Pour une fois, tout le monde est d’accord, du moins, officiellement : le trafic de cigarettes est un fléau. Une députée, Elise Fageles, a déposé un amendement pour verbaliser les consommateurs. Le Parisien en a signalé l’adoption. Sauf que… Le texte n’a pas été voté. Qui joue à quoi ?

Le fléau du trafic de tabac

Le trafic de cigarettes, très développé, surtout dans les grandes villes, est un fléau. Une plaie pour les riverains, qui se sentent en insécurité face au trafic. Une calamité pour les buralistes, que se voient soumis à une concurrence déloyale. Une catastrophe de santé publique, puisque ce trafic ruine tous les efforts en matière de maîtrise du prix. Un désastre pour la vape, pour les même raisons que la santé publique. Une malédiction pour l’industrie du tabac, à qui ces trafics rapportent tellement d’argent qu’elle ne sait même plus quoi en faire.

Heureusement surgit face au vent la vraie héroïne de tous les temps, à savoir Elise Fajgeles, députée de la cinquième circonscription de Paris sous l’étiquette LREM. Elise Fajgeles a déposé un amendement à la loi de réforme de la justice. Amendement visant à créer une contravention pour les clients des trafiquants de cigarettes.

Pourquoi les clients , et bien, tant qu’à créer une contravention, autant qu’elle soit rentable, et les trafiquants ne sont pas solvables, paraît-il.

Discussion entre amis à l’assemblée nationale

Le 23 novembre dernier, alors qu’elle soutenait sa proposition d’amendement, Elise Fajgeles s’est faite interpeller par Nicole Belloubet, qui est ministre de la Justice et garde des Sceaux, et juriste. Mme Belloubet a, en cette occasion, chaleureusement félicité Mme Fajgeles pour son idée brillante, avant de lui rappeler que la création d’une contravention ne se fait pas au niveau législatif mais réglementaire.

Madame Belloubet a alors, pour cette raison, demandé à Mme Fajgeles de retirer cet amendement, non sans lui avoir promis de créer, par décret, cette amende.

Il fallait bien lâcher du lest : déjà, Elise Fajgeles avait proposé, quelques temps auparavant, de créer un “délit d’achat en dehors du monopole” et déjà, Mme Belloubet avais estimé qu’un délit, c’était un petit peu exagéré.

On peut la comprendre : à part vendre illégalement des cigarettes de provenance douteuses, peut être plus chargées encore en produits toxiques que les légales (ce qui serait un exploit, mais à cigarettier vaillant, rien d’impossible), à saboter la politique de santé publique, à créer une insécurité pour les riverains et à spolier le Trésor Public, et donc le contribuable, qui ne touche pas son écot, on ne voit pas ce qu’il y a de si grave à trafiquer des cigarettes.

Appelez Mulder, moi je laisse tomber

Ce 28 novembre, le Parisien titrait “Paris : les acheteurs de tabac de contrebande seront verbalisés” et annonçait dans un article que l’amendement avait été voté. Sans s’appesantir sur des détails qui ne préoccuperont que les juristes les plus affûtés, comme par exemple “comment l’Assemblée Nationale a-t-elle pu voter un amendement retiré ?”.

Plus fort encore, dans son article, la journaliste poursuit en affirmant que la députée avait obtenu de la Garde des Sceaux l’assurance qu’une contravention de deuxième classe serait créée. Mais l’amendement portait sur quoi, alors ?

Une consultation du site de l’Assemblée Nationale nous précise qu’aucun amendement visant à créer une amende pour trafic de cigarettes, pour les clients comme pour les trafiquants, n’a été voté récemment.

On s’interroge donc sur ce sac de nœuds. D’autant plus que tout le monde semble d’accord pour dire que ce trafic de tabac est un fléau.

Bref, une députée qui se félicite d’une amendement retiré mais voté quand même, un journal qui relaie allègrement cette contradiction, une Garde des Sceaux qui renâcle à faire régner l’ordre, on se demande ce qu’il se passe. Le gouvernement avait moins de difficultés à tomber sur les boutiques de vape qui vendaient du CBD.

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