Armelle Carbonel est sans aucun doute LA sensation du polar de demain. Spécialiste des huis-clos, elle se fait remarquer avec “Criminal Loft”, où elle enferme des criminels dans une télé réalité, et “Majestic Murder”, avec une pièce de théâtre très particulière. Le tout écrit en vapotant, bien entendu.

Armelle Carbonel (Crédit photo : Karim Baudrais)

Vaping Post : Alors, ceux qui vous connaissent déjà ne risquent pas de vous oublier, mais pour ceux qui ne vous connaissent pas, qui êtes-vous ?

Armelle Carbonel : Les « connaisseurs » me surnomment « la Nécromancière », mot d’esprit qui rappelle certainement mon penchant à situer mes personnages au cœur de lieux insolites. J’aime explorer les atmosphères parfois dérangeantes, inviter mes lecteurs au voyage de l’oppression et du frisson. Chacun est libre de quitter le navire si la destination ne lui convient pas et c’est là tout l’intérêt de la fiction. Certaines escales ouvrent parfois la porte à la réflexion et je suis comblée quand la magie opère. Bienvenue à bord…

VP : Votre premier livre, Criminal Loft, était un huis clos. Le second, Majestic Murder, est un huis clos. Un indicateur anonyme m’a affirmé que vous étiez en train de travailler sur votre troisième livre, un huis clos. Vous n’avez rien à nous dire ?

Adeptes des grands espaces, fuyez !

AC : Adeptes des grands espaces, fuyez !!!! Effectivement, les ambiances confinées décuplent mes propres émotions lorsque j’écris. L’alternance entre respirations et asphyxies littéraires développe en moi une tension quasi palpable. J’ai l’impression constante d’être en visite dans un genre, aujourd’hui plus marqué par l’action et les rebondissements. Les histoires à huis clos me fascinent et, bien souvent, un auteur écrit ce qu’il aimerait lire, alors nous voilà enfermés ensemble le temps de treize questions pour lesquelles je vous félicite.

VP : Criminal Loft et Majestic Murder ont tous les deux des intrigues véritablement originales. Comment les présenteriez-vous l’un et l’autre ?

On évoque souvent la prise de risque entre ces deux livres « opposés ». Personnellement, je le perçois davantage comme un traitement adapté à chacune de ces histoires.

AC : Curieusement, je me sens mal placée pour en parler en toute objectivité ! En premier lieu, j’écris satisfaire mes attentes (égoïste, me direz-vous ? Je plaide coupable). Cependant, je prends en compte les remarques pertinentes des lecteurs pour affiner mon style ou travailler plus en profondeur la psychologie des personnages. J’en ai oublié la question… Ah oui, présenter « Criminal Loft » et « Majestic Murder » ! Les intrigues sont peut-être originales mais ces deux livres sont en opposition sur bien des points ! L’écart de style peut déstabiliser. « Criminal Loft » touche un large public en raison de son thème voguant dans l’ère du temps (téléréalité, tueurs en série, peine de mort). « Majestic Murder » atteint un lectorat plus restreint, plus exigeant… (théâtre, construction en actes, scènes, tragédie). On évoque souvent la prise de risque entre ces deux livres « opposés ». Personnellement, je le perçois davantage comme un traitement adapté à chacune de ces histoires. Le prochain sera encore différent… Il faut croire que mes aspirations varient au rythme des saisons ! La seule constante ? J’explore un lieu existant pour planter le décor…

VP : Nous avons un peu discuté en amont de cet interview, vous êtes d’un naturel plutôt sociable et enjoué, et vos livres sont généralement très pessimistes et peuplés d’asociaux, chacun à leur manière. Vous n’êtes pas le seul exemple : Stephen King, au hasard, écrit des livres terribles et, dans la vie, il joue du rock et raconte des blagues. Y a-t-il une dichotomie spécifique aux écrivains à l’univers sombre, une façon peut-être d’exprimer votre part d’ombre et, question subsidiaire, y a-t-il des questions parfois trop longues ?

Je puise dans mes peurs, mes rencontres, mes expériences, mes espérances et mes doutes pour m’interroger sur la société actuelle.

AC: Aucune question n’est trop longue quand elle est bien posée (sourire).
C’est drôle, cette remarque revient souvent : « comment une femme si souriante peut écrire des horreurs pareilles ? ». Je ne m’exprimerai pas au nom de tous les auteurs au profil similaire (Et là, j’ai une pensée pour Claire Favan qui se reconnaîtra certainement). En ce qui me concerne, la réalité et la fiction sont heureusement nettement dissociées. Pour tout vous dire, mon optimisme et ma philosophie de vie sont strictement opposés à mes écrits ! Je prône le pouvoir de l’instant présent et j’adhère à la théorie que toute situation dérangeante intervient pour nous faire grandir, avancer sur notre chemin de vie. Alors, d’où vient cette Armelle si sombre ? Je puise dans mes peurs, mes rencontres, mes expériences, mes espérances et mes doutes pour m’interroger sur la société actuelle. Et je donne une forme à ces pensées en les couchant sur le papier. Mon enfant intérieur se manifeste à chaque histoire, mais la femme – et la mère que je suis – la protège en offrant des réponses à ses questions…Aussi improbables soient-elles !
Au fait, existe-t-il des réponses trop longues ? (sourire)

VP : Criminal Loft parle de télé-réalité, Majestic Murder de théâtre. Est-ce un pur hasard, ou faut-il y voir une critique de la société du spectacle ?

AC : Ainsi évoqué, le rapprochement interpelle, c’est vrai ! Jusqu’à présent, je n’en avais pas réellement conscience. Cependant, je ne critique jamais. J’observe. Je ne condamne pas, pas plus que je ne juge. Je suis juste une faiseuse d’histoires dont l’élément commun à ces deux romans s’apparente au voyeurisme. Et quels meilleurs supports qu’une scène ou un écran pour le satisfaire ?

