Philippe Coy est le président, depuis octobre dernier, de la Confédération des Buralistes, organe représentatif de cette profession. Aussitôt élu, il s’est attelé au plan « Buralistes 2021 » pour donner de nouvelles perspectives et engager la transformation de cette profession. Bureaux de tabac, vape, futur, il nous dit tout.

Le buraliste le plus influent de France

Philippe Coy a été élu en octobre dernier président de la Confédération des Buralistes, pour un mandat de trois ans. Dès le début, il s’est retrouvé « dans le dur », avec l’arrivée du paquet à dix euros et la baisse inéluctable des ventes de tabac. Pour cela, il a lancé le plan « Buralistes 2021 ».

« Je suis un entrepreneur responsable » souligne Philippe Coy « et le plan buralistes 2021, c’est cela : une façon responsable et lucide pour faire évoluer la profession de buraliste face aux réalités du marché. »

Dans son plan, plusieurs axes de développement, la vape, bien sûr, mais aussi des accords avec la Française des Jeux, une négociation en cours avec le PMU, et des bureaux de tabac offrant une multitude de produits et services utiles au quotidien, localement, à l’image d’initiatives comme le Compte Nickel.

Mais les buralistes ne risquent ils pas d’ouvrir ainsi de nouveaux fronts concurrentiels, avec les épiceries et supérettes de quartier par exemple ? « Si vous parlez de la GMS, je vous parle de la vraie proximité. Nous ne devons craindre quiconque, mais agir en bonne complémentarité en nous positionnant comme le drugstore du quotidien » affirme Philippe Coy, avant de préciser son idée.

« C’est un plan global » souligne Philippe Coy, « mais qui n’a pas pour but de transformer tous les bureaux de tabac à cette image. Il faut tenir compte des spécificités de chacun. Est-ce que c’est un bureau ‘’sec’’ ou ‘’humide’’, comme nous disons, pour différencier les tabac pur des tabacs qui sont aussi cafés-hôtels-restaurants, est-il situé en zone urbaine ou rurale, en campagne ou dans une petite ville ? On ne propose pas la même chose dans un tabac au centre de Paris que dans un village des Pyrénées, l’idée, c’est de pouvoir accompagner chacun avec des perspectives de diversifications adaptées à ses possibilités et ses besoins… Mais surtout aux attentes et usages des populations. ».

S’adapter au réel, c’est le maître mot de Philippe Coy « Vous savez, si, il y a 70 ans, mon grand-père avait été buraliste, 98 % de ses rayons auraient été remplis de tabac brun. Aujourd’hui, les brunes, c’est en bas à gauche pour une poignée de clients. Le marché a changé, nous nous sommes adaptés, comme aujourd’hui. »

Et quelle est la réaction des acteurs sur le terrain, que Philippe Coy parcours inlassablement ? « Elles sont très positives. Vous savez, il y a quelques années, quand je tenais dans les réunions de buralistes ce discours sur la nécessaire diversification, et sur la vape, j’étais raillé. Aujourd’hui, la majorité des collègues que je rencontre en est convaincue. »

Dans ce plan, la vape se taille une part importante.

La vape chez les buralistes, aujourd’hui et demain.

Tuons tout de suite le suspense : Philippe Coy veut-il le monopole de la vape ? « Non ». La réponse est brève, claire, précise.

« La vape est un marché en pleine croissance, et les buralistes doivent y avoir leur place. Mais nous ne souhaitons pas nous l’accaparer. Pour être clair : le monopole ne nous intéresse pas. Nous préférons préserver la dynamique du marché et nos marges, comme tout entrepreneur. On a d’ailleurs vu l’impact de certaines restrictions ailleurs dans le monde. Évidemment, je n’ai pas le chiffre précis, mais la quasi-totalité des vapoteurs étaient des fumeurs, donc nos clients, et nous voulons les garder, c’est normal pour le commerce. Mais le marché existe, et nous le respectons. »

Et les boutiques de vape « Là aussi, nous les respectons. Le marché de la vape a connu une forte croissance, puis une baisse brutale il y a deux ans quand beaucoup de boutiques ont coulé, avant de repartir à la hausse. Il y a de la place pour tout le monde, les buralistes et les boutiques de vape. Je suis persuadé que nous sommes complémentaires. »

Il prend un exemple : « Quand je veux un ordinateur, je n’y connais rien et la moindre explication technique me donne mal à la tête, et bien, je vais l’acheter dans une grande surface. Si je m’y intéresse de manière plus passionnée, je vais chez un spécialiste, je lui achète une carte mère, une tour, etc. C’est pareil. Les buralistes sont des commerçants multi-produits, la vape n’est pas le seul point de notre projet buralistes 2021, il y a plein d’autres pôles de croissance. Les boutiques de vape sont des spécialistes pour des passionnés qui veulent des produits plus spécifiques. »

Réponse aux objections des vapoteurs

Philippe Coy ne se dérobe pas devant les questions « poil à gratter », au contraire : il répond franchement, sans jamais se départir de son calme.

