1,2 milliard de fumeurs en 2019, 8 millions de morts cette année-là, 200 millions d’années de vie en bonne santé perdues… Une nouvelle étude a souhaité calculer précisément les chiffres du tabagisme dans le monde, et quantifier les ravages qu’il cause au quotidien.

De nouvelles méthodes de calculs pour des résultats plus précis

Il y a quelques jours, une équipe de chercheurs a publié une nouvelle étude (1) destinée à calculer le nombre de fumeurs dans le monde. Partant du principe que les précédentes recherches à ce sujet étaient imprécises de par les modes de calculs qu’elles utilisent, elle a souhaité inclure à son analyse de nombreuses nouvelles données. Son objectif étant d’améliorer les estimations précédentes des tendances mondiales de la prévalence du tabagisme et des maladies attribuables au tabagisme pour 204 pays et territoires, par âge et par sexe, de 1990 à 2019. Par ce biais, les auteurs indiquent avoir cherché à fournir des informations inédites sur les schémas d’intensité du tabagisme et leur association avec les résultats sanitaires qui sont directement pertinents pour orienter les efforts de lutte antitabac au niveau national et mondial.

Les risques chez les fumeurs occasionnels et les anciens fumeurs n'ont pas été inclus, et les méthodes ne reflétaient pas les associations dose-réponse bien décrites entre l'intensité du tabagisme et le risque de maladie. Pour les résultats sanitaires (...) la fiabilité était faible dans les pays où les données sur la mortalité par cancer du poumon étaient rares ou de mauvaise qualité et dans les pays où il existe d'autres risques concurrents importants pour le cancer du poumon, comme la pollution atmosphérique.<span class="su-quote-cite">Spatial, temporal, and demographic patterns in prevalence of smoking tobacco use and attributable disease burden in 204 countries and territories, 1990–2019: a systematic analysis from the Global Burden of Disease Study 2019</span>

Les données utilisées pour cette étude :

  • Concernant la prévalence du tabagisme, 3 625 enquêtes représentatives au niveau national, y compris des enquêtes multinationales et spécifiques à chaque pays, couvrant 200 des 204 pays et territoires, ont été incluses.
  • Pour définir la courbe quantité de tabac fumé/risque pour la santé, 902 études de cohorte ont été prises en compte.

Plus d’un milliard de fumeurs dans le monde

Selon les auteurs, il y aurait actuellement 1,14 milliard de fumeurs actuels dans le monde. Tandis que la prévalence du tabagisme dépasserait 20 % chez les hommes dans 151 pays (principalement en Asie et en Océanie), elle atteindrait ce seuil chez les femmes dans 42 (majoritairement en Europe et en Océanie également).

Parmi les pays dont la population dépasse 1 million d’habitants, la plus forte prévalence du tabagisme chez les hommes serait au Timor-Leste (N.D.L.R. : également appelé Timor oriental, il est situé en Asie du Sud-Est, entre l’Australie et l’Indonésie), en Indonésie, en Arménie, en Jordanie et en Géorgie. La plus forte prévalence chez les femmes serait observée en Serbie, au Chili, en Croatie, en Bulgarie et en Grèce.

Dans de nombreux pays, les réductions de la prévalence n'ont pas suivi le rythme de la croissance démographique. Par conséquent, le nombre de fumeurs dans le monde a augmenté régulièrement chaque année depuis 1990.<span class="su-quote-cite">Spatial, temporal, and demographic patterns in prevalence of smoking tobacco use and attributable disease burden in 204 countries and territories, 1990–2019: a systematic analysis from the Global Burden of Disease Study 2019</span>

Les 10 pays du monde comprenant le plus grand nombre de fumeurs seraient la Chine, l’Inde, l’Indonésie, les États-Unis, la Russie, le Bangladesh, le Japon, la Turquie, le Vietnam et les Philippines. Ensemble, ils représenteraient environ deux tiers des fumeurs du monde entier, dont un tiers (341 millions) juste en Chine.

