Dans un livre blanc envoyé aux candidats à l’élection européenne, les buralistes français demandent l’interdiction de la vente de vape en ligne. Preuve si il en fallait que la ligne boutiques de vape/buralistes unis pour la réduction des risques, c’est, au mieux, de la science-fiction.

Vape et buralistes, amis pour la vie

L’atelier « Europe et Marchés parallèles » de la Confédération des buralistes a publié un livre blanc, qui a été adressé aux candidats aux élections européennes. Ce document contient huit propositions qui semblent indispensables aux buralistes, dont deux concernent la cigarette électronique.

Et, jusque là, rien de choquant : les buralistes vendent aussi de la vape, ils peuvent donner leur opinion pour contribuer à la diffusion de ce substitut au tabac, dans l’intérêt de tous, et plus particulièrement de la santé publique. D’autant que les représentants de la Confédération des Buralistes le disent : boutiques de vape et bureaux de tabac coexistent, c’est ainsi, alors soyons amis.

Amis pour la vie, même si on ne sait pas trop la vie de qui et combien de temps l’autre souhaite qu’elle dure. 

Comme la rubrique horoscope n’a jamais existé au Vaping Post, nous ne pourrons pas répondre à cette question. En revanche, sur la proposition en elle-même, nous avons quelques remarques à soulever.

Et, il faut le reconnaître, nous avons eu beau tourner et retourner la chose dans tous les sens, il nous a été difficile, voire impossible, d’y trouver de la bienveillance.

Petites interdictions entre amis

La proposition est dénuée de toute ambiguïté « Interdire toute possibilité de vendre en ligne – ou par le biais des réseaux sociaux – tout produit du tabac ou du vapotage »

Voilà, là, c’est limpide, contrairement à d’autres, les buralistes ne tournent pas autour du pot  ! « Interdire », tout le monde comprend, ça veut dire « Tu fais pas ça, sinon tu vas avoir des problèmes. » Donc, ils veulent interdire la vente en ligne de tout produit du tabac ou du vapotage. Dit avec d’autres mots : éradiquer 30 % du marché français.

Mais… Attendez, on vérifie… Ah, oui, voilà : la vente en ligne de tabac, cigares, cigarettes, etc. est déjà interdite. Ils devraient reformuler ça, parce que sinon, on va croire des choses. Par exemple, qu’ils veulent assainir le marché dans l’intérêt de tous, alors qu’ils veulent juste éliminer un concurrent. 

Trente pour cent des vapoteurs français achètent en ligne, ce qui représente plus de monde que certains partis ont d’électeurs.

Interdire la vente en ligne du vapotage, ça voudrait dire immédiatement ramener l’accès à la vape à deux acteurs, les boutiques physiques de vape et les buralistes. Sauf que… Sauf que la répartition sur le territoire n’est pas très équitable. À la louche, il y a dix fois plus de bureaux de tabac que de boutiques de vape en France, soit environ 3 500 boutiques de vape contre 23 000 bureaux de tabac.

Prenons un exemple, ce sera plus parlant. Vous connaissez Lilia ? C’est une charmante commune en Bretagne rattachée à Plouguerneau. Eh bien, un vapoteur de Lilia, qui a pour habitude de commander sur Internet, si on le lui interdit, devra aller à Lannilis, douze kilomètres plus loin.

Il devra sortir de Lilia, traverser Plouguerneau, et rien que ça, l’été, avec tous les touristes, c’est une galère. Puis il devra rallier Lannilis, en traversant l’Aber (il vaut mieux emprunter l’ancien pont que le nouveau, c’est plus direct), trouver à se garer, pour pouvoir arriver à la boutique de vape la plus proche de chez lui. Durant ce court trajet, il sera passé devant cinq bureaux de tabac. Il faut vraiment, vraiment que sa boutique de vape soit formidable pour le convaincre de ne pas s’arrêter en route.

