La nicotine synthétique, prouesse de laboratoire, s’est muée en épine dans le pied de la FDA. Des fabricants l’ont intégrée dans leurs liquides, considérant qu’elle n’entrait pas dans le cadre de la PMTA. L’agence américaine cherche un recours.
La loi s’emmêle
L’affaire a commencé avec l’introduction d’une nouvelle gamme de produits de la marque de cigarettes électroniques jetables Puffbar, très connue aux USA. La campagne de communication qui a entouré son lancement a mis l’accent sur le fait que la nicotine utilisée dans ce produit était synthétique.
Ce qui a attiré l’attention de la FDA et de nombreuses associations anti-vape sur le fait que cette nicotine de synthèse était de plus en plus utilisée dans l’industrie de la vape. Et que ce produit spécifique est dans une zone grise de la réglementation sur les produits du tabac.
Plus spécifiquement, les fabricants qui utilisent cette nicotine synthétique, essentiellement en provenance d’Allemagne, soutiennent que la compétence de la FDA sur la régulation de la vape concerne la nicotine « naturelle », extraite d’une plante, et que, la nicotine synthétique n’étant nullement spécifiée, les produits qui l’utilisent n’ont pas besoin de déposer de PMTA.
L’affaire est effroyablement complexe, et fait intervenir des subtilités du droit américain et des réglementation internes au pays, mais , en résumé : le législateur, en voulant assurer que la FDA pourrait bien s’en prendre à la vape, a voulu donner des définitions très spécifiques afin d’éviter tout flou. Malheureusement pour lui, la nicotine synthétique, dont l’origine et la composition moléculaire diffèrent largement de cette définition précise, en est exclue.
La nicotine couramment employée dans la vape est issue de feuilles de tabac, et constituée chimiquement de deux stéréoisomères, la S-nicotine et la R-nicotine. La première, la S, constitue 99 % de la composition moyenne.
Le problème, pour le législateur, les S-nicotine naturelles et de synthèse sont impossibles à différencier avec la chromatographie, qui est le moyen utilisé habituellement. Seule une méthode, pas encore au point, à base d’isotopes de carbone, permet de faire un distinguo.
La nicotine de synthèse était étudiée dès les années 1960 par l’industrie du tabac, qui avait alors abandonné le projet, le produit final étant jugé, eu égard aux méthodes de l’époque, trop instable chimiquement.
Les juristes au travail
En dehors de Puffbar, qui revendique fabriquer sa propre nicotine de synthèse, deux sociétés de vape, Five Pawns et Tea Time E-Liquids, ont annoncé utiliser de la nicotine de synthèse et pouvoir, selon eux, se soustraire à l’obligation de PMTA. Les deux sociétés utilisent le produit du laboratoire Allemand Contraf-Nicotex-Tobacco.
Le problème de la nicotine synthétique est la présence de la R-nicotine, pour deux raisons : a première, elle est inactive, ce qui fait qu’un usager qui achèterait un liquide dont le taux est constitué à moitié de R-nicotine achèterait en réalité l’équivalent d’un dosage deux fois moindre.
La deuxième, c’est que les études n’ont pas jusqu’à présent permis de mesurer la dangerosité éventuelle des substances émises lors de sa dégradation à la chauffe. Jusqu’à présent, le taux de R-nicotine dans les produits « naturels » était trop faible pour être considéré comme signifiant.
C’était prévisible, la FDA n’a pas tardé à réagir, en lançant deux études juridiques. Une première est destinée à réétudier la nicotine de synthèse et de vérifier qu’elle n’entre effectivement pas dans le champ d’application de la réglementation sur les produits du tabac.
La seconde vise à soumettre au congrès des Etats-Unis une motion destinée à faire entrer la nicotine synthétique dans la liste des produits pharmaceutiques. Ce qui aurait pour double effet de permettre à l’agence de reprendre la main sur le sujet, et d’empêcher les fabricants de e-liquide d’accéder à ce produit, à moins qu’ils ne deviennent des entreprises pharmaceutiques.
Dans les deux cas, cela prendra un temps important, puisque la définition de la nicotine synthétique en tant que produit du tabac ou pharmaceutiques devra passer par la case législative au niveau fédéral. C’est donc un gain de temps pour les fabricants plus qu’une victoire. Mais il faut reconnaître à la manœuvre un certain panache : la vape américaine ne se laissera pas tuer sans réagir.