisée le 19 juillet 2018, ndlr). Nous avons relancé l’engouement là-bas, nous sommes très heureux que les gens nous fassent confiance. Nous allons faire un show sympa, responsable, professionnel.
Vous vous sentez attendus au tournant ?
Oui énormément. Si ça ne marche pas, les Américains, les Français nous tomberont dessus. Tout le monde observe. Mais moi, je pourrai me dire que je l’aurai fait, on n’a jamais eu la prétention de dire qu’on est les meilleurs. On verra bien. Après c’est très différent là-bas, il faut que ce soit bling-bling, c’est difficile d’apporter notre touche, il ne faut pas que ce soit trop sobre. Il faut trouver le juste milieu entre l’entertainment et le professionnalisme.
Les Américains sont connus pour être les rois de l’entertainment. Qu’allons-nous découvrir de différent par rapport aux éditions françaises ?
Déjà, pour situer le contexte, le même jour, il y aura le salon des armes et des couteaux juste en dessous. Il y aura aussi un gros salon du CBD. L’ambiance va être donc un peu différente (sourire). Sur le salon, nous allons faire venir des gamers pour des tournois de jeux vidéo, quelque chose d’inimaginable en France, mais là-bas, ça fait partie du truc. On peut parler d’une organisation franco-américaine concernant les conférences. Jacques Le Houezec les coorganisera en étroite collaboration avec Dimitris Agrafiotis. GrimmGreen et Phil Busardo feront des master class “business” pour expliquer aux visiteurs comment rentabiliser une boutique, par exemple. Jacques Le Houezec interviendra aussi pour une master class sur la nicotine auprès des revendeurs américains. Et j’ai aussi invité le customiseur Puf Puf Mod pour mettre en avant le savoir-faire français, dont nous sommes fiers.
Avez-vous d’autres projets hors Vapexpo et Bocalinda ?
Oui, je vais me lancer dans la mobilité urbaine. Je vais ouvrir une boutique de trottinettes électriques et d’overboards, toujours dans la veine écologique que je vais tenter d’impulser au Vapexpo. Dans le même esprit, Vapexpo sponsorise Fabrice Gropaiz, qui a fait le tour du monde en skate électrique. Il a fait le tour du monde en skate il y a 20 ans et il cherchait un sponsor. J’ai fait ça pour soutenir un Français qui prend des risques. Pour moi, la mobilité urbaine, c’est l’avenir.
La vape de Patrick Bédué
- Vapoteur depuis : été 2012
- Setup actuel : la box Panache de Titanide avec un Leto RDA
- Liquides préférés : le Champagne Framboise Édition Vapexpo (Lady Vapexpo) en collaboration avec Ladybug, le Mangue Framboise de VDLV et Pastis de Liquid’Arom.
- Taux de nicotine : 0 mg/ml depuis 3 ans
- Consommation quotidienne : 2 ml
Vapexpo en chiffres
- Année de création : 2014
- Nombre de salariés : 3
- Budget du Vapexpo Paris 2018 : NC
- Nombre de salons organisés : 10 en France, plus 2 en Espagne et celui à venir à Las Vegas.
- Nombre de pays concernés : 3 (France, Espagne et États-Unis).
Cet article a été édité le 4 octobre 2018 pour modifier les propos de Mr Bédué, selon sa volonté, sur l’utilisation maladroite de l’adjectif “chinois”.