Mais les gens diront « Eh bien, si la vape c’était aussi formidable que ça, il y aurait autant de boutiques de vape que de bureaux de tabacs. »

Parce que les gens sont mal informés, mais ce n’est pas le problème.

Le vrai problème, c’est que la boutique de vape est monoproduit : elle vend de la vape, c’est un spécialiste. Le buraliste va vendre du tabac. Il va aussi vendre des jeux à gratter, par tirage, des paris, des sucreries, parfois des journaux, de l’alcool, s’il est aussi débit de boissons, voire faire banquier, dépôt de pain et vendre des cartes Pokémon.

Mot bonus : subventions

Pourquoi les boutiques de vape n’en feraient pas autant, demandera benoîtement le béotien ? Eh bien, parce que, pour vendre tout cela, il faut des locaux aménagés, ça coûte des sous, et, contrairement aux buralistes, la boutique de vape ne bénéficie pas de subventions par l’État. On ajoutera aussi que, accessoirement, le conseiller en vape n’a pas le temps de s’interrompre dans l’explication du fonctionnement de son matériel à son client pour aller vendre sa demi-baguette et son journal à Madame Michu.

Surtout le jour du marché où il y a vingt cinq Madame Michu alignées devant le comptoir. Le buraliste traite le problème différemment : il vend sa vape au fumeur comme il vend son pain et son paquet de cibiches à Madame Michu, en trente secondes, montre en main.

La durée de la vente est très différente entre le bureau de tabac et la boutique de vape. Les esprits chagrins diraient : le niveau de conseil aussi, mais nous ne sommes pas comme ça.

Et on portera le coup de grâce en précisant que, si une boutique de vape s’amusait à vendre des bonbons, les braves citoyens sortiraient les torches et les fourches en l’accusant de vouloir attirer les enfants. Alors qu’on fiche la paix aux deux tiers de buralistes qui vendent des clopes aux mineurs. Si vous contestez les chiffres, voyez ça directement avec le CNCT.

Je retourne ma veste, toujours du bon côté

L’autre proposition des buralistes est « sécuriser la législation sur la vape ». Ce ne serait pas mieux de sécuriser la position des buralistes sur la vape, d’abord ? 

Un bref rappel historique s’impose : quand la vape est apparue en France, à la fin des années 2000, les premiers importateurs sont allés voir les buralistes, qui leur ont répondu « Ca ne marchera jamais votre truc, on n’en veut pas ». Puis, quand ça a commencé à marcher, ils ont dit « Mais c’est bien, votre machin, là, on veut le monopole ». Et puis, quand le politique leur a expliqué que c’était un peu tard pour y penser, on est devenus copains. Enfin, c’est ce qu’ils nous on dit. 

Mais du coup, comment la vape a-t-elle réussi à s’imposer sans gros réseau ni les buralistes ? Par la vente en ligne. Une poignée de geeks qui ont acheté ça en Chine, qui l’ont testé, et commencé à monter des petits sites internet. Ils se sont réunis sur des réseaux sociaux, des forums, et ont réussi à gagner assez de sous pour monter des boutiques physiques. Et même si le réseau physique est aujourd’hui indispensable, pour le conseil entre autres, c’est bien la vente en ligne qui a permis ce petit miracle de sortir plus d’un million de français du tabac. Cette vente en ligne que vous espérez voir froidement exécutée. 

Bref, la vente en ligne est imparfaite, certes, mais elle permet l’accès à la vape à des gens qui, pour diverses raisons, ne peuvent pas se rendre en boutique de vape et ne souhaitent pas se rendre en bureaux de tabac. C’est un rééquilibrage de la compétition amicale que nous nous livrons, puisqu’on ne parle pas de concurrence entre amis, n’est-ce pas ?

Mais ce sont de biens curieux amis que ceux qui viennent chez vous vous expliquer de quelle couleur repeindre le salon ou quelle chaîne regarder sur votre télé le soir. Le genre à qui, finalement, on n’a pas tellement envie d’ouvrir la porte.

Annonce