Il finit par lâcher l’affaire. Toujours poli, ses parents ont fait du beau boulot, mais agacé, on le sent.

Mineur au fond

Il s’en passe des choses dans un vape shop.

Il entre dans le magasin l’air sûr de lui, regarde un peu autour et se dirige vers le comptoir : “Bonjour, je voudrais du liquide frais fruité, vous avez quoi ?”

Bon, il est gentil, il est poli, je vais y aller en douceur. Présentation des gammes, découverte de ses goûts, je lui explique ce qui se vend le mieux, comme pour n’importe quel client, avant de demander innocemment : “Vous avez un compte chez nous ?” Et comme il répond que non, je glisse, innocent : “Dans ce cas, il faudra que je vérifie que vous êtes majeur.” En même temps, le pauvre, il a écrit “J’ai 15 ans” sur son visage, avec de l’acné.

Mais bel effort : au moins, il ne m’a pas proposé la “photo de sa carte d’identité” sur son portable. Beaucoup de mineurs tentent ça. C’est toujours le même dialogue :

– Ah non, la photo de la carte d’identité sur le portable, ça n’a aucune valeur.
– Ah bon ? Depuis quand ?
– Depuis la sortie de Photoshop, en 1990, je crois.

C’est à ça qu’on les reconnaît

Il insiste. Poliment, mais il insiste un peu façon billard à trois bandes : “Oui, mais au bureau de tabac, ils m’en vendent, eux, du liquide.”

Évidemment. Je lui demande pourquoi, alors, il n’y va pas, au bureau de tabac. Il sort son flacon, comme si c’était une preuve. Flacon d’une marque dont je n’ai jamais entendu parler, et qui sent l’usine chimique à quinze mètres à peine ouvert. À la limite, je le plaindrais.

Mais non, intransigeant. La vente de vape est interdite aux mineurs, les autres font ce qu’ils veulent, c’est leur fermeture administrative, pas la mienne, mais dans le shop, avec la bénédiction de la direction, les mineurs, c’est non, non et non.

Il finit par lâcher l’affaire. Toujours poli, ses parents ont fait du beau boulot, mais agacé, on le sent. Alors qu’il ouvre la porte, il conclut : “Dommage, je voulais acheter dans une boutique de vape indépendante.” Puis il se dit qu’il ne peut pas partir comme ça, qu’il faut exprimer sa frustration, dire quelque chose qui blesse. Alors, en guise de dernier mot, il assène : “Vous ne direz pas que je ne vous ai pas laissé votre chance.”

Que d’aventures au shop !

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