A la suite du mois sans tabac, de nombreux groupes se sont ouverts sur les réseaux sociaux pour prendre le relais des initiatives. Si tous sont encadrés par des bénévoles motivés, certains glissent, imperceptiblement mais inéluctablement, vers une tendance pathologique, un phénomène bien connu.
La pathologie de groupe
Les groupes de soutien et d’entraide à l’arrêt du tabac adoptent le fonctionnement de tous les groupes de soutien, quelle qu’en soit la cause. Aussi, avant d’aborder ce sujet spécifique, et de voir en quoi la vape a un avantage énorme, il convient de rappeler quelques principes.
Le glissement d’un groupe de soutien vers un enfermement pathologique est un phénomène très connu, théorisé entre autres sous le terme “d’émotionalité groupale”. Il est d’autant plus facilité que, à de rares exceptions près, ces groupes sont constitués de personnes qui ont en commun une difficulté à résoudre.
Le glissement vers une pathologie de groupe est simplement ce phénomène où les membres du groupes, plutôt que de s’entraîner, se maintiennent dans leurs problèmes, voire se tirent mutuellement vers le bas.
Les exemples types sont les groupes d’entraides de familles en deuil ou de victimes. Ces groupes réunissent des personnes qui ont en commun une histoire similaire, et qui se trouvent dans la troisième étape du deuil, appelée dépression. Si le groupe est conduit par un conducteur fort, qui maîtrise son sujet et a pour ambition de les aider à s’en sortir, à savoir les tirer vers les deux étapes suivantes, le groupe pourra gérer aisément ce problème. Mais si ces membres sont laissés à eux-même, alors le pathos va s’installer.
Le tabac, vraie fausse béquille
Le sevrage tabagique est un peu à part dans son postulat de départ, mais pourtant, il obéit aux mêmes règles.
Le phénomène est simple à comprendre : tous les membres du groupe sont déprimés, en pleine crise de manque physique et psychologique, la plupart ont déjà tenté d’arrêter le tabac et ont généralement échoué (il existe des cas de personnes qui ont arrêté le tabac avant de rejoindre le groupe et le prennent pour ne pas replonger). Ils ont donc perdu la “béquille” psychologique que constitue la cigarette. Fausse béquille, puisque le tabac n’aide en rien concrètement, c’est une pure construction psychologique additionnée d’IMAO.
Dans ce groupe vont arriver, c’est statistique, des personnes qui ont plus de difficultés que d’autres, et vont raconter leurs malheurs. C’est ce qui va déclencher un événement transférentiel lors duquel, plutôt que de soutenir la personne en difficulté et donner une ambiance positive au groupe, chacun va étaler ses grandes misères et petits bobos. En somme, à quelqu’un qui explique que “sa vie est nulle”, plutôt que de lui expliquer que, non, elle est juste dans une mauvaise passe, chacun ira raconter pourquoi sa vie à lui aussi est nulle, jusqu’à ce que, inconsciemment, tout le monde conclue que la vie en général est nulle.
Le tout dans un grand dialogue de sourds : les membres du groupe, c’est flagrant lorsque observé de l’extérieur, ne s’enfoncent pas les uns les autres, simplement, chacun énumère et ressasse dans son coin ses malheurs et s’y maintient, puisque personne ne sera là pour le contredire ou lui donner espoir.
Le résultat, c’est que le groupe, plutôt que d’aider ses membres, les poussera au contraire à replonger dans le tabac. Par rapport à avant, la situation sera pire, puisque l’échec sera associé à un manque d’espoir de pouvoir réussir un jour.
Le choix d’un bon groupe
Pourtant, et heureusement, les groupes de soutien, quand ils sont bien gérés, ont fait la preuve de leur efficacité. Simplement, ils répondent à des critères précis.
Prenons en exemple le groupe “Je ne fume plus“ sur Facebook. Un des plus importants en nombre de membres, le plus ancien en français sur le réseau social, et l’un qui contient le plus de messages d’anciens fumeurs désormais débarrassés du tabac. Il est animé par des anciens fumeurs désireux d’aider les nouveaux, mais surtout, il est encadré, discrètement et avec bienveillance, mais aussi avec vigilance, par des psychologues, des tabacologues, des spécialistes qui savent exactement de quoi ils parlent.
Le phénomène d’entraînement pathologique n’est pas absent du groupe, simplement il est aussitôt détecté et géré très efficacement.
Tout est donc affaire de compétence. Cela explique pourquoi un certain nombre de groupes, formés à la suite du “Mois sans tabac” ont aujourd’hui un fort taux d’échec : ils ont été constitués par des personnes qui avaient parfois envie de bien faire, parfois simplement envie d’avoir un groupe à eux, mais pas la connaissance nécessaire pour le faire.
La vape, encore à part
Évidemment, il en faut toujours un qui se distingue, et c’est la vape. On pourra dire tout le mal qu’on veut des groupes de vapoteurs ouverts aux débutants, et il y a de quoi, ces derniers ont un aspect positif, c’est qu’ils évitent l’écueil du pathos à leur insu.
Ces groupes sont en effet constitué de vapoteurs expérimentés, donc convaincus par la vape, et qui adoptent naturellement une attitude positive. Les questions posées par les débutants portant sur des problèmes techniques de choix et d’utilisation de matériel, les personnes désireuses de partager leur pathos s‘abstiennent, l’ambiance du groupe ne s’y prêtant pas: ce n’est pas un soutien moral qu’on vient y chercher, mais un soutien logistique.
Tout n’y est néanmoins pas rose. Les personnes en grande difficulté morale, qui ont besoin d’une aide supplémentaire et plus personnelle pour arrêter passent en effet sous le radar. Et les groupes de vape sont souvent victimes d’une mauvaise ambiance due à des règlements de compte personnels.
Mais, avant de rejoindre un groupe pour vous aider à arrêter de fumer, vérifiez bien que l’ambiance y est positive et encourageante. Et avant de créer un groupe pour aider les autres, recrutez une équipe expérimentée.