Contrairement à une légende largement répandue autour de la machine à café du Vaping Post, on ne peut pas faire un article du vendredi avec n’importe quoi. Le sujet doit être un peu étrange à la base, et, ensuite, pouvoir se plier et se tordre pour confiner à l’absurde. Pas comme aujourd’hui, par exemple.
Bonjour tristesse (mot compte triple)
Imaginez une série télévisée. Elle raconterai l’histoire d’un homme qui déteste le monde, qui déteste la vie, qui déteste les gens, et qui, par dessus tout, déteste, hait, abomine, vomit toute forme de joie. Et un jour, il a une idée démoniaque pour tuer toute forme de bonheur. Et cette série raconterait sa vie.
Elle serait filmée en plans longs et lugubres, les dialogues plats récités d’une voix monocorde, les angles de caméras réfléchis pour donner l’image la plus désagréable possible, et l’image en noir et blanc passée à travers un filtre terne.
C’est ce à quoi je m’attends, parce que cette série va exister. Et elle parlera d’un « jeu ». Pardon. D’un jeu, sans guillemet, dont, hasard ou coïncidence, je disais pis que pendre il y a quelques temps.
Parce qu’après le succès mondial de Barbie, la société éditrice de jeux Mattel s’est dit qu’il y avait un filon, et compte adapter d’autres jeux au cinéma et à la télévision. Et le premier sur cette liste de projets est le Scrabble. Le symbole absolu de l’ennui du dimanche après midi.
Vas y pioche une lettre
Et là se présente un difficulté. Parce que bon, on est d’accord, le Scrabble adapté en série télévisée, une vraie série, comme Breaking Bad, Games of Thrones, The Walking Dead, Friends, bref, une série. Tout le monde a déjà vu au moins un épisode d’une série un jour dans sa vie. Ne serait-ce que somnoler devant Walker Texas Ranger en digérant le poulet frites, ça compte, oui.
Mais je me rend compte que j’ai fait un faux départ avec la première phrase du paragraphe précédent. Reprenons. Donc : on est d’accord que le Scrabble adapté en série télévisée, c’est une nouvelle tellement bizarre que c’est le sujet parfait pour un article du vendredi. Oui ? Oui. Bon.
Pardon, mais j’en fais quoi, moi, de ça ? L’idée d’une partie de Scrabble adaptée en série télévisée est évidemment ridicule, il y a eu un sketch de Pierre Pal… Enfin, bref, il y a eu un sketch, on a déjà fait le tour du sujet. Et donc, tirer un article du vendredi de cette nouvelle tellement ahurissante qu’elle se suffit à elle-même ?
Évidemment, le sujet de la série ne sera pas une partie de Scrabble, mais certainement l’histoire du jeu, vous direz vous. Et c’est ce que j’ai pensé aussi.
C’est dans le dictionnaire ça ?
Cherchez l’histoire du Scrabble. Allez-y. Vous avez la flemme ? Je vous comprend. Un petit résumé : un type invente le Scrabble. Pendant vingt ans, ça ne se vend quasiment pas. Un jour, par hasard, un directeur d’hypermarché en fait une partie chez des amis et il se fâche tout rouge quand il se rend compte que son magasin n’en vend même pas. Il ordonne d’organiser une grosse promotion, et c’est parti pour un succès aussi énorme qu’incompréhensible.
Mesdames et messieurs les scénaristes, bon courage pour tirer une saison de cette histoire.
Ce n’est pas parce que l’argument est un peu court. Des séries avec des arguments courts, il y en a plein. Un prof de sciences a le cancer et décide de fabriquer de la drogue pour payer ses soins. Le roi meurt et on n’arrive pas à se mettre d’accord sur la succession, ajoutez des dragons, c’est bien ça. Une bande de trentenaires à New York. Voire : « une histoire ? On s’en fout, il y a des zombies ».
Et j’ai encore perdu
Voilà. Vous savez à présent qu’on ne peut pas, contrairement à ce que vous pensez, faire un article du vendredi avec n’importe quoi. Il faut qu’il y ait quelque chose d’encore plus absurde à ajouter que « Mattel va adapter le Scrabble en série télévisée », et, dans ce cas précis, on est face à une impasse.
D’autant qu’il faut conclure en raccrochant le sujet à la vape. Vous feriez comment, vous, pour passer de « Scrabble, the TV show » à la vape ? Ben voilà, on a beau se casser la tête, ce n’est pas possible. Un auteur prévoyant, bien entendu, a toujours un joker, un gimmick, une astuce récurrente à sortir de sa manche pour un effet « whaou ». Comme Luke Skywalker qui apparaît à la fin de la saison 1 du Mandalorian.
Mais hélas, je ne suis pas un auteur prévoyant, et rien de tel ici. C’est donc le cœur lourd que je met fin au présent article du vendredi.
« Voilà. Bon, vous êtes contente, Maîtresse Sévère ? Je l’ai fait, votre article sur le Scrabble. Dites, vous vapez quoi ? Ça sent drôlement bon ».