Quel est le rapport entre un bureau de tabac et un petit mammifère de la famille des féliformia ? La civette, qui est le nom générique d’une quinzaine d’espèces animales et également le nom donné aussi bien à un bureau de tabac qu’à la carotte. Et les buralistes feraient bien de se méfier des ressemblances.
Ah je ris de me voir civette en ce miroir
On se demande dès lors si les patrons de ces civettes auront encore le temps de vendre des cigarettes à leurs clients.
Oui, des patrons de civettes. Parce que ce mot n’est pas seulement un nom très répandu pour la raison sociale de ces commerces, mais c’est aussi un des noms que les bureaux de tabac portent et celui de la carotte qui orne leur frontispice. Cette appellation ne sort pas de sous le sabot d’un cheval, non, mais de l’anus d’un félin.
La minute naturaliste du docteur Chameau
La civette, souvent appelée genette en France (en réalité, comme civette, terme générique qui regroupe plusieurs espèces) est un petit animal du sous-ordre des féliformia, c’est-à-dire qui présentent des caractéristiques félines, de la famille des viverridés. Tous les membres de cette famille animale se distinguent par une odeur particulière, due à la civettone, une substance produite par les glandes anales de ces animaux.
La civettone est très distrayante pour qui aime la chimie amusante. En effet, à sa concentration naturelle, elle émet une forte odeur d’excréments. Mais diluée, elle se met soudainement à sentir le musc et la fleur. Ceci a d’abord été découvert et utilisé par les parfumeurs, dès le 15ème siècle. Avant que les apothicaires ne réalisent que la substance pouvait aussi servir à parfumer le tabac.
Ceci s’est fait en deux temps, et presque par accident, comme la tarte Tatin et les Bêtises de Cambrai, si l’on en croit diverses sources historiques. Les commerçants qui écoulaient le tabac utilisaient les panses de civette pour entreposer le tabac en petite quantité, tabac qui s’imprégnait de l’odeur résiduelle. L’idée fut alors émise d’utiliser de la civettone diluée pour parfumer le produit. Ce fut le premier additif de la toute jeune industrie du tabac.
Et c’est ainsi que les marchands de tabac furent nommés les civettes, de même que la carotte qui orne leur frontispice, même si elle ne représente pas du tout une civette, mais ceci est une autre histoire.
Le régime de la civette
Ce petit animal est carnassier. Il se nourrit de la chasse de petits animaux. Mais, à l’occasion, il peut ajouter des fruits et des végétaux à son alimentation. S’il a des prédilections, son alimentation est opportuniste lorsque sa survie est en jeu.
C’est un point qu’elle ne semble pas partager avec les buralistes. Une partie de ces derniers semblent dubitatifs, voire hostiles, à la trop grande diversification qui leur est proposée. A juste titre : en plus d’être parfois marchands de journaux ou bar, si les bonbons, les jeux et une forme de bimbeloterie ont toujours fait partie de leur quotidien, la porte de sortie qui leur est proposée, via l’épicerie, est plus éloigné de leur métier que d’autres activités, comme… La vape, par exemple.
Mais il y a un point qu’ils ne veulent surtout pas partager avec leur totem, sans peut-être le savoir : la civette est une espèce protégée et régulièrement braconnée. Est-ce vraiment une bonne idée de faire des buralistes des collecteurs d’impôts en espèces, par les temps qui courent où il ne s’écoule pas une journée sans qu’un tabac se fasse braquer ? Parce que si nous aimons bien taquiner les buralistes, nous n’oublions pas non plus que nombre d’entre eux vont au travail la peur au ventre.
On nous signale que les vape shops n’ont pas d’animal totem. C’est peut-être cela qui manque au secteur, finalement.