La Confédération Helvétique, malgré quelques qualités, est un pays tout à fait infréquentable. D’où vient cette ire contre un pays d’aspect si aimable ? Pourquoi donc, alors que l’article du vendredi est généralement bienveillant (si, enfin, c’est déjà arrivé, disons) la moutarde me monte au nez ? Explication.
La Suisse pour les nuls
Même si j’essaie de l’éviter autant que possible, le présent article sera écrit à la première personne. Je me suis réfugié en dehors des frontières de la Confédération Helvétique, et je ne souhaiterai pas que, m’exprimant au nom du peuple français, je sois responsable d’une guerre contre un peuple si redoutable.
Ne rigolez pas : les suisses sont dangereux. Sous leur aspect aimable et bien élevé, ils sont tous armés jusqu’aux dents. Dans le cercle des pays qui comptent le plus d’armes par habitants, il est sur le podium. Il y a les américains, bien sur, et les suisses. Parce que les appelés suisses, quand ils font leur service militaire, ils ont le droit, non, le devoir, de ramener leur fusil chez eux, au cas où un inconscient aurait l’idée de les attaquer par surprise.
C’est vrai que, si vous regardez les achats d’armes civiles, la Suisse est tout en bas du classement, mais quel individu sain d’esprit irait acheter une carabine en 22 alors qu’il a une mitrailleuse calibre 50 dans le placard à balais ?
Apprendre que des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins patrouillent dans le Lac Léman ne me surprendrais même pas.
Regardez les dictateurs les plus fanfarons et les plus provocants, est-ce que vous pouvez trouver un exemple où ils s’en sont pris à la Suisse ? Jamais, et vous savez pourquoi ? Parce que même le plus abominable des dictateurs fous à lier sait que là, ce serait aller trop loin.
Notez que, bien que la Suisse soit à peine moins armée que les USA, le nombre de morts par balles y est considérablement moindre. Ce qui démontre, si besoin, que le problème, ce n’est pas le fusil, c’est celui qui le tient. Si les américains étaient des suisses… Ben, je ne sais pas, finissez vous-même cette phrase en commentaire.
La Suisse contre Amazon
Et pourtant. Pourtant, bien que tout soit réuni pour en faire une nation belliqueuse, la Suisse est un pays superbe peuplé de gens polis et aimables. Le climat y est aussi agréable que la fiscalité, et la gastronomie y est roborative. Si Tolkien décrivait le monde, la Suisse serait la Comté. Et ne comptez pas sur moi pour dire quel pays serait le Mordor, vous trouvez pas qu’on a assez fait la guerre à l’Allemagne ?
Bien sûr, la Suisse est la patrie du Gruyère Suisse, pour les non-initiés. Mais les vrais savent et se contentent du fromage fribourgeois uniquement en période de disette. Parce que la Suisse a donné au monde l’Etivaz, merveille des merveilles du pays vaudois. L’Etivaz pourrait être le meilleur fromage du monde si la Franche-Comté n’existait pas et n’avait jamais pu inventer, par conséquent, le Comté, justement.
C’est dommage, les suisses, vous êtes passé à ça. Vous auriez pu faire le meilleur fromage du monde s’il n’y avait pas eu le Comté. Et le Bleu d’Auvergne, et le Camembert de Normandie, et… Ouais, en fait, heureusement qu’il y a l’Etivaz pour vous permettre d’exister, quoi.
Mais il faut reconnaître aux Suisses qu’ils savent cuisiner le fromage. Enfin, si faire fondre un truc pour pouvoir y plonger d’autres trucs peut être considéré comme de la cuisine, bien entendu. Mais dis seulement fondue, et tout sera pardonné.
Et surtout, n’oublions pas : la Suisse est la seule véritable démocratie au monde. Les politiques y votent des lois que les citoyens revotent ensuite, parce que franchement, c’était n’importe quoi la première fois.
Le péril Suisse
Mais pourquoi ais-je commencé cet article du vendredi en annonçant que je haïssais la Confédération Helvétique alors que, manifestement, je l’aime d’amour, bien que je n’y détinsse pas de coffre ?
La raison en est simple. Discutant avec un ami et fabricant de liquide issu de ce beau pays, il s’étonna que, côté français, nous manquions de moutarde. Parce que oui, si la direction du Vaping Post se vautre dans l’abondance moutardière à Genève, nous, correspondants internationaux, devons subir le morne vide des rayonnages.
Il m’en envoya donc un colis, par amitié. Dedans, on y trouvait de la moutarde suisse en tube, la plus vendue, celle dont tout helvète raffolait. En manque, sitôt le paquet ouvert, je me ruais aux fourneaux afin de m’y préparer la merveille des merveilles, du poulet à la moutarde. Simple, efficace.
Mais, à la première bouchée, mon amour pour la Suisse s’évapora aussi sûrement que si je l’avais surprise dans le lit d’un autre. Ému, contrarié, je me ruais sur le tube de moutarde pour en consulter la fiche, et cette lecture confirma mes craintes.
Bien que la recette en fut tout à fait conforme, ce peuple que je pensais civilisé, aimable, poli, fin et cultivé, y avait ajouté quantité de sucre. Les barbares. Soyons clair : seuls des bombardements sur les villages bucoliques, l’assèchement du Lac Léman, l’arasement des montagnes et l’incendie des forêts de sapins vastes et profondes serait à même de laver cet affront moutardier. La moutarde sucrée a aussi peu de sens que le beurre sans sel. Et on dit pain au chocolat.
Et il y avait pire, dans ce colis. Un souffle, une rumeur, murmure de choses sans nom. Mais il est trop tôt pour en parler.