Il y a quelques jours, une nouvelle étude faisait un lien entre vapotage et apparition de cancers chez des souris. Cependant, comme la recherche similaire réalisée l’année dernière, l’édition de cette année montre de sérieuses limites.
Ce qu’il faut retenir :
- Les souris utilisées pour cette expérience sont scientifiquement reconnues comme étant des animaux développant des cancers spontanément,
- l’exposition à la vapeur de ces souris est très largement supérieure à l’exposition d’un vapoteur humain dans le cadre de l’utilisation d’une cigarette électronique,
- D’autres animaux (des rats) ayant été le fruit d’une expérience similaire n’ont pas développé de cancer,
- La machine utilisée pour produire la vapeur reste très mystérieuse quant à son fonctionnement (quid des potentiels dry hits etc).
Le modèle animal remis en cause
Inutile d’y aller par quatre chemins, démontrer que cette étude est biaisée sera très simple puisque le modèle animal utilisé pour sa réalisation est le même que celui utilisé pour une recherche [2] réalisée au début de l’année dernière, et qui arrivait à des conclusions similaires.
Ainsi apprenait-on à cette époque, que ce modèle de souris, désigné par l’appellation FVB/N, est reconnu par les scientifiques depuis plus de 20 ans comme des animaux pouvant développer spontanément des cancers, comme l’expliquait à l’époque le docteur Eric Blouin, expert toxicologue.
Ainsi, exposer ce type de souris à de la vapeur de cigarette électronique puis expliquer qu’elles ont développé des cancers ne rime à rien puisque les exposer à un gratin de choux-fleurs aurait pu donner un résultat similaire.
Ensuite, les souris en question ont été exposées à de la vapeur produite à l’aide d’une machine dont la batterie fonctionnait à 4V. Selon une analyse [3] réalisée en 2014, au-delà de 3V, les concentrations en formaldéhyde et acétaldéhyde augmentent et dépassent d’ailleurs les valeurs cibles de la norme AFNOR. Ce à quoi il faut ajouter que les souris ont été exposées en entier à la vapeur. Elles n’ont bien sûr pas vapoté comme le ferait un être humain, mais ont été enfermées dans un environnement clos (voire schéma ci-dessous, environmental chamber), puis littéralement noyées dans la vapeur. Une exposition bien sûr très différente de celle d’un vapoteur lambda.
De plus, elles ont été mise dans cette situation pendant 4 heures chaque jour, 5 jours par semaine, durant 54 semaines (1 an). Une exposition qui dépasse de très loin l’exposition normale d’un vapoteur à l’aérosol de son vaporisateur personnel.
La nicotine n’est pas cancérigène
Au cours de l’expérience, qui a donc duré 1 an et qui utilisait un total de 85 souris divisées en 3 groupes (45 exposées à de la vapeur nicotinée (36mg/ml), 20 exposées à de la vapeur sans nicotine (un mélange de PG/VG simple, avec un ratio de 50/50), et un dernier groupe de 20 exposés à de l’air ambiant filtré), plusieurs décès et cancers sont survenus chez les animaux.
Le groupe exposé à la vapeur nicotinée a perdu 3 membres, tandis que deux ont été retirés pour « cause d’inactivité ». Aucun de ces cinq spécimens (qui ont été étudiés par la suite) n’avait développé de cancer. Le groupe exposé à la vapeur sans nicotine a perdu un membre, tandis qu’un autre a été retiré, victime d’une paralysie à la jambe. Aucun des deux n’avait développé de cancer. Et dans le groupe des souris exposées à l’air ambiant, deux ont également été retrouvées mortes, sans avoir développé de cancer non plus.
Les 40 souris restantes ont ensuite été étudiées.
Selon les résultats de l’étude, 9 des 40 souris exposées à la vapeur nicotinée présentaient une tumeur pulmonaire (l’une d’elles en présentait plusieurs). Dans le groupe exposé à la vapeur sans nicotine, aucune ne présentait de tumeur, tandis que dans le groupe exposé à l’air ambiant, une présentait également une tumeur pulmonaire.
De quoi remarquer clairement qu’une exposition à la vapeur nicotinée semble quand même augmenter le risque de tumeur pulmonaire. Oui mais. Comme l’indiquent les auteurs de l’étude eux-mêmes, une précédente recherche [4] ayant exposé des rats à de la nicotine pendant deux ans n’avait démontré aucun problème de santé sur les animaux à la fin de l’expérience. D’ailleurs, aucun substitut nicotinique traditionnel (gommes à mâcher, patchs etc) n’a provoqué le moindre cancer à quoi que ce soit. Ce qui n’a rien d’étonnant puisqu’il a été reconnu maintes fois que la nicotine n’est pas cancérigène.
Les chercheurs indiquent ainsi que les résultats de cette étude « montrent que la nicotine dans la vape induit un adénocarcinome pulmonaire chez la souris ». Chez la souris ! Eh bien oui, les rats ne développent pas de cancer dans des conditions similaires, mais ces souris oui. Voilà tout ce que démontre cette étude.
[1] Electronic-cigarette smoke induces lung adenocarcinoma and bladder urothelial hyperplasia in mice – Moon-shong Tang et al – Proceedings of the National Academy of Sciences Oct 2019, 201911321; https://doi.org/10.1073/pnas.1911321116
[2] W Lee et al. E-cigarette smoke damages DNA and reduces repair activity in mouse lung, heart, and bladder as well as in human lung and bladder cells. PNAS 2018; published ahead of print January 29, 2018, https://doi.org/10.1073/pnas.1718185115
[3] Bekki, K.; Uchiyama, S.; Ohta, K.; Inaba, Y.; Nakagome, H.; Kunugita, N. Carbonyl Compounds Generated from Electronic Cigarettes. Int. J. Environ. Res. Public Health 2014, 11, 11192-11200 – https://doi.org/10.3390/ijerph111111192
[4] H. L. Waldum et al -Long-term effects of inhaled nicotine. Life Sci. 58, 1339–1346 (1996) – https://doi.org/10.1016/0024-3205(96)00100-2
Plus de science