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Les boutiques de vape ont elles empêché la légalisation du cannabis ?

Mis à jour le 20/09/2022 à 16h21
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Agnès Buzyn l’a annoncé dimanche 17 juin sur RTL : les coffee shop auront fermé d’ici quelques mois, et le gouvernement va clarifier la législation sur le cannabis légal et le CBD. Quelques uns ont accusé la vape d’être responsable de cet emballement et de ses conséquences. Nous avons questionné les associations qui soutiennent la légalisation.

Consommateurs fâchés, professionnels divisés

C’est dans les commentaires de divers organes de presse qui ont relayé l’information que se trouvent quelques défenseurs virulents du cannabis thérapeutique pour qui la vape est responsable de la prise de position ferme d’Agnès Buzyn.

Agnès Buzyn va sévir contre le cannabis. 

La ministre de la Santé a en effet déclaré sur RTL que Les coffee shops dont l’ouverture a fait grand bruit ces derniers jours « ont détourné le droit en disant que leurs cigarettes contiennent moins de 0,2 % de THC », alors que « toute vente de cannabis à usage récréatif, lorsque ce cannabis contient du THC, quelle que soit la dose, est normalement condamnable par la loi ».

Puis elle a concédé, plus loin, que la législation laissait trop de place aux interprétations et que le gouvernement allait se saisir de la législation afin de la clarifier. Sans savoir ce qu’il en ressortir à terme, tout cela ressemble néanmoins à l’annonce d’un tour de vis, à contre-courant de l’ouverture des autres pays à la légalisation du chanvre thérapeutique.

Est-ce la faute à la vape ? 

Et donc, le discours tenu par ces militants est le suivant « l’explosion de la mode du CBD dans les boutiques de vape a à la fois mis le produit entre les mains de vendeurs qui ne maîtrisent pas le sujet, et inévitablement attiré l’attention de la presse qui y a vu l’occasion de faire des vues en jouant sur les amalgames. » mise en lumière du CBD qui aurait attitré les opportunistes, avec, en conclusion « les shops de vape, juste pour gagner de l’argent, ont fait n’importe quoi et ont mis par terre des années de militantisme raisonné ».

Il faut reconnaître que, quelque part, l’argumentaire se tient : si le CBD ne s’était pas retrouvé affiché dans les shops de vape avec le statut de produit star, la presse n’en aurait pas parlé, les coffee shops n’auraient pas ouvert, et le cannabis aurait pu poursuivre son chemin vers sa dépénalisation. Pris d’un doute, nous avons souhaité demander leur avis aux associations impliquées dans le secteur.

L’avis du CIRC (Collectif d’Information et de Recherche Cannabinoïde)

Cachou, président du CIRC, est mitigé quand à l’accusation contre les shops de vape « c’est vrai qu’il y a une part de responsabilité » explique-t-il, « mais pas à cause de l’exposition de la molécule de CBD. C’est plutôt à cause des allégation thérapeutiques, même sous-entendues, que tiennent ces revendeurs, et du fait aussi qu’un grand public, demandeur de ces substances, se retrouve en boutique face à des produits qui ne correspondent pas à leurs besoins ».

Ce n’est pas directement la faute du CBD dans la vape, pour le CIRC, mais… 

Il n’affirme pas que les shops sont directement responsables du phénomène qui a conduit à l’interpellation et la réaction d’Agnès Buzyn, « mais ils en ont leur part » tout en soulignant « le monsieur qui a ouvert les coffee shops, qui sont tout sauf des coffee shops, au passage, est un businessman opportuniste qui a juste senti un filon. J’ai lu une déclaration de sa part où il expliquait que si la loi lui dit de fermer, il fermera. Quel manque d’éthique ! ».

Cachou explique « le chanvre médical est attendu par des patients, des malades qu’il pourrait réellement aider. Et tout ce qui conduit à un durcissement de la législation conduit à un retard de cette mise à disposition, et a donc un impact directement sur ces gens atteints de pathologies sérieuses. ». En d’autres termes, jouer à l’apprenti sorcier a des conséquences graves sur la santé de ces personnes.

Les mauvaises pratiques nuisent par ricochet aux malades qui en ont réellement besoin. 

Dans tous les cas de figure, ce n’est pas une bonne nouvelle « alors que le monde entier adoucit sa législation et reconnaît les mérites du cannabis médical, a France donne un tour de vis. Le village Gaulois en prend un coup, là. Déjà, on se ridiculise avec une posture rétrograde, et puis, on laisse passer des opportunités énormes. La France a des atouts pour ce marché qu’elle laisse passer, et tous les gens qui s’y sont déjà investis, ils vont faire quoi ? »

NORML(National Organization for the Reform of Marijuana Laws France) 

Florent Buffiere, de l’association NORML, temporise également « C’est vrai que nous n’avons jamais envisagé la question sous cet angle, mais à titre personnel, je ne pense pas que l’arrivée du CBD dans les vape shops soit à l’origine de cet état de fait ».

Le CBD a eu le mérite de faire parler, pour le NORML.

Il précise l’aspect positif « La France devient de plus en plus une exception en matière de cannabis médical, alors qu’ailleurs dans le monde, y compris en Europe, Italie, Allemagne, République Tchèque, la tendance est à la dépénalisation du cannabis à usage thérapeutique, la France a au contraire une loi très restrictive, qui interdit notamment toute présentation ‘’favorable’’ de cette substance. La conséquence, c’est qu’on a une population qui est très sous-informée sur ce sujet. L’arrivé du CBD dans les vape shops a au moins permis d’ouvrir le sujet et d’en parler. »

Mais Florent Buffiere concède aussi des aspects négatifs « Le problème posé, c’est que le CBD vendu en boutique de vape n’est pas du médical, bien que les professionnels laissent penser le contraire. Ce qu’on appelle le cannabis médical, c’est du CBD, mais aussi un peu de THC, du CBC, CBG, et d’autres molécules et terpènes qui, ensemble, ont des effets bienfaisants. Certaines personnes, c’est d’ailleurs mon cas, ne ressentent aucun bénéfice avec le CBD. Les laboratoires qui le vendent avec des promesses bienfaisantes sur la santé, alors qu’ils devraient plutôt dire que c’est un produit de bien-être, faussent la perception qu’en a le public. »

La vape est un moyen prometteur pour la consommation sans risques du cannabis médical.

Florent Buffière, qui souligne par ailleurs être lui-même vapoteur, rassure « la vape est un moyen prometteur pour consommer du cannabis médical, parce qu’elle supprime la combustion. Un autre moyen plus sain, ce sont les vaporisateurs d’herbe sèche, par exemple. La recherche travaille sur le sujet, de toute manière, mais la France est à la traîne. »

La vape, responsable mais pas coupable ?

Globalement, les associations qui militent pour la légalisation du cannabis, que ce soit médical ou récréatif, ne considèrent pas que la présence de CBD dans les boutiques soit un problème ou à la source d’un problème.

En revanche, l’unanimité se fait sur la qualité et la provenances des molécules disponibles, et surtout du discours, parfois tenu, souvent sous-entendu, sur ses propriétés curatives.
Comme tous l’ont rappelé avec la même unanimité « le CBD n’est pas le cannabis médical, il en est juste un ingrédient parmi d’autres ».

En d’autres termes, le problème n’est pas de le faire, mais la façon dont c’est fait… Tant que c’est encore autorisé.