“L’e-cigarette est 95% moins dangereuse que la cigarette”. Dans un éditorial anonyme, la revue médicale britannique “The Lancet” remet en cause le chiffre avancé par les autorités de santé britanniques. Des experts soupçonnent le Lancet de chercher de la publicité, et l’accusent de brouiller les messages destinés aux fumeurs.
En attaquant le rapport des autorités de santé anglaises sur l’e-cigarette le Lancet soulève l’indignation.
Il aura fallu attendre 10 jours pour que les premières réactions hostiles au rapport du gouvernement anglais sur la cigarette électronique commencent à fleurir. Un éditorial anonyme du Lancet fournit une caution morale à ceux qui voulaient décrédibiliser le rapport.
“L’e-cigarette est 95% moins dangereuse que la cigarette” titrait le rapport officiel publié le 19 août. Le Lancet a décidé de remettre en cause les auteurs de l’étude qui avaient produit cette estimation pour attaquer l’ensemble de la crédibilité du rapport. Ce chiffre de 95% avait été établi lors d’une réunion internationale de onze experts. La revue reproche la méthode d’estimation utilisée et la constitution d’un groupe composé “d’individus sans spécification de leur expertise dans la lutte anti-tabac” dont deux avaient présenté des déclarations de conflits d’intérêt.
Le rapport met en cause nommément la participation du Dr Ricardo Polosa à ce panel d’expert pour avoir conseillé un distributeur d’e-cigarettes et celle d’un autre expert, dont le nom n’est pas cité, pour avoir conseillé des fabricants de produits d’aide au sevrage tabagique.
Cette attaque a soulevé un véritable tollé notamment outre-Manche, comme en témoignent ces quelques tweets.
Derek Yach : “Le Lancet a décidé de tirer sur l’ambulance http://specc.ie/1JBxooB, peut être devraient-ils relire http://goo.gl/o5Zlpb” (en français)
Robert West : “Hypothèse : BMJ, NEJM et Lancet sont motivés en partie par un désir de publicité, quelques fois au détriment de la rigueur” (lire aussi)
Les auteurs du rapport ont rapidement publié une mise au point argumentée. Dans un texte publié dans la rubrique Correspondance du Lancet, ils dénoncent une manœuvre de discrédit basée sur une référence parmi les 185 de ce document de 111 pages. Ils affirment qu’en brouillant le message, l’éditorial du Lancet conforte les fumeurs à se maintenir dans leur tabagisme plutôt que de se tourner vers une alternative de réduction des risques.
Sur son blog, Konstantinos Farsalinos s’insurge : le Lancet n’apporte aucune donnée, aucune contradiction scientifique. Dans sa tentative de jeter le doute sur le rapport du gouvernement, la revue ne cite qu’une seule référence parmi 185, attaque personnellement Ricardo Polosa et Karl Fagerstrom, sans le nommer. Le chercheur grec explique que l’étude incriminée comptait onze auteurs et souligne que de surcroît, ces deux là n’ont pas participé au rapport publié par le gouvernement.
“Le seul argument pour critiquer le rapport sur l’e-cigarette : le financement d’une étude parmi 185 citées”
Christopher Snowdon, blogueur anglais au franc-parler, rappelle les noms des autres auteurs de l’étude incriminée. Qui s’intéresse à la lutte contre le tabagisme dans le monde, reconnaitra des noms de professionnels dont la réputation n’est plus à faire. Pour n’en citer qu’un, le docteur Karl Fagerström suédois est l’auteur du célèbre test de dépendance à la cigarette qui porte son nom.
“Sur la sécurité de l’e-cigarette, le Lancet a décidé de tirer sur le messager r http://specc.ie/1JBxooB “
Deux titres anglais ont immédiatement rebondi sur cet éditorial, amplifiant les propos de la revue britannique.
The Telegraph n’a pas hésité pas à titrer “l’étude sur la nocivité de l’ecigarette a été rédigée par des scientifiques financés par l’industrie de la vape.” Assertion largement exagérée par un journaliste en mal de sensation. Il affirme en effet quelques lignes plus bas que trois des onze auteurs ont reçu des émoluments de l’industrie de la cigarette électronique. Imprécision ou inflation, le Lancet de son côté n’en dénombrait qu’un.
Dans un article au ton apparemment plus posé, The Guardian va pourtant un cran plus loin. Le journaliste affirme que les autorités de santé auraient basé leurs conseils sur des résultats de recherches financées indirectement par l’industrie du tabac.
Pour l’instant l’éditorial polémique du Lancet n’a pas eu d’écho dans la presse française. Mais, il est vrai que de ce côté-ci de la Manche, les réactions des responsables de santé publique au rapport britannique se font attendre.