La multiplication d’études statistiques très défavorables à la vape, mais à la méthodologie plus que douteuse, interroge. On y voit la marque d’équipes désireuses de se faire de la publicité à peu de frais. Et si l’action était plus concertée que cela ?

Les mathématiques du consensus

Il y a de cela deux ans, la vape était toute proche du consensus scientifique en faveur de son innocuité.

Le consensus scientifique, c’est la base de l’affirmation de quelque chose en science. C’est le moment où, face soit à une multiplication d’études attestant d’une thèse, soit par la preuve expérimentale reproduite un nombre conséquent de fois, et souvent, par un mix des deux, la majorité des scientifiques considère que la thèse proposée est exacte.

Un consensus célèbre, c’est celui qui a suivi la publication, par Albert Einstein, de la théorie relativité générale. Celle-ci a été d’abord accueillie fraîchement, avant que les publications de physiciens ayant cherché à résoudre les équations et les preuves par l’observation ne viennent l’assoir comme le meilleur modèle décrivant l’univers, et ce, jusqu’à aujourd’hui.

Un consensus moins célèbre, c’est celui qui concerne l’homéopathie. Si la majorité des scientifiques considère que l’homéopathie ne fonctionne pas, c’est parce que des milliers d’études ont affirmé qu’elle ne fonctionnait pas, contre… deux qui affirment que ça marche. Et l’on pourrait dire que ces deux études sont vivement critiquées pour leur méthodologie douteuse, mais ne tirons pas sur l’ambulance, et encore moins sur le corbillard.

La vape, donc, était sur le point d’atteindre cette masse critique d’informations qui aurait permis d’affirmer qu’elle est efficace dans le sevrage tabagique et ne constitue pas un problème majeur de santé publique. Des méta-analyses, des études d’études, avaient déjà été publiées ou étaient en cours d’établissement.

Merci les pangolins

Et puis, fin 2019, sur un marché au poisson en Chine, quelqu’un tomba malade. La suite, vous la connaissez. Le Covid a mobilisé l’ensemble de la recherche scientifique pour, d’abord déterminer à quoi on avait à faire, ensuite pour essayer de trouver un remède ou un vaccin.

Aujourd’hui, même si les équipes restent fortement mobilisés, une partie de la science a repris ses travaux autres, le Covid étant passé aux mains des spécialistes et les budgets faisant leur timide réapparition.

C’est là qu’on a vu fleurir des études statistiques défavorables à la vape. Quelques-unes ont été commentées dans le Vaping Post. La dernière en date, sur la vape qui rendrait aveugle, a fait beaucoup rire tellement elle semblait ridicule. Même le public le plus mal informé ne pouvait croire une énormité pareille.

Pourtant, elle a été validée et publiée dans une revue sérieuse à comité de lecture. Tout simplement parce qu’elle présente des caractéristiques communes avec les autres études de cet acabit : elle repose sur des statistiques, elles-même basées sur des sondages, et propose une conclusion prudente.

L’art de la statistique acrobatique

Les statistiques sont une science rigoureuse. En revanche, l’interprétation des statistiques et leur extrapolation sont plus sujettes à caution. Un exemple d’actualité : la France va bientôt voter pour son élection présidentielle. Bien malin qui dira le nom du futur président ou de la future présidente qui gouvernera le pays en mai prochain. Pour l’instant, n’importe qui avec un stylo et une calculatrice peut faire gagner théoriquement le candidat de son choix.

C’est pour cela qu’une étude statistique est toujours à prendre avec des pincettes, plus ou moins selon la rigueur du protocole. Elles peuvent aussi être démontées : l’étude de Stanton Glantz selon laquelle la vape donne des infarctus a été retirée après que des confrères se soient penchés sur sa méthodologie douteuse. Mais cela leur a demandé des efforts importants, sur plusieurs mois. Pour une étude, alors qu’il y en a plusieurs qui sortent.

La conclusion prudente permet aux auteurs de se dédouaner et de moins prêter le flanc à, justement, la contestation. Ils ne disent pas « la vape rend aveugle », ils disent « dites-donc, vous avez vu ? Il y a beaucoup de mal-voyants qui vapent, c’est curieux, non, ça vaudrait le coup de se pencher sur le sujet ». Techniquement, ils ne mentent pas, mais savent pertinemment que les journalistes qui vont reprendre l’information ne s’embarrasseront pas de nuances.

Et surtout, ces études iront directement dans la case « défavorable au vapotage ». Donc pourront être prises en compte dans les méta analyses, et donc, pourront servir à remettre en cause le consensus à venir.

Le fait que ces études proviennent d’universités américaines, dans leur grande majorité, dont le mode de financement fait que les antivape peuvent y avoir leurs entrées en échange d’un chèque, ressemble à une théorie du complot, présenté comme cela. Et pourtant, il suffit de citer un nom, Stanton Glantz, qui est un précédent à lui tout seul, pour comprendre que ça fonctionne effectivement ainsi.

La multiplication de ces études rigolotes ne serait, peut-être, pas si drôle que cela au final. Elle pourrait coûter à la vape un consensus scientifique qui est juste absolument vital.

Cet article d’opinion n’engage que le point de vue de son auteur et ne représente pas forcément l’avis de la rédaction.

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