Le Laboratoire Lips France, qui commercialise la marque Le French Liquide, est entré dans la cour des grands grâce au succès exponentiel de son best-seller La Chose. Cédric Mérino-Riocher, son président, répond à la big interview.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Cédric Merino-Riocher, j’ai 44 ans et je suis parfumeur. Je suis né à Tours et je suis pacsé. Je n’ai pas d’enfant mais deux chiens : un bull-terrier et un rottweiler.
Quel fumeur étiez-vous ?
J’étais un assez gros fumeur avec une consommation d’un paquet par jour, qui pouvait monter à deux paquets lors des soirées.
Quel métier exerciez-vous à cette époque ?
J’étais, et je suis toujours, parfumeur pour ma propre maison de parfum : Synopsis Paris. Et forcément, quand on travaille dans ce secteur d’activité, la cigarette vient bousculer de façon négative les performances olfactives.
Quel a été votre premier contact avec la cigarette électronique ?
C’était en 2011, je ne faisais pas partie des précurseurs ! J’en ai vu une fois, deux fois et la troisième fois j’en ai acheté une. Ce n’était pas du matériel très performant, c’était même la catastrophe (rires). Mais ça a fonctionné !
Quel a été le déclic pour créer Le French Liquide ?
Olivier Pointin (directeur général du Laboratoire Lips France, ndlr) et moi-même sommes passés à la vape en 2011. À cette époque, avec Olivier, on était super frustré. L’offre d’e-liquides était assez réduite et surtout pauvre d’un point de vue gustatif, avec un grand manque de complexité. Mais cela répondait à la demande du moment sur du petit matos type eGo ne permettant pas de révéler les qualités gustatives des liquides plus complexes. Et comme j’avais toutes les compétences pour pouvoir lancer une activité de fabrication d’e-liquides, puisqu’il y a quelques points communs entre les produits utilisés en parfumerie et ceux qu’on utilise dans la vape, nous nous sommes lancés.
Racontez-nous l’histoire du French Liquide.
En 2013, dans la mesure où nous ne trouvions pas notre bonheur, nous sommes arrivés sur le marché avec une gamme de 40 mono-arômes un peu plus “couture” réalisés avec des matières premières 100 % françaises très haut de gamme. Ça nous a pris un an de R&D. En 2014, nous avons édité la collection Secrets d’apothicaire, qui existe toujours, puis nous sommes réellement sortis de l’anonymat avec La Chose et Ré-Animator, qui font toujours partie des best-sellers français.
Qu’est-ce que c’est, un e-liquide “couture” ?
“Couture”, ça fait référence à la parfumerie. Ça veut dire, par exemple, quand on va vers des notes de citron, nous, on va aller chercher des extractions pures au niveau des citrons, voire du citron de Sicile, des choses comme ça. Ce sont des matières premières utilisées en parfumerie, qui sont très chères et très haut de gamme. Après, il y a de nombreuses techniques d’extraction de molécules : la macération, l’extraction à l’alcool, etc. Et nous, on utilise souvent des extractions à base de CO2, qui sont des méthodes extrêmement chères mais qui, sur des produits naturels, donnent des restitutions gustatives et olfactives d’une rare qualité.
Pourquoi avoir choisi le nom de French Liquide ?
On voulait quelque chose de simple, un nom qui représente le savoir-faire français.
Qu’est-ce qui fait la particularité des e-liquides du French Liquide ?
Nos liquides sont créés comme des parfums avec une note de tête, de cœur et de fond. Il nous faut environ 6 à 8 mois pour sortir un nouveau jus car nous devons aussi mesurer et évaluer l’évolution des arômes durant le processus de macération, qu’on appelle le steep en anglais. De nombreux tests sont également effectués sur des setups différents pour donner satisfaction au plus grand nombre de vapoteurs. Bref, on y met du temps, du cœur et de l’amour.
Revenons à La Chose, quel était le cahier des charges au départ ?
Alors en fait, pour La Chose, on était parti sur un triptyque “Versions Très Originales” avec deux gourmands et un fruité. Ça, c’était le brief de base. Le premier, ç’a été Priscilla, le fruité un peu frais. Le deuxième, c’était Monstre Sacré et le troisième, sur lequel je ne misais pas un kopek parce que je n’étais pas du tout sûr de mon coup, c’était La Chose. Je voulais créer un all-day haut de gamme, pas écœurant, pas saturé en arômes, pas saturé en sucre. Quelque chose de très équilibré entre le gourmand et le croustillant, comme diraient des cuisiniers.
