Hier j’expliquais qu’une nouvelle étude venait d’être publiée sur le site Tobacco Control. Le chercheur d’origine polonaise, Maciej L Goniewicz, aurait trouvé des taux de substances toxiques relativement élevés dans la vapeur de 12 marques de cigarettes électroniques. Même si comparativement bien inférieurs à ceux trouvés dans la fumée de cigarette, ces taux représentent pour moi des informations à la fois positives et préoccupantes. J’ai le sentiment que tous les vapoteurs veulent savoir où se situe exactement le niveau de réduction des risques lorsque l’on passe de la cigarette à la cigarette électronique.
A propos de l’interprétation des études
J’ai discuté un peu avec le docteur Konstantinos Farsalinos ce week-end (par email). Je lui posais la question suivante : Pourquoi l’équipe du projet Clearstream n’a-t-elle jamais détecté des taux d’acroléine dans la vapeur d’une ecig alors que Goniewicz en trouve presque à chaque fois ?
Farsalinos m’a sensibilisé sur l’importance des protocoles expérimentaux et sur la bonne compréhension des substances mentionnées.
Premièrement, le “dry hit” est un élément à prendre en considération. Lorsque l’on branche une ecig sur une machine censée simuler l’aspiration du vapoteur, il faut s’assurer que la mèche soit bien imbibée, ce que font d’ailleurs naturellement tous les vapoteurs. Le dry hit c’est cette sensation de brûlé, ou familièrement ce que l’on appelle le “goût de cramé”. Si la mèche est mal imbibée, elle chauffe beaucoup plus sous l’action de la résistance (le temps d’attente entre chaque bouffée joue également un rôle très important). Les températures alors atteintes peuvent largement dépasser les niveaux d’une utilisation normale (le e-liquide refroidissant la mèche). Une utilisation répétée d’un Stardust par exemple provoquera à coup sûr un dry hit, si l’ecig n’est pas manipulée pour refaire circuler le e-liquide autour de la mèche. C’est justement le problème de l’acroléine qui peut apparaitre si l’on chauffe trop la glycérine végétale.
Ce premier élément de réflexion qui soulève en même temps la problématique des MODs (intensité variable, basse résistance …) et de la composition des e-liquides (VG/PG), permet de développer éventuellement un sens critique sur les résultats de certaines études. Ce que voulait souligner Farsalinos dans nos échanges c’était la culture du chercheur : comprendre comment le vapoteur utilise son ecig pour reproduire fidèlement les mêmes conditions en laboratoire.
Deuxièmement, la compréhension des substances mentionnées. Comme le cas du formaldéhyde naturellement présent dans l’air que nous expirons, l’acroléine peut être également présente dans le corps humain, selon notamment le mode de consommation alimentaire (aliments frits par exemple) [1].
Comme je le disais hier, Goniewicz aurait trouvé, dans une autre étude qui sera présentée au meeting du SNRT cette semaine [2], des traces d’acroléine dans l’urine de vapoteurs. Farsalinos m’invitait donc à prendre également en considération ce type d’information avant de m’alarmer : qu’ont mangé les vapoteurs et les fumeurs de son étude ?
Bref, tout ça pour vous donner à vous aussi des éléments de réflexion, car les études qui commencent à devenir assez nombreuses maintenant, ne disent pas toutes la même chose. Je vais essayer de revenir très bientôt sur cette question de l’acroléine, mais en attendant voici la réaction de Siegel [3] suite à la publication de l’étude de Goniewicz du 6 mars 2013. Parenthèses fermées, ouvrez les guillemets :
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Article de Siegel. Traduit de l’anglais.
Une nouvelle étude sur la vapeur des cigarettes électroniques confirme que les e-cigarettes sont beaucoup plus sûres que les cigarettes traditionnelles
Une nouvelle étude sur les composants chimiques contenus dans la vapeur produite par 12 marques de cigarettes électroniques différentes montre que ce produit réduit considérablement l’exposition aux substances dangereuses contenues dans le tabac et que les e-cigarettes s’avèrent donc prometteuses en tant que stratégie de réduction des risques pour la lutte contre le tabac.
(Voir : Goniewicz ML, et al. Levels of selected carcinogens and toxicants in vapour from electronic cigarettes. Tobacco Control. Publié en ligne avant impression le 6 mars 2013. doi: 10.1136/tobaccocontrol-2012-050859.)
