Dans les pays proposant des alternatives moins nocives au tabagisme, le nombre de fumeurs ne ferait que diminuer.

Lorsque des alternatives existent, les fumeurs les acceptent 

Les fumeurs semblent volontiers abandonner leurs cigarettes lorsqu’on leur propose mieux.

Le 2 décembre dernier, le docteur suédois Karl Fagerström, à qui l’on doit le célèbre test éponyme de dépendance à la nicotine, a réalisé une étude (1) s’intéressant à l’évolution du taux de prévalence tabagique dans plusieurs pays du monde. D’un côté, le chercheur a réuni des pays où l’adoption de produits alternatifs à la nicotine est élevée, et de l’autre, ceux où ces produits sont très peu utilisés et mis en avant par leurs gouvernements respectifs. 

Pour le premier groupe, les pays choisis étaient le Royaume-Uni, la Suède, la Norvège, la Nouvelle-Zélande et le Japon. Tous font largement la promotion de substituts nicotiniques telles que la cigarette électronique, le tabac chauffé ou encore le snus.

Le second groupe était composé d’une moyenne des 27 pays composant l’Union européenne, et de l’Australie. 

Toutes les données recueillies provenaient de grandes enquêtes nationales, les mêmes qui sont utilisées pour communiquer le taux de prévalence tabagique d’un pays à l’OMS. 

Encourager l’utilisation d’une cigarette électronique fait diminuer le nombre de fumeurs

Le Royaume-Uni face à l’Europe

Taux actuels de prévalence du tabagisme dans l’UE27 (personnes âgées ≥ 15 ans qui fument actuellement des cigarettes, des cigares, des cigarillos ou une pipe) et au Royaume-Uni (personnes âgées ≥ 18 ans fumant des cigarettes).

Malgré un taux de prévalence tabagique plus faible dès les premiers relevés, le Royaume-Uni a vu son nombre de fumeurs diminuer plus fortement (- 4%) que les pays de l’Union européenne (- 2%).

Alors que dans le pays du Roi Charles III, 6,4 % de la population vapoteraient, ce chiffre tomberait à seulement 2 % dans l’Europe des 27. 

La Nouvelle-Zélande face à l’Australie

Tabagisme quotidien en Nouvelle-Zélande et en Australie (personnes âgées de ≥ 15 ans). Remarque : Les données pour l’Australie pour les années 2011-2012, 2014-2015, 2017-18 et 2020-2021 proviennent de l’Enquête sur la santé en Australie, les années 2013, 2016 et 2019 proviennent de l’Enquête nationale sur la stratégie antidrogue auprès des ménages. Cette dernière enquête est utilisée pour signaler la prévalence du tabagisme à l’OMS.

Concernant ces 2 pays, le constat est similaire. Alors que le taux de prévalence tabagique aurait diminué de 7 % en Nouvelle-Zélande, pays dont le gouvernement encourage sa population fumeuse à passer au vapotage, il n’aurait diminué que de 5,3 % en Australie, où les conditions d’accès à la cigarette électronique sont très compliquées.

La courbe de la Nouvelle-Zélande se montre également beaucoup plus linéaire que celle de l’Australie, dont le nombre de fumeurs semble pouvoir augmenter d’une année sur l’autre, lorsqu’il ne fait presque que diminuer en Nouvelle-Zélande. 

Là où le snus est autorisé, le nombre de fumeurs chute drastiquement

La Suède et la Norvège contre la Finlande et le Danemark

Prévalence quotidienne du tabagisme en Suède, en Norvège, au Danemark et en Finlande.

Alors qu’en Suède et en Norvège, l’utilisation du snus est très répandue, elle ne l’est pas au Danemark ni en Finlande puisque le produit y est interdit. 

Résultat, les deux premiers pays voient leur nombre de fumeurs diminuer drastiquement et s’établir largement sous la barre des 10 % (6 % et 8 %), contre 12 % pour la Finlande et 13 % pour le Danemark. 

Les dernières données disponibles (2021) indiquent que l’utilisation quotidienne de snus en Suède serait de 13 % en Suède, et de 15 % en Norvège. 

Le tabac chauffé comme remède au tabagisme traditionnel

Le Japon face à l’Australie

Prévalence du tabagisme chez les adultes (personnes âgées de ≥ 20 ans, enquête sur la santé et la nutrition) et prévalence du tabagisme en Australie (personnes âgées de ≥ 18 ans, National Drug Strategy Household Survey)

Depuis son introduction en 2015, le tabac chauffé fait de plus en plus d’adeptes au Japon. Résultat, il semble peu à peu remplacer le tabagisme dans la population. Comme le relève Karl Fagerström, il est intéressant de noter que le taux de prévalence tabagique dans le pays est même inférieur à celui de l’Australie, malgré une politique antitabac beaucoup plus stricte. 

La jeunesse abandonne le tabac lorsque d’autres produits sont proposés

« Les données examinées (…) indiquent que la substitution des produits du tabac brûlés par d’autres produits à base de nicotine peut contribuer à réduire les taux de tabagisme », indique le docteur dans ses conclusions. 

Il note également que dans les pays où l’utilisation de produits alternatifs à la cigarette est encouragée, les jeunes semblent se diriger vers ces produits au lieu de tabagisme. L’année dernière, seul 1 % des Norvégiens âgés de 16 à 24 ans fumait quotidiennement. Ils étaient 3 % en Suède pour les 16-29 ans, et 1,3 % en Nouvelle-Zélande pour les 14-15 ans.

Dans les 35 pays étudiés dans le cadre du projet d’enquête scolaire européenne sur l’alcool et les autres drogues (ESPAD) de 2019, ce taux était en moyenne de 10 %, soit entre 3 et 10 fois supérieur

« Il est compréhensible que nous nous sentions mal à l’aise avec les jeunes qui consomment de la nicotine ou du tabac, d’autant plus que la baisse du tabagisme dans tous ces pays s’est accompagnée d’une utilisation accrue du snus ou de la cigarette électronique, relève Karl Fagerström, mais, citant Deborah Hart, directrice d’Action on Smoking and Health New Zealand, il s’agit de la plus forte baisse des taux de tabagisme chez les jeunes en une décennie, et il est extrêmement encourageant de voir les jeunes mener les progrès vers un Aotearoa sans fumée ».

A propos de Karl Fagerström

Karl Fagerström

Né en Suède en 1946, Karl Fagerström a rapidement ouvert une clinique de sevrage tabagique après ses études. Il a inventé le test de dépendance tabagique portant son nom, mondialement reconnu et encore largement utilisé aujourd’hui.  En 1981, il obtient son doctorat grâce à une thèse sur la nicotine et devient rédacteur en chef de la revue médicale Scandinavian Journal for Behaviour Therapy.

Il travaille ensuite pendant près de 15 années pour Pharmacia & Upjohn en tant que directeur de l’information scientifique pour les produits de remplacement de la nicotine. Par la suite, il contribue au développement de substituts nicotiniques comme les patchs, les sprays ou encore les sachets et inhalateurs à la nicotine. 

Karl Fagerström est également membre fondateur de la Society for Research on Nicotine and Tobacco (SRNT) et rédacteur en chef adjoint de la revue Nicotine & Tobacco Research.


(1) Fagerström, K. Can alternative nicotine products put the final nail in the smoking coffin?. Harm Reduct J 19, 131 (2022). https://doi.org/10.1186/s12954-022-00722-5

Les dernières études sur la cigarette électronique

Annonce