Une équipe de chercheurs américains a récemment décidé de se pencher sur le transport et la présence de « fumée tertiaire » dans un cinéma. Selon ses conclusions, l’air d’une salle de cinéma comprendrait de nombreuses substances nocives, que tous les clients inhaleraient lors de leur présence à une séance. Une « pollution » amenée par les clients fumeurs, et à laquelle les vapoteurs ne participeraient pas.
La fumée tertiaire, responsable du transport de substances toxiques
Afin de pallier ce manque d’informations, une équipe de chercheurs américains a récemment réalisé une étude (1) destinée à évaluer la présence et les émissions réelles de fumée tertiaire dans un environnement clos, et plus précisément dans un cinéma, décrit par les chercheurs comme « moderne, bien ventilé et bien entretenu ».
A l’aide de différents outils, tels qu’un spectromètre de masse à réaction de transfert de protons, ils ont ainsi analysé la composition de l’air du cinéma, avant et après l’arrivée de spectateurs, au cours de différentes séances, et dans plusieurs salles.
Selon leurs conclusions, compte tenu de l’interdiction de fumer appliquée par le cinéma et l’apparition d’événements d’émission immédiatement après l’arrivée du public, « nous concluons que les humains transportent la fumée tertiaire par leurs vêtements et leur corps ». Ce qui, d’après les chercheurs, avait jusqu’à présent été théorisé mais « pas encore prouvé empiriquement ».
En quoi est-ce important ?
Outre la preuve empirique qu’apporte cette étude, son intérêt réside aussi et surtout dans le fait qu’elle démontre que les fumeurs, par leurs simples déplacements, transportent avec eux divers composés nocifs pour l’organisme, dont beaucoup sont responsables de la formation de cancers. Les chercheurs expliquent que « le dégagement gazeux des THS par les humains est une source intérieure notable de composés organiques volatiles (COV) dangereux ».
En effet, si l’on se réfère aux résultats de la spectrographie réalisée par les scientifiques, les fumeurs, en venant visionner un film dans ce cinéma, auraient « apporté » avec eux différents composés tels que le benzène, substance cancérigène, mais également l’acroléine, le formaldéhyde, ainsi que d’autres espèces co-émises, toutes aussi dangereuses. Autant de composés toxiques dont la quantité n’a fait que s’accumuler au cours de chaque journée et du week-end, mais également lors de chaque nuit, période durant laquelle la ventilation des salles de cinéma était réduite.
De plus, grâce à l’analyse d’échantillons d’air prélevés directement dans l’une des salles de cinéma étudiées, les chercheurs ont pu déduire que chaque spectateur qui vient visionner un film dans cette pièce est exposé, en moyenne, à l’équivalent de la fumée secondaire d’une à dix cigarettes, selon la substance étudiée.
Dans leur conclusion, les chercheurs ont toutefois précisé que les rapports des émissions observées aux principaux traceurs ici sont « conformes au profil de la source des THS de la fumée de cigarette ». Les scientifiques indiquent ainsi que « les e-cigarettes n’ont pas contribué de façon notable aux événements d’émission de COV dans cette étude », sauf potentiellement, en ce qui concerne la nicotine.
Un problème qui touche tous les lieux publics
Si ce cinéma a été utilisé comme « étude de cas » par les chercheurs, ces derniers indiquent que les conclusions de leur étude sont généralisables à d’autres lieux. En effet, la taille du cinéma ainsi que son taux de ventilation « diluent l’exposition d’un individu à des COV potentiellement dangereux ».
Une dilution qui pourrait être moindre dans des espaces plus confinés ou moins bien ventilés, tels que les bars, trains, salles de classe, bureaux, ou encore transports publics par exemple.
Pour le Dr Drew Gentner, co-auteur de la recherche, exerçant à la Yale University, la fumée tertiaire représente « des risques importants mais mal compris pour la santé des non-fumeurs et une source de produits chimiques réactifs à l’intérieur ». Selon le spécialiste, diverses études antérieures auraient prouvé qu’elle représenterait entre 5 et 60 % de la charge de morbidité combinée de la fumée de cigarettes chez les non-fumeurs.
Pour le professeur Jacqui Hamilton, expert en chimie des aérosols et en qualité de l’air de l’université de York, qui n’a pas participé à l’étude, si les émissions détectées comprenaient en effet des produits chimiques dangereux, « certains des composés les plus toxiques, tels que les nitrosamines spécifiques au tabac », n’ont pas été détectés. Pour lui, « seuls de très faibles niveaux d’exposition à ces composés sont susceptibles d’augmenter le risque de cancer et de futures études pourraient l’étudier afin de comprendre l’impact complet des émissions liées au tabac sur les non-fumeurs ».
(1) Human transport of thirdhand tobacco smoke: A prominent source of hazardous air pollutants into indoor nonsmoking environments – By https://doi.org/10.1126/sciadv.aay4109
– Science Advances : eaay4109 –Nos derniers articles sur le tabagisme