Depuis le début du mois de mars, les fabricants d’e-liquide font face à une hausse très importante du prix du propylène glycol. Quelles en sont les causes ? À quoi est due cette augmentation tarifaire ? Quelles en seront les conséquences ? Comment les atténuer ? Des fabricants répondent.

De 250 à 400 % d’augmentation !

La chose inquiète de plus en plus les industriels de l’e-liquide. En effet, depuis un peu plus de deux mois, le prix du propylène glycol flambe. Et comme il compose parfois plus de la moitié d’une fiole d’un liquide nicotiné, des boosters de nicotine ou des bases pour DIY, l’impact de cette augmentation brutale et soudaine pourrait avoir des conséquences néfastes pour toute l’industrie.

Fabrice Groret, président de Bobble Liquide

Les prix continuent de varier même d’un jour à l’autre.

Mi-avril, cette augmentation de tarif atteignait 300 % selon Yoan Uzan, le directeur général de Savourea. Entre 250 et 300 % pour Jean Moiroud, cofondateur de Fuu. Et jusqu’à 400 % selon Charly Pairaud, directeur général de VDLV. Pire, selon Olivier Martzel, directeur général du Groupe Gaïatrend, le cours du PG aurait quadruplé voire quintuplé. Et “les prix continuent de varier même d’un jour à l’autre”, précise Fabrice Groret, président de Bobble Liquide.

Cette envolée tarifaire s’explique, entre autres, nous le verrons plus tard, par la rareté. En conséquence, “les commandes passées ne sont pas livrées dans leur totalité et nous sommes rationnés sur le volume des commandes”, constate Yoan Uzan.

Antoine Piccirilli, directeur R&D des Laboratoires Xérès

L’engorgement des ports chinois entraîne de lourds retards de livraison et fait fondre les stocks de PG en Europe, lequel devient une denrée rare.

La Covid responsable, mais pas que…

Ce phénomène s’explique par une combinaison de divers facteurs d’une économie mondialisée, un alignement négatif des planètes. Selon Antoine Piccirilli, directeur R&D des Laboratoires Xérès, les raisons sont à chercher du côté de la Chine et de la crise de la Covid-19.

« Depuis 2016, les principaux producteurs européens de PG ont pris la décision de ne pas vendre à la vape. C’est pourquoi, pour cette application, le PG utilisé est principalement produit en Chine », explique-t-il. 

Jean Moiroud, codirigeant de Fuu

La vague de froid qui a touché le Texas au mois de février a mis à l’arrêt l’industrie pétrochimique.

L’arrêt des usines chinoises durant la crise de la Covid aurait donc créé une pénurie. Antoine Piccirilli poursuit :

« La crise de la Covid a entraîné une hypercroissance de l’e-commerce qui se traduit par une très forte demande en produits manufacturés chinois, lesquels sont essentiellement exportés aux USA et en Europe par voie maritime. La forte reprise chinoise, conjuguée à la baisse du nombre de bateaux circulant – ces dernières années les armateurs ont réduit leurs flottes afin de regonfler leurs marges qui s’étaient effritées –, le transport des biens de consommation est devenu prioritaire par rapport à celui de certaines matières premières à plus faible valeur ajoutée telles que le PG. En outre, le PG est en effet ce que l’on appelle une commodité, c’est-à-dire une matière première peu chère et produite en très grande quantité. Une augmentation des coûts de transport a un effet immédiat sur son prix. Enfin, l’engorgement des ports chinois entraîne de lourds retards de livraison et fait fondre les stocks de PG en Europe, lequel devient une denrée rare ».

D’autant plus que la Chine se réserverait ses stocks de PG pour soutenir sa reprise économique, selon les fournisseurs de VDLV.

Mais les coupables ne sont pas à chercher seulement en Chine, il y aurait aussi des défaillances en Europe, « avec l’arrêt d’une très grosse usine au Portugal suite à un incident. Il y aurait, semble-t-il, une deuxième usine en Europe qui serait également arrêtée en maintenance. C’est la raison initiale », selon Fabrice Groret.

Charly Pairaud, directeur général de VDLV

Les stocks de PG grade pharma sont priorisés pour la vaccination de la Covid-19.

Le continent américain n’est pas en reste :

« La vague de froid qui a touché le Texas au mois de février a mis à l’arrêt l’industrie pétrochimique, et comme le PG est principalement d’origine pétrolière, ça a créé de la rareté et de la tension sur la ressource », indique Jean Moiroud.

Enfin, et cela concerne le monde entier, « les stocks de PG grade pharma sont priorisés pour la vaccination de la Covid-19 », explique Charly Pairaud. « Nous pouvons aussi nous demander si, à cela, ne s’ajoute pas le lobby des groupes pharmaceutiques, ou encore si des usines refusent de livrer pour une application dans la cigarette électronique… », interroge Olivier Martzel. 