Des progrès auraient cependant été réalisés dans de nombreux pays. Ainsi, les chercheurs notent que les plus fortes baisses du nombre de fumeurs (hommes et femmes confondues) au cours des 30 dernières années auraient été observées au Brésil, en Norvège, au Sénégal, en Islande, au Danemark, à Haïti, en Australie, au Costa Rica, au Canada et en Colombie.

7,41 billions de cigarettes de tabac auraient été consommées en 2019, soit 20,3 milliards chaque jour dans le monde.

Parmi les 719 millions d’hommes fumeurs dans le monde, âgés de 30 ans et plus, ils seraient 83,2 millions à fumer 1 à 4 cigarettes par jour, 139,2 millions à fumer 5 à 9 cigarettes par jour, 144 millions à fumer 10 à 14 cigarettes par jour, 120,5 millions à fumer 15 à 19 cigarettes par jour, et 231,9 millions à en consommer plus de 20 quotidiennement.

Parmi les 146 millions de fumeuses quotidiennes ayant le même âge, elles seraient 27 millions à en fumer 1 à 4 par jour, 39 millions à en fumer 5 à 9, 32,4 millions à en consommer 10 à 14, 20,8 millions à fumer 15 à 19 cigarettes par jour, et 27,1 millions à en fumer une quantité supérieure.

Près de 8 millions de décès chaque année

Les auteurs se sont également intéressés aux ravages sanitaires causés par le tabagisme.

Selon eux, la cigarette de tabac aurait ainsi tué 7,69 millions de personnes en 2019 (13,6 % de tous les décès dans l’année), et causé 200 millions d’années de vie perdues (7,89 %) à cause de maladies provoquées par le tabagisme. Parmi tous ces décès, 6,18 millions (80 %) concernaient des hommes, faisant ainsi du tabagisme la cause de mortalité n°1 parmi les 87 facteurs de risques inclus à l’étude. Le nombre de décès chez les femmes était quant à lui de 1,51 million,

Sur les 36 problèmes de santé étudiés et causés par le tabagisme, les cardiopathies ischémiques seraient les plus mortelles, avec 1,68 million de décès, suivies des maladies pulmonaires obstructives chroniques (BPCO), avec 1,59 million de morts. Suivent après le cancer de la trachée, des bronches et des poumons (1,31 million de décès), puis les AVC (931 000 morts).

Parmi tous les pays étudiés, 68 auraient connu une diminution du nombre de morts dus au tabagisme, 65 seraient restés stables, tandis que 68 auraient enregistré une nette augmentation.

Alors que l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud, Singapour et la Norvège auraient vu leur nombre de morts à cause de la cigarette diminuer, au Timor-Leste, au Bhoutan, au Niger, à São Tomé et Príncipe et au Malawi, ce nombre aurait augmenté. Parmi les pays dont l’augmentation du nombre de décès a été la plus forte, la Chine, l’Inde et l’Indonésie.

La décennie qui a suivi l'introduction de la CCLAT de l'OMS a été la période de diminution la plus rapide de la prévalence du tabagisme dans le plus grand nombre de pays.<span class="su-quote-cite">Spatial, temporal, and demographic patterns in prevalence of smoking tobacco use and attributable disease burden in 204 countries and territories, 1990–2019: a systematic analysis from the Global Burden of Disease Study 2019</span>

Si les auteurs notent que les mesures prises par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) semblent porter leur fruit, ils indiquent aussi que la diminution de la prévalence tabagique n’a cessé de ralentir au cours des dernières années. Peut-être le signe que les politiques anti-tabac mises en place jusqu’à présent commencent à s’essouffler, et qu’il est temps d’en instaurer de nouvelles, par exemple en favorisant l’utilisation de nouveaux outils comme la cigarette électronique.


(1) Spatial, temporal, and demographic patterns in prevalence of smoking tobacco use and attributable disease burden in 204 countries and territories, 1990–2019: a systematic analysis from the Global Burden of Disease Study 2019 – Reitsma, Marissa B et al. The Lancet, Volume 0, Issue 0 – https://doi.org/10.1016/S0140-6736(21)01169-7

Le reste de l’actualité du tabagisme

Annonce