Ainsi, lorsqu’on lui demande ce qu’il répond aux vapoteurs qui pensent que vendre le poison et le remède, le tabac et la vape, au même endroit, c’est contre-productif « Ceux qui pensent cela, je les laisse à leurs schémas de pensées caricaturaux. Il ne faut pas qu’ils oublient que les vapoteurs, leurs clients, c’étaient avant des fumeurs, nos clients. Sans nous, il n’y aurait pas de vape. Un point partout, balle au centre, et si on jouait collectif plutôt que de s’invectiver ? »

De même, les buralistes ont rejeté la vape il y a quelques années, avant de s’en emparer aujourd’hui, après que les geeks aient fait le travail. Ce n’est pas un peu injuste ? « Mais c’est un commerce, et le monde du commerce, ce n’est pas les bisounours. Et puis, je m’inscris en faux sur un point : tous les buralistes n’ont pas rejeté la vape. Une minorité l’a acceptée, minorité dont j’ai fait partie, l’a proposée à ses clients, l’a défendue, et a pris sa part dans ce qu’est la vape aujourd’hui. »

Quand à la question sur le temps passé en boutique de vape avec le débutant et chez le buraliste « C’est compliqué, au début, mais on s’organise. Dans les bureaux de tabac ou il y a plusieurs collaborateurs, il y en a un qui peut prendre du temps. Chez moi, quand je suis seul, avant que mes collaborateurs n’arrivent, je laisse le client tester sur un banc d’essai et je viens répondre régulièrement à ses questions. Bon, je vous concède que, quand vous faites des jeux et qu’on est vendredi 13, c’est compliqué. Mais nous sommes des professionnels, nous nous en sortons. Un client ne ressort pas de chez nous mal informé ou avec du mauvais matériel. ».

Philippe Coy souligne « vous savez, il y a quelques années, il y avait des boutiques de vape qui poussaient comme des champignons. Et on a beaucoup invectivé notre réseau mais certaines boutiques ou sites Internet ont, aux aussi, proposé du matériel au rabais et des conseils approximatifs. Le marché a explosé et cette phase d’hyper-croissance a donné lieu à un peu tout et n’importe quoi, sans aucun cadre. Cela aussi, ça a fait du tort à la vape. Fort heureusement, aujourd’hui, il reste principalement des boutiques sérieuses. C’est aussi valable pour les buralistes qui travaillent aujourd’hui dans une logique encore plus qualitative. »

Vapoteurs et buralistes, travaillons ensemble ?

Les vapoteurs ont du mal à se faire entendre de la Ministre de la santé, alors que vous avez été reçu. Y a-t-il une forme de privilège ? « Ce n’est pas une question de privilège, c’est normal que nous soyons reçus par des ministres, et je n’ai pas de problèmes avec ça. La Ministre de la santé est une de nos ministres de tutelle, avec le Ministère du Budget, il existe un contrat entre les buralistes et l’Etat, notamment autour de la fiscalité. »

A propos de la participation des buralistes au mois sans tabac, Philippe Coy trouve cela tout naturel « Nous sommes acteurs de santé publique, à notre niveau. Les buralistes ne sont ni cyniques, ni naïfs, nous sommes conscients que le tabac est mauvais pour la santé, et nous agissons en notre responsabilité, qui est de proposer à nos clients des informations et des alternatives. »

Sur ce qui se dit dans les ministères « ce sont des discussions sur l’avenir de la profession, notre place en tant qu’acteurs de la fiscalité, mais aussi de la santé publique. Et nous y défendons la vape, nous travaillons à sensibiliser le gouvernement sur ce sujet. Dans ces ministères, d’ailleurs, on nous a sondé sur le monopole, et nous avons fait savoir que ce n’était pas notre demande. Par contre, nous pensons nécessaire de sortir la vape de certains carcans réglementaires puisque c’est une alternative efficace au tabac, qui a fait ses preuves. »

Vous défendez la vape, mais est-ce à dire que, par exemple, la Confédération des Buralistes et les associations de professionnels de la vape pourraient aller voir ensemble la Ministre ? « Faisons les choses dans l’ordre, commençons par parler ensemble. Il y a beaucoup de défiance, alors que la vape est un marché en pleine expansion, où il y a de la place pour tout le monde. Lorsqu’il sera clair pour tout le monde que nous avons des intérêts communs, alors oui, nous pourrons ensemble aller voir les ministères et l’Europe ! ».

Il souligne d’ailleurs « je suis venu au Vapexpo, à Lille, non pas comme un espion, comme se l’imagineront certains, mais à visage découvert, pour rencontrer la filière. J’y ai d’ailleurs constaté le dynamisme du marché de la vape ». Et a-t-il rencontré des responsables de la filière « oui, j’en ai rencontré, nous avons discuté, en toute franchise. En toute discrétion, parfois, certains semblant mal à l’aise à l’idée d’être vus avec des représentants des buralistes. Il faudra du temps, mais s’il y a volonté, il y aura un chemin. »

Ma dernière question finalement, si j’écris dans cet article que Philippe Coy tend la main au monde de la vape pour dialoguer, ce sera exact « Oui, ce sera tout à fait vrai. Nous avons des sujets à partager, à la condition que cela se fasse dans un respect mutuel, ce dont je ne doute pas, car je pense que nous avons des objectifs communs. Car n’oublions pas qu’avant tout, ce sont à nos clients que nous tendons la main avec la vape. »

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