Des études le démontrent : le tabac augmente le risque d’infections, notamment sur la légionellose, la pneumonie à Pneumocoque et, on l’a appris récemment, peut être aussi sur le Covid-19. Mais la vape ? Le propylène glycol n’est il pas un désinfectant ? La question est complexe, mais la réponse, finalement, assez simple.
Le propylène glycol, cet inconnu
Notamment, deux industries l’utilisent comme anti-moisissures : l’industrie cosmétique et l’industrie du tabac. Et c’est à cet égard que certains peuvent se poser une question légitime : le propylène glycol protège-t-il des infections ?
La réponse est : oui, mais dans un contexte très précis et, même dans ce cas, ce n’est pas le désinfectant le plus efficace. En substance, dans la cigarette électronique, il n’a pas de propriétés désinfectantes. Et il ne protège pas des maladies.
Deux expériences ont été menées à grande échelle sur l’utilisation de propylène glycol en tant que désinfectant : une canadienne et une américaine. Respectivement en… 1945 et 1947.
L’expérience canadienne
La première, menée en 1945 par la Royal Canadian Air Force, se situait dans un contexte particulier. La seconde guerre mondiale avait vu de nombreux soldats mourir d’infections diverses (durant la guerre du Pacifique, par exemple, entre les USA et le Japon, le paludisme a fait plus de victimes que les combats proprement dits) et le problème était pris très au sérieux par les états-majors.
L’étude menée sur plusieurs baraquements de l’armée de l’air canadienne démontra que avec une concentration supérieure à 0,1 mg par litre d’air minimum, le propylène glycol montrait « une petite activité germicide ». Néanmoins, l’exposition devait être prolongée et le maintien d’un taux suffisant de PG dans l’air était impossible dans des bâtiments forte circulation.
L’état-major canadien pris note et décida de passer à la recherche d’autres solutions.
La maternité américaine
Une seconde expérience fut menée dans les services de pédiatrie de la maison de Harriet Lane, à l’hôpital Johns Hopkins, aux USA, du 15 octobre 1945 au 1er mai 1946, qui donna lieu à une étude publiée en 1947.
L’expérience visait à maintenir désinfectée des salles où se trouvaient des nourrissons et où travaillaient de nombreux personnels soignant susceptibles de ramener fréquemment des germes de l’extérieur. Sans préciser si les chercheurs américains avaient pris connaissance de l’étude canadienne, le choix a été fait d’utiliser de fortes doses de PG pulvérisé dans l’air ambiant.
Le taux de vapeurs de PG dans les deux salles se situait en permanence entre 55 et 70 %. Au terme de l’expérience, le taux de bactéries dans les salles de test où étaient pulvérisés les nuages de PG étaient inférieurs de 30 % dans l’une et 70 % dans l’autre par rapport à la salle de test où aucune pulvérisation n’avait été faite.
Néanmoins, au terme de l’étude, les chercheurs ont constaté que le nombre d’infections microbiennes constatées entre les patients en salles de tests et en salle de référence ne variait pas de manière significative : les chiffres obtenus étaient tous dans la fourchette des « variations aléatoires ».
L’étude se concluait par le constat que les résultats n’étaient pas suffisamment significatifs pour en tirer des conclusions, et que d’autres études sur le PG comme moyen de désinfection devaient être menées. Mais devant l’apparition d’autre produits de désinfection plus efficaces, et au regard des résultats peu concluants, aucune autre étude n’a été menée à cette échelle.
Le PG protège-t-il des maladies ?
Alors, le Propylène Glycol protège-t-il des maladies ? Les vapoteurs ont ils moins de chance d’attraper la grippe ou le coronavirus que d’autres ? La réponse à ces deux questions est : non, et « ça dépend du point de vue ».
Techniquement, le PG est un excellent fongicide. C’est pour cela que vous avez peu de chances de voir moisir un e-liquide que vous auriez oublié dans un placard depuis des années. Mais le PG n’est efficace qu’en cas d’exposition prolongée à des doses importantes.
Ainsi, lorsque vous vapotez, vous soumettez votre bouche à une exposition ponctuelle de PG. Avoir une concentration suffisante sur la durée pour ressentir des effets voudrait dire que vous vapotez H24, sans pauses. Remontez votre taux de nicotine et vapez moins. Les effets du PG sur la flore bucco-intestinale sont encore à étudier en profondeur, mais une chose est sûre, vaper ne vous dispense pas de vous laver les dents au moins deux fois par jour.
Mais les vapoteurs ont ils moins de chances d’attraper une maladie que les autres ? Pour répondre à cela, nous avons posé la question à deux médecins généralistes, et condensé leur réponse. Elle est simple : non, les vapoteurs n’ont pas moins de chance de tomber malade que la moyenne de la population, mais les fumeurs, en revanche, ont plus de chances. La fumée de cigarette dégrade l’état général de santé du fumeur, dans tous les cas, même si il ne s’en rend pas forcément compte. Et une santé dégradée augmente la sensibilité aux infections et maladies.
Ainsi, si les vapoteurs ont l’impression d’être moins souvent malade qu’avant, c’est parce que c’est effectivement le cas, mais uniquement par rapport à « avant, quand ils étaient fumeurs ». Mais par rapport à un non-fumeur, il n’y a pas de différence.
Pour faire simple, vous mettre à vaper dans l’espoir de vous protéger du coronavirus, de la grippe ou de quelconque autre maladie est totalement vain. En revanche, (re)commencer à fumer est une très, très mauvaise idée.
« La guerre des scientifiques 1939 – 1945 » de Jean-Charles Foucrier, éditions Perrin, 2019
« Histoire de la lutte contre les maladies infectieuses depuis Pasteur » de Marie-Magdeleine Petit, éditions Ellipse, 2012
« Experiences with the Use of Propylene Glycol as a Bactericidal Aerosol in an R.C.A.F. Barracks » Canadian Journal of Public Health / Revue Canadienne de Santé Publique Vol. 36, No. 5 (MAY 1945), pp. 181-187.
« Control of Cross-Infections in Infants’ Wards by the Use of Triethelyene Glycol Vapor » American Journal of Public Health, novembre 1947
« Clinical characteristics of 2019 novel coronavirus infection in China » MedRixv, 2020