Vous avez été surpris par son succès ?
Énormément ! Mais ça ne s’est pas fait du jour au lendemain. Aujourd’hui, ça fait trois ans qu’il existe et on en vend plus chaque jour. C’est un truc de fou. Autant, Ré-Animator a beaucoup contribué à nous faire connaître, parce que quand on l’a sorti en même temps que La Chose, il y a eu un effet de mode pendant six à huit mois puis après c’est un petit peu retombé. Alors que pour La Chose ça ne retombe pas du tout, au contraire.
Comment expliquez-vous son succès ?
Je pense que c’est son équilibre. Honnêtement, c’est un produit qui a une bonne balance entre le café gourmand et le côté fruits à coques avec la noisette et la pécan. Après, c’est le bouche-à-oreille qui a fonctionné puisque, à part dans la presse professionnelle, on ne peut pas faire de publicité. Aujourd’hui, une boutique qui n’a pas La Chose en rayon, c’est rare ! (rires) Aujourd’hui, à chaque départ de création on espère arriver à produire un liquide aussi costaud que La Chose, mais… ce n’est pas facile.
Vous avez la particularité de posséder votre propre laboratoire. Quels en sont les avantages et les inconvénients ?
Oui, nous avons notre propre laboratoire. De plus, le LaboStark (laboratoire d’analyses et essais) est dans nos locaux. De ce fait, tout ce qui entre et sort de chez nous est analysé. Nous avons également notre propre robot vapoteur pour faire les analyses sur les émissions. Chez nous, tout est internalisé, même l’impression des étiquettes. Il ne nous reste plus qu’à fabriquer nos propres flacons et bouchons… mais on y travaille !
Êtes-vous personnellement à l’origine de toutes les recettes du French Liquide ?
Oui, toutes. Seules les formulations des Pixies et du Ré-Animator 3 sont des co-signatures, respectivement avec Chris Vaps, le reviewer YouTube, et Naoned Underground. Mais je signe aussi de nombreuses créations pour d’autres marques ou distributeurs… comme je le fais pour le parfum, mais ça, c’est top secret ! Mais c’est surtout un travail d’équipe, car tout le monde chez nous à son mot à dire sur les créations en cours.
Justement, vous travaillez toujours en parallèle dans la parfumerie ?
Oui, toujours mais de moins en moins. L’activité au French me prend beaucoup de temps. En fait Le French Liquide, c’est aussi Supervape, Salt E-vapor, KoddoPod, plus du conditionnement et de la création sur mesure… donc ça occupe !
Avez-vous la sensation que tout a déjà été créé gustativement dans ce secteur ?
Pas du tout, il y a encore des milliers de notes aromatiques à découvrir et à associer, mais les palais sont-ils prêts ? C’est ça, la vraie question ! On ne va pas faire des liquides au pot-au-feu ou à la tartiflette parce que ça n’a pas de sens, que ça risque de sentir mauvais… Je pense plutôt à des molécules rares ou un peu chères comme la fève tonka, qui entre déjà dans la composition de certains e-liquides, comme Monstre Sacré. En fait, la vraie difficulté que l’on rencontre quand on crée des recettes complexes, c’est de ne pas perdre le vapoteur en route. Sans être péjoratif, le vapoteur moyen a besoin de retrouver les deux ou trois notes précisées dans le descriptif. Si le descriptif est trop précis, le vapoteur ne va pas forcément retrouver chaque note. Ça crée de la déception et le liquide ne lui plaira pas. La vraie difficulté, c’est de réaliser un e-liquide complexe mais facile d’accès, c’est en cela que La Chose, qui est un liquide très complexe puisqu’il y a 12 arômes différents, sans parler des sous arômes, est un liquide très efficace.
Y a-t-il un ou plusieurs liquides de la concurrence que vous auriez aimé créer ?
Oui, il y a un tabac que j’adore c’est le Redskin (tabac type Virginia doré et Latakia vanillé, ndlr) de L’Absolu. Il y a aussi Cinéma (custard pop-corn, ndlr) de Clouds of Icarius et un autre peu connu en France, c’est le Blockbuster (pop-corn, vanille et coco, ndlr) de chez Mirage, un fabricant anglais.
Comment travaillez-vous vos produits pour qu’ils soient le plus “safe” possible ?
Nous nous interdisons toute molécule suspecte. Nous avons un docteur en chimie en interne, tous nos produits passent en chromatographie et spectrométrie de masse. Nous savons ce que contiennent nos liquides au microgramme près.
