Et si on parlait d’autre chose que de vape ? Mieux, si on parlait de vape sans parler de vape ? Derrière cette industrie bouillonnant d’idées, il y a des créateurs. Mais d’où viennent leurs univers singuliers ? Qu’est-ce qui les a influencés ? Reconnaîtrez-vous l’expérience de leurs produits à travers leur histoire ?

Aux racines du Beurk

Avec Beurk Research, Bertrand Baillot a proposé un des univers les plus singuliers de la vape, en réécrivant les codes de l’antivente avec la rigueur d’un designer. Mais quel parcours de vie, quelle éducation artistique l’ont conduit à imaginer cet asile de fous ?

“Je pense que s’il y a un mot pour tout résumer, c’est “geek”, explique le fondateur de la marque. Je vais avoir 55 ans, je sais que je ne les fais pas. Blague à part, j’ai eu mon premier ordinateur en 1980. À l’époque, il fallait programmer quatre heures en Basic pour faire bouger deux pixels. Et j’ai instantanément aimé, ce qui dure jusqu’à aujourd’hui. La suite, ça a été les 16 couleurs, le modem 56k qui couinait pour se connecter à Internet…”

Et Bertrand a continué à suivre. “Même si aujourd’hui, tout va presque trop vite. J’ai vu Terminator à sa sortie en 1984, à l’époque, c’était un film d’action, mais je me demande aujourd’hui si ce n’était pas un documentaire, finalement.…..”

Mais la révolution avait commencé plus tôt. “Mes deux passions : les arts graphiques et l’informatique, ont fini par se rejoindre. J’ai commencé avec Photoshop 1, et Illustrator. Ce dernier, c’était en 1988, et en noir et blanc exclusivement. J’en ai passé des nuits à apprendre en autodidacte à utiliser des softs de 3D, bien velus comme il faut, sans tutoriel… Et en 1995, j’ai vécu une petite révolution : alors que mon entourage me regardait bizarrement, penché sur mon PC, soudain, tout le monde s’est mis à m’appeler sur le thème : je vais acheter un ordi, tu aurais des conseils ?”

 

Autoportrait en nuances de gouache

Évidemment, pour un graphiste, les arts graphiques sont l’essentiel. “C’est une passion et ma formation étudiante. Ado, j’ai dévoré l’encyclopédie de l’histoire de l’art du XXe siècle, je trouve ça ultra-intéressant, et bien sûr dans ma formation, j’ai étudié toutes les époques et j’adore la peinture classique. C’est fascinant l’histoire de l’art pour ce à quoi elle a servi, l’expression humaine basique, mais aussi les arts décoratifs et la narration des événements, avec ses évolutions, l’invention de la perspective du début de la Renaissance…” Quels sont ses artistes favoris ? “Mon trio si je devais en faire un : Picasso, Vermeer et Hopper. Allez, ajoutons Bacon…”

Autre passion de Bertrand Baillot, depuis longtemps : l’Histoire. “Je m’intéresse particulièrement au XXᵉ siècle. Notamment l’opération Barbarossa (l’invasion de l’Union soviétique par l’Allemagne nazie, considérée comme la plus grosse opération militaire de l’histoire, NDLR), au niveau général comme anecdotique. Par exemple, j’ai regardé un documentaire sur comment les Russes ont démonté leurs usines proches du front au moment de l’attaque, pour les remonter plus loin. Ça m’a fasciné.”

Néanmoins, il reste ouvert à d’autres périodes. “J’ai des phases ou je vais me pencher sur de grands personnages, César, Napoléon… Surtout au niveau humain, et particulièrement anecdotique. Souvent, c’étaient de grands tarés.”

Toute la musique que j’aime (sauf la salsa)

En termes de musique, c’est vite fait. “Le plus simple, c’est de me demander ce que je n’aime pas, c’est-à-dire le raggamuffin et la salsa. Et encore, la salsa… Des fois, ça passe, je ne m’enfuis pas en courant. Sinon, la musique, c’est trop fort, et en permanence, du soir au matin : du rock classique, Beatles, Stones, Hendrix, Ten Years After, Velvet, Sonic Youth, PJ Harvey, Bob Dylan, J.J. Cale, de la country, de la pop anglaise. Mais aussi les années 80 dans lesquelles j’ai grandi : new wave, cold wave, des choses style Cocteau Twins, Dead Can Dance, mais aussi soul, funk (particulièrement 70’s), du jazz si ça envoie, et rap US et français, de l’électro, bref la liste est trop longue… J’écoute aussi de la chanson française par périodes, un double album de Burning Spear, ensuite de la world, surtout musique africaine…”

Côté cinéma, c’est plus dur : “Alors sur ce point, je souffre d’être devenu ultra-difficile, j’ai horreur des trop nombreux trucs téléguidés, il faut que ce soit surprenant, qu’on vive une expérience et que l’on en sorte transformé. Mon film fétiche : Blade Runner, un chef-d’œuvre à mes yeux, car il aborde un sujet humain majeur, mais il est teinté de technologie et surtout d’une immense poésie. Un autre chef-d’œuvre que je veux défendre, c’est Cloud Atlas. Mais c’est un film à voir plusieurs fois, parce que sinon, on ne comprend rien.”

Passions inavouables

“Mes passions inavouables ? L’humour noir, le cynisme, depuis tout petit. Je déplore le politiquement correct actuel… D’accord, tout le monde veut vivre en paix et tranquille, mais où est passée l’irrévérence ?” Et il est vrai que notre époque manque un peu de Pierre Desproges.

“Bon, et sinon, une autre passion, un peu comme collectionner les boîtes de camembert, c’est la F1… C’est le seul sport que je regarde et ça me fascine parce qu’il y a le côté visible, le talent des pilotes, mais je trouve encore plus intéressant le fait que ce soit un véritable sport d’équipe qui requiert d’une part les meilleurs ingénieurs, car un pilote a surtout besoin de la meilleure voiture, et également les meilleurs stratèges pour faire prendre à l’équipe les bonnes décisions selon le déroulé de la course.”

Mais… “Mais c’est aussi un sacré sport de tricheurs. Le règlement est très strict, chacun cherche les meilleurs moyens de s’engouffrer dans une faille de la taille d’un papier à cigarettes, pendant que les équipes d’à côté surveillent pour aller cafter. C’est fascinant à observer.”

Ces univers réunis en un seul dans l’esprit de Bertrand ont donc mené à des projets comme Beurk Research. Des designs au cordeau, immaculés, habités de personnages étranges. Qui posent une question : est-ce que cet article n’a pas du tout parlé de vape, ou au contraire n’a parlé que de ça ?

 

Le Panthéon de Bertrand Baillot

  • Film préféré : Blade Runner (1982) de Ridley Scott
  • Album préféré : London Calling (1980) de The Clash
  • Tableau préféré : La jeune fille à la perle (1665) de Vermeer
  • Livre préféré : Les Fleurs du Mal (1857) de Baudelaire

 

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