Créé en 2018, le Syndicat professionnel du chanvre rassemble une soixantaine d’acteurs : producteurs, transformateurs, distributeurs et professionnels associés des secteurs du chanvre bien-être et du cannabis thérapeutique. Son président Aurélien Delecroix précise sa vision du marché et ses attentes au niveau politique pour le développer.

De nombreuses boutiques sont en train de se créer sur le territoire. Comment percevez-vous l’emballement actuel pour le CBD en France ? Quels sont vos espoirs et vos craintes ?

Effectivement, on dénombre aujourd’hui environ 400 [600, ndlr] boutiques spécialisées en France et c’est sans compter la part importante du commerce en ligne. Plus qu’un emballement, nous assistons à la structuration d’une véritable filière économique et c’est une réelle opportunité pour la France. Cela traduit à la fois le potentiel du marché et une réelle attente des consommateurs. Cela rend indispensable l’élaboration d’un cadre juridique clair et lisible pour encadrer la filière et donner de la visibilité à ses acteurs. Nous avons bon espoir que ces changements interviennent rapidement.

Notre filière se rapproche plus des plantes à parfum, aromatiques et médicinales.

Pensez-vous que le CBD puisse représenter un cheval de Troie juridique vers une légalisation du cannabis récréatif en France ?

La légalisation du cannabis récréatif n’est pas notre sujet. Comparer le CBD et le cannabis récréatif n’a aucun sens. Ceux qui font cette confusion sont mal informés. Pensez-vous que la vente de bière sans alcool soit responsable de l’alcoolisme ? Le CBD n’est pas un produit stupéfiant et cela a été rappelé à l’automne dernier par la Cour de Justice de l’Union européenne. Dès lors, nous ne comprenons pas l’obstination des autorités à refuser de reconnaître cette distinction claire et démontrée par la science.

La France est un gros producteur de chanvre. L’engouement actuel pour le CBD est-il en train de transformer la filière ?

Effectivement, la France est traditionnellement un pays de production chanvrière, et ce depuis des siècles. Néanmoins, il faut distinguer les choses. D’un côté, la filière du chanvre industriel qui valorise la fibre et la graine de la plante, essentiellement pour un usage à destination du BTP. De l’autre, les producteurs de chanvre CBD qui valorisent les principes actifs de la plante, issus de la fleur. En la matière, notre filière se rapproche plus des plantes à parfum, aromatiques et médicinales. L’engouement autour du CBD est une opportunité pour nos agriculteurs qui, comme nous le savons, ont parfois du mal à boucler les fins de mois. Le CBD est aussi une chance pour les Françaises et les Français de pouvoir améliorer leur bien-être avec une molécule sûre et naturelle.

Selon vous, combien d’emplois le marché du chanvre représente-t-il en France ? Et pour quel chiffre d’affaires ?

Le potentiel économique d’une filière française du CBD n’est plus à prouver. Cela représente des dizaines de milliers d’emplois répartis dans nos trois grands secteurs d’activité que sont la production, la transformation et la distribution. Et c’est sans compter tous les emplois indirects qui vont bénéficier de l’essor économique de la filière CBD (la logistique, le conseil, la comptabilité, les laboratoires, les banques et assurances, etc.) et les recettes fiscales engendrées par l’État. Le potentiel économique de la filière CBD pour 2022 est estimé à 1 milliard d’euros !

Une partie des consommateurs français semblent particulièrement apprécier le CBD sous la forme de fleurs séchées, fumées ou vaporisées, mais ces fleurs semblent en grande partie provenir de producteurs étrangers comme la Suisse. Que vous inspire cette situation ? 

Cette situation est problématique à plusieurs égards. D’abord parce que la réglementation française, très restrictive en la matière, fait des producteurs français les grands oubliés de la filière. Ensuite, car nous constatons sur le terrain que certains produits venant de l’étranger ne respectent pas les normes de qualité que sont en droit d’attendre les consommateurs français. Soyons clair, il ne s’agit pas là de jeter l’opprobre sur tel ou tel pays mais bien de garantir aux consommateurs une qualité et une traçabilité irréprochables. Et les outils existent ! Il faut désormais une volonté politique assumée pour les mettre en place.

D’une collaboration étroite entre les services de l’État et la filière découlera l’enracinement d’une filière d’avenir pour notre pays.

Quels sont vos conseils aux entrepreneurs français qui souhaitent se lancer dans la vente de produits au CBD ?

En premier lieu de se rapprocher du Syndicat Professionnel du Chanvre. Depuis 2018, nous avons su fédérer un solide réseau qui représente tous les acteurs de la filière et nous accompagnons nos adhérents dans un secteur d’activité parfois complexe et qui demande d’être irréprochable vis-à-vis de la réglementation. Ensuite, comme pour tout projet entrepreneurial, il faut savoir s’entourer, bien comprendre les attentes des consommateurs, et bien choisir ses partenaires.

Pour finir, selon vous, que nous réserve l’avenir ?

L’avenir sera vert. Cela ne fait aucun doute. Et il est prometteur. La France doit être pragmatique et rompre avec les tabous pour ne pas agir sur la base de mauvaises interprétations liées à la méconnaissance du sujet. Le président de la République avait annoncé en 2017 vouloir en finir avec le dogmatisme qui paralyse l’action publique en France. Nous sommes un exemple criant du poids de ces dogmes en matière réglementaire sur la base de positions politiques dépassées. Mais nous sommes optimistes : d’une collaboration étroite entre les services de l’État et la filière découlera l’enracinement d’une filière d’avenir pour notre pays.

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