Si je tenais l’imbécile qui a dit “la vape, c’est vraiment magique”, je lui tordrait le cou. Parce que mine de rien, avec cette phrase innocente, il semble avoir donné des idées à beaucoup de monde. Et Abracadabra, que je te fais disparaître des fumeurs, et Abracadabra, que je te fais apparaître des patchs miraculeux.
Avada kedavra, c’était mieux avant
Et si, m’objecterez-vous, il y a un groupe vape intégré dans le dispositif. Certes. Mais il est à part et bien caché. Tellement bien caché que les plus fins limiers de la planète, la crème de la crème, l’élite de l’élite, je veux bien entendu parler des journalistes d’investigation (traduisez stagiaire pigiste) spécialisés dans la recherche, par exemple, des marronniers, ces grands reporters, donc, n’arrivent pas à le trouver.
Enfin, si, la vape existe, mais elle flotte invisible dans un univers éthéré dont tout le monde semble avoir la prescience sans pour autant pouvoir ne serait-ce que l’observer, comme l’âme d’un disparu près de ses proches éplorés. La vape, c’est comme les fantômes : on ne doit pas en parler si on veut avoir l’air sérieux. La seule différence, c’est que la vape existe, elle.
Ainsi a-t-on pu voir de nombreux articles de presse fleurir sur le Mois Sans Tabac sans un seul mot sur la vape. C’est vrai que le sujet est intéressant, pour la presse : plus la peine d’aller parler des cimetières, la Toussaint est passée, mais encore un peu tôt pour commencer à parler de Noël, heureusement, il se passe un truc entre les deux.
Tenez, pas plus tard que le vendredi 9 novembre, dans l’édition Landerneau du Télégramme de Brest, qui est imprimé à Morlaix, il y avait un article assez sympathique sur l’arrêt du tabac et qui interrogeait une équipe de soignants.
Ca va faire du bruit dans Landerneau
Pour le résumer brièvement, tout y est passé, sauf la vape. Pas un mot ne serait-ce que sur son existence. Par contre, le kit d’incitation à l’arrêt et le remboursement des patchs y sont présentés comme la panacée.
Bon sang de bois, mais c’est bien sûr ! Les patchs, contrairement à ce qu’on croit, sont extrêmement efficaces, le seul souci, c’est qu’ils coûtent de l’argent, ils ne peuvent pas lutter contre tous ces paquets de cigarettes distribués gratuitement. Attendez, il y a peut-être un truc que j’ai mal compris.
Bon, je tape sur le Télégramme de Landerneau, qui est en fait une édition du Télégramme de Brest, mais qui est imprimé à Morlaix, mais je les aime bien au fond. Et puis, bon, c’est un journal Breton, et la Bretagne, c’est la terre des légendes, de l’Ankou qui parcours les chemins creux pour collecter les âmes de mourants dans sa carriole. Alors quoi d’extraordinaire dans une équipe de magiciens qui fait disparaître la vape ? Rien. Et qui fait apparaître un million de fumeurs qui ont arrêté ? Rien non plus.
Parce que oui, c’est bien précisé dans l’article : un million de fumeurs ont arrêté le tabac, et c’est encourageant. Grâce aux patchs, sans doute, ce truc qui existe depuis vingt cinq ans, mais qui est efficace seulement depuis l’année dernière. Ah, oui, je suis bête : il n’était pas remboursé.
Mais un tel résultat, sorti de nulle part sans preuve, ce n’est plus de la science, c’est… C’est de la magie ! Bon sang, mais c’est bien sûr !
Mais si la vape n’était au fond que le truc de ces nouveaux prestidigitateurs ?
Abracadabra !
Et bien, les acteurs de la santé publique, c’est pareil. Ils font apparaître des non fumeurs en expliquant que c’est grâce à leur grande intelligence, alors qu’il y a un truc. Vous êtes seuls responsables des conclusions que vous pourrez en tirer sur l’existence ou non de leur intelligence. Le truc, c’est la vape, sauf que là, le public n’est pas au courant, et il ne faut surtout pas qu’il la voie, parce que sinon, l’effet est gâché.
Abracadabra, quoi.
C’est toute la différence entre le spectacle et la manipulation. Un bon magicien, c’est quelqu’un qui doit faire croire que tout est vrai à un public qui sait que tout est faux. S’il réussit, le public est berné, et applaudit parce qu’il s’est bien fait avoir. Un gourou, c’est quelqu’un qui fait croire que tout est vrai à un public qui ne sait pas que tout est faux, et qui utilise ce subterfuge pour prendre de l’ascendant, comme un vieux sorcier qui se fait entretenir par une tribu primitive.
Je sais pas vous, mais je trouve que les magiciens, c’était mieux avant. Il me manque, Garcimore.