Quels sont vos types de distribution aujourd’hui et leurs proportions respectives ?
Nous avons la chance de travailler avec presque tous les grossistes. Mais nous travaillons aussi en direct avec environ 40 % des shops français. En effet, les grossistes ne peuvent pas référencer l’intégralité de nos gammes. Les shops les plus pointus travaillent avec nous en direct sur les créations un peu plus confidentielles pour palais exigeants.
En 2017, vous étiez précurseurs sur les sels de nicotine et vous avez commercialisé le KoddoPod Nano. Allez-vous continuer à innover dans le secteur du matériel ?
Oui, nous avons été les premiers à mettre sur le marché français les sels de nicotine avec le KoddoPod. Nous avons un peu été victimes de notre succès par rapport à nos prévisions et avons dû refaire le moule du pod à la suite d’un bris chez le plasturgiste. Aujourd’hui, tout est rentré dans l’ordre et nous sortons 11 nouvelles saveurs. Effectivement, en termes de device, une grosse surprise vous attendra sur notre stand du Vapexpo.
Quelle est la part des e-liquides aux sels de nicotine dans votre chiffre d’affaires ?
Elle représente encore une petite part, mais elle augmente tous les jours car notre gamme Salt E-Vapor fait un carton !
Le marché de l’e-liquide est très dynamique, quelle vision en avez-vous ?
Une vision assez mitigée car le rouleau compresseur Big Tobacco fait le forcing pour attribuer la vape aux buralistes qui n’ont ni l’expertise, ni le temps pour conseiller un primo-accédant. Je suis également déçu par notre ministre de la Santé qui a pourtant toutes les compétences scientifiques pour comprendre les nombreuses études favorables à la vape. Cela dit, quand il y aura une taxe sur les produits de la vape, ce qui serait délirant, je pense que Bercy lui permettra de dire que la vape est géniale. Argent, quand tu nous tiens…
L’aventure des liquides au CBD vous tente-t-elle ?
Pas du tout, nous préférons avancer sur les sels de nicotine, qui sont pour nous l’avenir de la vape en vue d’un sevrage tabagique. Nous avons d’ailleurs monté un groupe de travail en partenariat avec l’UFR des sciences et techniques et l’Institut de recherche en santé de l’université de Nantes. Ce groupe est composé de docteurs en chimie, biologie, d’un addictologue et de tabacologues, dont Jacques Le Houezec.
Quel est son but ?
Nous faisons de l’électrochimie autour de la nicotine des sels de nicotine pour voir quels sont les impacts sur l’organisme. Donc là, il y a un gros travail de recherche et de publications qui va être réalisé courant 2019. Nous voulons démontrer que la nicotine n’est pas du tout l’ennemi, bien au contraire : c’est grâce à elle que l’on pourra soigner la dépendance au tabac. Nous souhaitons aussi démontrer les impacts de la nicotine par rapport aux sels de nicotine en prouvant que les sels de nicotine sont bien meilleurs que la nicotine dans le cadre du sevrage tabagique.
Bien meilleurs de quelle façon ?
Bien meilleurs par leur efficacité, le fait qu’ils n’irritent pas le larynx, qu’ils se diluent mieux dans l’organisme, qu’ils aient un goût moins prononcé que la nicotine, etc.
Quelle est l’évolution de votre chiffre d’affaires ?
Il est en croissance.
Quels sont la part de l’export et les principaux pays concernés ?
Nous avons assez peu investi sur l’export même si nos produits se vendent en Belgique, Allemagne, Espagne et Italie, surtout via nos grossistes… Mais cela fait partie des chantiers de 2019 !
Quels sont vos projets dans un futur proche ?
Faire de plus en plus de parutions dans les revues scientifiques sur les bienfaits de la vape et des sels de nicotine. Nous lançons le KoddoPod au Royaume-Uni et nous sommes en négociation avec de nombreux distributeurs pour d’autres pays.
Avez-vous d’autres projets aujourd’hui ?
Oh que oui ! Mais pour l’instant motus…
Le French Liquide en chiffres
- Année de création : 2013
- Nombre de marques : Le French Liquide, Salt E-Vapor, Supervape, KoddoPod, Easy2Mix
- Chiffre d’affaires 2017 : NC
- Croissance du chiffre d’affaires en 2017 : NC
- Nombre de salariés : 14
- CDI créés en 2017 : 8
- Nombre de points de vente en France : eviron 500 en direct
- Nombre de références au catalogue : plus de 100
Le French Liquide en images