L’Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies (OFDT) a publié ce 23 janvier les résultats d’une enquête menée sur un échantillon de 200 jeunes. Et alors que la polémique règne sur “l’effet passerelle” entre la cigarette tabac et la vape, l’OFDT souligne que les jeunes expérimentent et préfèrent… Le cannabis.

Tout converge

L’étude de l’Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies fait mal.

Est-ce l’étude qui mettra tout le monde d’accord sur l’effet passerelle ? En tout cas, les résultats de l’enquête de l’OFDT laissent pensif. Alors que la légalisation du cannabis revient sur le devant de la scène avec le changement de législation sur les sanctions, elle fait aussi mal. 

L’Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies est un groupement d’intérêt scientifique dont l’objet est de recueillir, analyser, synthétiser et valoriser les connaissances en termes de drogues et addictions. L’organisation est indépendante scientifiquement, et sert aux pouvoirs publics à anticiper les évolutions et adapter la législation. L’ensemble des études de l’OFDT est accessible au grand public par l’intermédiaire de son site web.

L’OFDT a cherché à connaître la position des jeunes sur le tabac, l’alcool et le cannabis.

Une chose intéressante est que l’OFDT prend en compte toutes les substances psychoactives et addictives, en les classant en deux grandes catégories, réglementées et interdites. Les réglementées sont entre autres composées des médicaments, du tabac et de l’alcool, et les interdites concernent majoritairement les drogues.

Pour cette étude, l’OFDT a étudié les perceptions et motivations d’usage d’alcool, de tabac et de cannabis chez les mineurs. Nulle mention, par contre, de la vape. Il est impossible d’établir clairement si l’OFDT a laissé ce sujet de côté ou s’il l’inclut dans le “tabac”. C’est évidemment l’usage de la cigarette qui nous intéresse.

Résultats stupéfiants

Le résultat concernant l’approche des jeunes vis-à-vis de la cigarette est proprement stupéfiant. L’étude porte sur 200 jeunes, âgés de 13 à 18 ans. Menée entre 2014 et 2017, elle a consisté en plusieurs séries d’entretiens individuels et collectifs. Elle s’est déroulée dans le cadre plus global de l’étude ARAMIS : Attitudes, Représentations, Aspirations et Motivations lors de l’Initiation aux Substances psychoactives. L’échantillon est représentatif de milieux sociaux diversifiés, en France métropolitaine.

L’échantillon de jeunes, représentatif et diversifié, a une très mauvaise image du tabac.

La première surprise est de taille : la prévention sur les méfaits du tabac semble avoir porté ses fruits. Le tabac est “fortement stigmatisé”, pour reprendre les termes de l’OFDT. Il est considéré comme dangereux autant par son pouvoir addictif que par ses effets sur la santé. De nombreux jeunes précisent qu’ils sont confrontés aux méfaits du tabac dans leur entourage.

Ainsi, cette génération semble être la première pour qui l’usage du tabac est dénormalisé. Fumer n’est plus considéré comme allant de soi ou être fumeur comme une attitude favorisant la sociabilisation. Les fumeurs ne sont plus la norme, dans l’esprit de ces jeunes, ils sont l’exception, et considérés comme victimes d’une habitude malsaine.

Fumer n’est plus considéré comme normal par les ados.

Ça, c’était la première surprise, et la bonne. Parce que la deuxième surprise est mauvaise : le tabac étant malsain, les jeunes se tournent plus volontiers vers le cannabis sous forme d’herbe et vers l’alcool, l’un et l’autre étant considérés comme plus naturels, plus sains et plus conviviaux.

Fumette au grand jour

En revanche, facile à trouver, peu onéreux, et considéré comme naturel, le cannabis séduit les jeunes.

Parce que c’est le paradoxe : le cannabis sous forme d’herbe, familièrement la “beuh”, est devenu, pour ces jeunes, facile à trouver… Et revient moins cher que le tabac. Pour simplifier l’analyse de l’OFDT, extrêmement détaillée et poussée, on peut retenir deux grandes raisons à cette prédominance de l’herbe sur la cigarette.

La première est le produit en lui-même. Les jeunes interrogés déclarent, parmi ceux qui ont essayé les deux substances, que la première cigarette était décevante : pas ou peu d’effets, et un goût désagréable. En revanche, toujours selon les jeunes, le premier joint était perçu comme une expérience positive : goût jugé agréable et effets constatés plaisants.

Ils trouvent de plus des utilités à l’herbe.

Pire, au-delà de son aspect récréatif, les jeunes trouvent dans l’herbe des utilités : relaxation, apaisement, distraction, endormissement, autothérapie… mais aussi des fonctions stimulantes pour affronter contraintes et difficultés.

L’effet passerelle sous un autre angle ?

Pour les adolescents, essayer l’alcool est normal, essayer la cigarette est une épreuve nécessaire…

Plus éloquent encore, le pourquoi de ces essais. Les jeunes voient dans l’initiation à l’alcool un passage codifié, et à la cigarette, une “épreuve nécessaire”. Pour le tabac, ça a du bon : si la nouvelle génération éprouve encore le besoin d’essayer la cigarette, elle le perçoit davantage comme une corvée que comme une expérience positive.

L’essai de l’herbe, en revanche, est motivé autant par la curiosité, le sentiment d’appartenance, que par la “peur de manquer quelque chose” et “voir ce que ça fait”.

Dès lors, vape ou pas vape, les jeunes essaieraient de toute façon la cigarette, ce qui remet en cause l’interprétation des passerelles.

Voilà qui permettrait de remettre en cause certaines études, par ailleurs controversées, qui font état d’un “effet passerelle” entre la vape et la cigarette. On pourrait, à la lueur de cette étude, soutenir que ce n’est pas la vape qui fait passer les jeunes au tabac (où à toute autre substance), mais ce sont les jeunes eux-mêmes, dans leur désir d’expérimenter, leur peur de “manquer quelque chose” et une quête d’alternative à leur quotidien.

Il n’en reste pas moins que, alors qu’à long terme, le danger du tabac semble s’éloigner, un autre ennemi se profile à l’horizon. Et si demain l’herbe remplace la cigarette, cela aura un impact important sur l’usage, le besoin et la forme de la vape pour cette génération.

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