Une enquête sur l’efficacité de la e-cigarette et les vapofumeurs ressort à la une de la presse ces derniers jours. Même si ses conclusions et son analyse peuvent paraître objectifs, sa méthodologie et la date de sa réalisation sèment de nombreux doute quand à la réalité du panorama qu’elle propose. Et les interprétations qui en sont faites incitent à la contester. 

 

Ressorti dans la presse

L’étude est ressortie et défendue dans la presse ces dernières heures, suite à sa publication dans le Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire de Santé Publique France daté du 7 novembre 2017. Ressorti ? Oui, parce que l’étude elle-même a été réalisée sur une période de six mois entre 2014 et 2015.

« Le vapotage permet de réduire sa consommation de cigarettes, mais pas d’arrêter de fumer ».

Les conclusions sont elles-mêmes contenues dans le titre que consacre 20 Minutes à cette étude : « Le vapotage permet de réduire sa consommation de cigarettes, mais pas d’arrêter de fumer ».

L’étude a choisi un panel de vapo-fumeurs, personnes utilisant le vapotage et la cigarette en même temps, et des fumeurs exclusifs. La méthodologie, sélectionner un panel de chaque, et questionner les sujets observés à six mois d’intervalle pour évaluer les résultats sur trois points, diminution significative de la consommation de cigarette, tentative d’arrêt du tabac et arrêt effectif. L’étude a été réalisée sur internet.

L’arrêt définitif du tabac, de 12,5 % chez les vapo-fumeurs et 9,5 % chez les fumeurs exclusifs ne constitue pas un écart significatif.

Les conclusions semblent optimiste : les vapo-fumeurs diminuent de façon plus importante que les fumeurs exclusifs leur consommation de tabac, montrent plus de volonté dans leur souhait d’arrêter définitivement, mais, souligne l’étude, l’arrêt définitif du tabac, de 12,5 % chez les vapo-fumeurs et 9,5 % chez les fumeurs exclusifs ne constitue pas un écart significatif.

L’étude conclut en soulignant que la vape est un immense espoir de santé publique pour la diminution de la consommation de tabac, mais l’efficacité de l’e-cig pour l’arrêt total du tabac « reste en débat ».

Une méthodologie en cause

La méthodologie laisse néanmoins, comme souvent sur la vape, dubitatif. En effet, celle-ci est critiquable sur deux points.

L’étude ne porte alors plus, en pratique, sur la modification d’une habitude, mais sur son évolution.

Le premier, c’est d’avoir sélectionné d’emblée un échantillon de fumeurs et un échantillon de vapo-fumeurs, c’est à dire de personnes déjà ancrées dans une habitude. L’étude ne porte alors plus, en pratique, sur la modification d’une habitude, mais sur son évolution : un fumeur qui cesse ou devient vapo-fumeur modifie sa façon de consommer de la nicotine en introduisant un nouvel élément, un vapo-fumeur qui passe de dix à cinq cigarettes par jour évolue positivement, mais reste sur son mode de consommation habituel.

Le second reste sur la date de l’étude, entre septembre 2014 et mars 2015. L’évolution qualitative du matériel de vape est importante, le choix en terme de matériel et donc d’adaptativité aux besoins de chacun s’est accru, et il apparaît donc quelque peu erroné de présenter des résultats datant d’il y a deux ans comme toujours actuels aujourd’hui. Même si ils ne sont sans doute pas totalement contestable, l’évolution technique rapide de la vape, du matériel, de sa disponibilité, du conseil, rend une partie de cette étude obsolète.

Positif ou négatif ?

On pourrait voir du positif dans cette étude, notamment sa conclusion qui souligne que la vape est un immense espoir en terme de santé publique, ou bien, rien que le fait que l’étude souligne que la e-cigarette est encore un domaine à étudier. Après tout, la porte reste ouverte, et c’est le plus important.

Mais les lectures qu’on en fait infirment cette bienveillance. Si 20 Minutes reste relativement objectif, invitant le Professeur Dautzenberg à la contrebalancer, ce que l’éminent pneumologue n’hésite pas à faire en détruisant consciencieusement la méthodologie, Sud Ouest s’embarrasse de moins de scrupules et va jusqu’à affirmer que la vape empêche d’arrêter de fumer. Ce que l’étude n’affirme à aucun moment.

Cette étude, selon comment elle est lue, est donc une arme contre la vape, à l’insu de ses réalisateurs, et doit donc être présentée pour ce qu’elle est : un mélange d’approximations et d’obsolescence.

Le plus drôle, c’est le télescopage de dates, puisque c’est précisément aujourd’hui que 20 Minutes publie également un article intitulé : “Nos internautes témoignent : vapoter m’a permis d’arrêter de fumer“. Un hasard qui n’a peu-être rien d’hasardeux, parce que le journal a lancé l’appel à témoignage alors qu’il avait vraisemblablement l’étude déjà en main. 20 Minutes aurai-t-il voulu vérifier par lui-même ? La rédaction aurait-t-elle fait du vrai boulot de journalisme ? Voilà une accusation grave, pour laquelle, pourtant, on ne croit pas qu’ils nous en voudront.

Annonce