VP : Vous êtes à la lisière du thriller et du fantastique, sans jamais basculer ouvertement plus d’un côté ou de l’autre, ce qui donne à vos romans une ambiance très particulière et personnelle. Commentez. Vous avez deux heures.

AC : Tic… Tac… Tic… Tac…
L’aspect « fantastique » est davantage lié à l’existence des lieux dans lesquels je place mes intrigues. J’affectionne particulièrement les études liées au paranormal. D’ailleurs, je « pars en repérage » lorsque je visionne des reportages sur le sujet. Je m’approprie alors ces endroits chargés de « légendes ». La notion de « fantastique » se limite donc à l’ambiance car, de chaque phénomème, découle une explication rationnelle. J’adore promener ma plume à la lisière de l’insondable sans jamais plonger dans ses eaux. C’est un peu comme si je voyais flotter un sujet de réflexion à la surface et que je décide de m’en emparer tout en conservant son essence particulière. Le genre fantastique offre un spectre différent, fascinant, que je ne me sens pas encore en capacité d’appréhender entièrement.

VP : En plus de construire des histoires riches et pleines de surprises, vous travaillez énormément la forme, ne vous contentant pas de la simple efficacité narrative de beaucoup d’auteurs de thrillers. Quelle est pour vous la place de la forme dans ce que constitue le livre ?

AC : J’adapte le style à l’histoire, à son contexte. Les mots viennent. Le style s’impose. Je me contente de suivre mon ressenti. Je suis admirative quant aux auteurs qui plantent une intrigue avec fluidité, sans effet de style ni artifices. Je n’appartiens pas à ce « clan » là – un jour peut-être -, je me contente aujourd’hui d’écrire avec mon cœur, mon âme et mon feutre. Selon moi, le fond prime sur la forme mais l’un n’empêche pas l’autre !

VP : Vous situez vos romans aux Etats-Unis. Pourquoi ce choix ? Verra-t-on un jour un de vos livres se dérouler en France ?

AC : Le choix s’impose en fonction des lieux qui m’inspirent. De plus, « Criminal Loft » met en scène des condamnés à mort… La pertinence aurait été moindre en France, à moins de d’écrire un roman d’anticipation ! Pour « Majestic Murder », la présence en arrière-plan de l’actrice Peg Entwistle nécessitait une action aux Etats-Unis en raison de son exil (et de son suicide…) à Hollywood. Oui, il y aura bien un roman « pure souche » dans les années à venir…

VP : Il semble qu’une nouvelle génération d’auteurs se lève après les Grangé, Chattam, Sire Cedric, voici qu’apparaissent les Carbonel, Norek, Gilberti. Est-ce qu’il y a une « french touch » du thriller ?

AC : Tous les auteurs cités suscitent mon admiration car, dans un panel élargi, chacun offre sa singularité. Certains d’entre eux ont bercé mes nuits et je leur en suis reconnaissante. La société évolue, les sujets soulevés suivent ce flux et la tendance dure un temps puis retombe. Certains transgressent les codes du genre et c’est à mon sens une belle opportunité pour le lecteur. Les générations précédentes forgent l’éclosion de nouvelles plumes, qui à leur tour, transmettront l’expérience et l’envie. Mais les auteurs étrangers ne sont pas en reste en matière d’éclectisme. Une « world touch » me paraît plus appropriée !

VP : D’ailleurs, qui lisez-vous quand vous n’écrivez pas ?

AC : Sandrine Collette. Maud Mayeras. Cizia Zykë. Carlos Ruiz Zafon, pour les romans.
Eckart Tolle et Frédéric Lenoir pour les livres en rapport avec le développement personnel.
Les dossiers Warren, et autres joyeusetés pour les documentaires « plaisir ».
Tout un programme sans antidépresseurs ! (rire !)

VP : Alors, je sais que votre prochain livre sera édité chez Ring. Je sais qu’il s’agit d’un huis clos. Je sais qu’il sortira probablement vers octobre 2018. Je sais, parce que je commence à vous connaître, qu’il s’agirait d’un Carbonel pur sucre, à savoir qu’on ne saura pas à quoi s’attendre avant de l’avoir commencé (et même terminé). Sachant ce qui me ferait plaisir, ce serait d’apprendre quelque chose que je ne sais pas, ma question, encore trop longue, est : avez-vous envie de me faire plaisir ?

AC : Vous en savez beaucoup plus que moi ! (sourire)

Je confirme la publication en octobre de mon prochain livre chez Ring. Je confirme une histoire à huis clos (quoique…) et vous confie même son titre : SINESTRA. Ce que vous ignorez ? L’histoire se déroule en Suisse ! Quant à un « Carbonel » pur sucre, c’est justement là que réside réellement le suspense ! Je pourrais bien vous entraîner sur des rives plus communes…

VP : Nous sommes dans une publication dédiée à la vape, si vous deviez suggérer le goût d’un e-liquide à vapoter en lisant vos livres, quel serait-il ?

AC : Menthe fraîche. Histoire de s’oxygéner entre deux chapitres…

VP : Pour finir, la dernière question, c’est quartier libre : qu’aimeriez-vous dire aux lecteurs de Vaping Post ?

AC : Ravie d’appartenir au club ! J’ai cessé de fumer, il y a quatre ans, grâce à la cigarette électronique. A cette époque, je me demandais si je serais capable de poursuivre efficacement mes activités quotidiennes (pause clope pendant l’écriture, au boulot etc….). Pari réussi !
Merci pour ce bon moment passé en votre compagnie.

Les livres d’Armelle Carbonel sont disponibles dans toutes les librairies.

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