Le DIY, première victime

Face à cet état des lieux, les conséquences sont multiples. Si certaines, comme le rationnement pour les liquidiers, ont déjà cours, d’autres se feront sentir dans les semaines ou les mois à venir pour les boutiques et les vapoteurs. “Inévitablement, il y aura une répercussion sur le prix, cependant difficile de savoir comment se fera la ventilation entre les différents acteurs – fabricants, grossistes, retailers et consommateurs finaux – pour l’amortissement de ce surcoût”, indique Yoan Uzan. 

Parmi les produits les plus impactés, on trouve les bases pour le DIY et les boosters de nicotine. “Je ne pense pas que les produits de marque soient impactés parce qu’ils ont des marges suffisantes pour absorber un peu le surcoût, estime Jean Moiroud. Mais les bases en 0 d’un litre en 50/50, la moitié du prix du produit triple, donc forcément le DIY est impacté en premier.” Idem pour les boosters de nicotine, qui ont des marges extrêmement faibles.“Cela a aussi un impact supplémentaire sur le coût des arômes qui sont bien souvent sur support PG, et cela nous est répercuté par les aromaticiens !” 

Pour le moment, ce dernier indique que les fournisseurs ne parlent pas de rupture sèche, mais d’absence de certitude sur les dates d’approvisionnement. “J’imagine, en plus, que tout le monde industriel va vouloir faire ses réserves (comme les pâtes au début du confinement…), ce qui augmente l’effet de spéculation”, regrette Charly Pairaud.

D’ailleurs, l’augmentation du prix du PG a déjà été traduite pour le consommateur. Par exemple, Bobble a décidé de répercuter cette augmentation des prix sur ses bases neutres mais va essayer de la limiter à ce produit uniquement, en maintenant les prix des autres produits. 

Olivier Martzel, directeur général du Groupe Gaïatrend

L’une des forces de notre société c’est d’avoir la capacité à acheter du stock d’avance.

Chez Gaïatrend, l’ambiance est sereine, car moins concernée par le DIY et dotée d’une grande capacité de stockage. « L’une des forces de notre société c’est d’avoir la capacité à acheter du stock d’avance. Nous avons toujours 50 à 60 tonnes de PG sur site. Nous ne devrions pas tomber en rupture, rassure Olivier Martzel. Si le tarif du PG reste stable, nous avons décidé de ne pas augmenter le tarif des liquides prêts à vaper ».

D’autres liquidiers, comme Fuu, mettent temporairement en pause la fabrication de base d’un litre pour le DIY. « Parce que je ne peux pas prendre le risque de vendre un produit pas assez cher pour utiliser mes ressources de PG dans mes liquides nicotinés pendant l’intervalle où je négocie avec les fournisseurs, pour me laisser le temps d’avoir de la visibilité économique », assure Jean Moiroud.

La crise, jusqu’à quand ?

Logiquement, plus la crise sera longue plus la répercussion de l’explosion du prix du PG sur les produits finis sera forte. Du côté de Fuu, les fournisseurs ont laissé entendre un retour à la normale en juin. « Maintenant, je ne sais pas dans quelle mesure ils vont chercher à profiter de la situation. Et je n’ai aucune raison de croire cette information plus qu’une autre », modère le liquidier parisien. Du côté de VDLV, la tendance est plus pessimiste avec une potentielle baisse vers l’automne. « Mais le prix de cette molécule peut aussi continuer de se maintenir, voire de poursuivre son augmentation tarifaire », déplore Charly Pairaud.

Néanmoins, il y a quelques raisons d’espérer avec le retour à la normale de la situation au Texas « et le redémarrage d’une usine de fabrication de PG en Allemagne, qui avait été reporté à cause de la crise de la Covid », espère Jean Moiroud.

Yoan Uzan, directeur général de Savourea

On peut aussi commencer à travailler sur des produits de substitution.

Les solutions pour amortir les effets

Pour tenter de maintenir les mêmes prix publics dans un secteur déjà fragilisé par les crises successives depuis bientôt deux ans, les liquidiers français ont quelques pistes et chacun a sa recette. Pour Savourea, il faut « essayer de stocker de la matière première ‘disponible’. Même avec ce surcoût lié aux achats et au stockage, on peut aussi commencer à travailler sur des produits de substitution et espérer que cette crise soit temporaire », sourit Yoan Uzan.

Du côté de Cestas, VDLV va sécuriser au mieux ses approvisionnements. La société pense aussi que des recettes avec un ratio de VG plus important devraient voir le jour. « Mais je rappelle que les recettes nicotinées actuelles sont soumises à notification avec un délai de 6 mois. De plus, on sait aussi que les mix avec plus de VG ne présentent pas des conditions optimales de vaporisation avec du matériel standard », prévient Charly Pairaud.

En Alsace, Gaïatrend va augmenter la capacité de stockage pour éviter toute rupture de PG et « ainsi garantir une livraison de l’ensemble de notre gamme », assure Olivier Martzel.

Enfin, Fabrice Groret, le président de Bobble, veut « tenir le temps de la crise » en prenant sur eux cette augmentation et sans la faire subir à leurs clients, « qui, nous le savons, ont bien suffisamment de difficultés à surmonter sans en plus devoir payer plus cher leurs achats ». Effectivement, les vapoteurs et la population en général ont connu des périodes plus joyeuses.

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