Dans cette étude, les niveaux des composés carbonylés, des composés organiques volatiles des nitrosamines spécifiques du tabac et des métaux furent analysés dans la vapeur de 12 marques de cigarettes électroniques différentes et comparés aux niveaux contenus dans un inhalateur de nicotine et dans les cigarettes traditionnelles
Les résultats de l’étude furent les suivants : « Les niveaux de substances toxiques détectés dans la fumée d’une cigarette traditionnelle étaient de 9 à 450 fois plus élevés que dans la vapeur d’une e-cigarette… Fumer une e-cigarette (ou « vapoter ») peut entraîner une exposition au formaldéhyde cancérigène comparable au niveau détecté dans une cigarette traditionnelle. Le formaldéhyde a également été détecté dans la vapeur d’inhalateurs médicaux, à des niveaux plus élevés que dans la vapeur d’e-cigarettes. L’exposition à l’acroléine, un oxydant et un irritant respiratoire considéré comme une cause majeure de maladies cardiovasculaires dues au tabac, est en moyenne 15 fois moins élevé dans la vapeur d’une e-cigarette que dans la fumée de tabac. La quantité de métaux toxiques et d’aldéhyde détectés dans les e-cigarettes est infime et est comparable à la quantité détectée dans un produit thérapeutique testé. »
L’étude se conclut comme suit : « Nos résultats cadrent avec l’idée selon laquelle remplacer les cigarettes traditionnelles par des cigarettes électroniques pourrait réduire substantiellement l’exposition à ces substances toxiques propres au tabac. La cigarette électronique, en tant que stratégie de réduction des risques chez les fumeurs ne souhaitant pas arrêter de fumer, justifie une étude approfondie. »
En ce qui concerne l’innocuité des cigarettes électroniques par rapport aux cigarettes traditionnelles, l’étude souligne : « Les résultats de cette étude appuient la proposition selon laquelle la vapeur de cigarettes électroniques est moins nocive que la fumée de tabac. Ainsi, d’aucuns s’attendraient à une réduction de l’exposition à des substances toxiques et aux effets nocifs sur la santé chez les personnes qui passent des cigarettes traditionnelles aux e-cigarettes. »
Le reste de l’histoire
À mon avis, cette étude confirme avec force que les cigarettes électroniques sont bien plus sûres que les cigarettes traditionnelles. À ce stade, toutes les preuves scientifiques déjà rassemblées suffisent pour conclure que passer des cigarettes traditionnelles aux e-cigarettes réduirait considérablement les risques pour la santé associés au tabac. La FDA devrait accorder cela aux fabricants de cigarettes électroniques étant donné que les études scientifiques sur les composants de la vapeur de cigarettes électroniques le justifient suffisamment.
Il est également important de souligner que bien que peu de fabricants de cigarettes électroniques affirment que le vapotage réduise les risques associés au tabac, ils ne tiendraient aucune affirmation frauduleuse, trompeuse ou non-fondée s’ils utilisaient de telles affirmations dans leur campagne de marketing.
De la même manière, tout dissident ou groupe antitabac qui continue d’affirmer qu’il n’existe aucune preuve selon laquelle l’utilisation de cigarettes électroniques est plus sûre que le tabac n’est soit pas au courant, soit fait fi des preuves existantes et ainsi, tient lui-même des propos frauduleux.
Notez également que cette étude est une étude indépendante qui n’a pas été financée par les fabricants de cigarettes électroniques. Les deux sources de financement sont le Ministère des Sciences et de l’enseignement supérieur polonais ainsi que l’Institut national pour la santé, ce qui accroît l’objectivité et la crédibilité des recherches accomplies.
Bien que cette étude démontre que les e-cigarettes soient plus sûres que les cigarettes traditionnelles, elle réfute également l’idée que les e-cigarettes sont totalement sûres. Il semblerait que le risque principal associé au vapotage soit l’inhalation éventuelle de formaldéhyde. Le formaldéhyde pourrait résulter du réchauffement de propylène glycol ou de l’oxydation ou de l’hydrolyse du glycérol. De façon intéressante, les niveaux de formaldéhyde dans les 12 marques de cigarettes électroniques différentes variaient entre 3,2 microgrammes par 150 bouffées (plus ou moins égal à un inhalateur de nicotine) et 56,1 microgrammes par 150 bouffées. Ceci offre une chance d’examiner les raisons de cet écart important et, espérons-le, de trouver un moyen de fabriquer un e-liquide qui ne produit pas de niveaux élevés de formaldéhyde, ce qui devrait être une recherche prioritaire pour la FDA.
Autre préoccupation de santé liée à l’utilisation d’e-cigarettes, le risque associé à l’inhalation à long terme de glycol. Si un excipient peut être trouvé qui permet la vaporisation de la nicotine sans propylène glycol et qui limite la formation de composés carbonylés, comme le formaldéhyde, ce serait un pas énorme en avant qui pourrait conduire au développement d’une cigarette électronique qui n’est pas simplement plus sûre qu’une cigarette traditionnelle mais qui est également essentiellement sûre (comparable à un produit nicotinique médical). Le développement d’un tel produit devrait également être une priorité pour le Centre pour les produits du tabac de la FDA.
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Fin de l’article de Siegel
Références
[1] Acrolein : Sources, metabolism, and biomolecular interactions relevant to human health and disease – Jan F. Stevens and Claudia S. Maier : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/pmc2423340/
[2] 2013 SRNT Annual Meeting Abstract Book : http://www.srnt.org/conferences/SRNT_2013_Abstracts_H.pdf
[3] New Study of Electronic Cigarette Vapor Confirms that E-Cigs are Much Safer than Regular Cigarettes, M. Siegel – The Rest of the Story: Tobacco News Analysis and Commentary (MONDAY, MARCH 11, 2013) : http://tobaccoanalysis.blogspot.ca/2013/03/new-study-of-electronic-cigarette-vapor.html