Vincent Cuisset est le président de Vincent dans les Vapes, un fabricant d’e-liquides français. Son expertise dans le domaine des e-liquides nous a poussé à lui soumettre des questions sur la composition des e-liquides. Petit voyage moléculaire au pays de la vapote.

 

Cet article a été publié en 2014. Certaines des réponses fournies à l’époque pourraient ne plus représenter les connaissances scientifiques actuelles.

 

Interview

Vincent Cuisset, président-fondateur de VDLV (Pessac, France).

En terme de santé, les arômes naturels sont-ils préférables aux arômes artificiels ?

Pas forcément. Un arôme, qu’il soit naturel ou artificiel, est fabriqué sous un support particulier (gomme, éthanol, sirop de sucre, PG, acétine, huile…) et contient différents types de molécules aromatiques (cétones, terpènes, thiols, lactones, pyridines…).

En terme de santé, les questions à se poser sont :

  • Quels sont les produits de réaction obtenus lors de la pyrolyse de ces composés aromatiques?
  • Présentent-ils un risque potentiel pour l’organisme ?

Lors de l’utilisation d’un e-liquide aux arômes de synthèse, la plupart des exhausteurs (ethyl maltol, acétine, ethylvaniline, acide malique, glutamate monosidique…), acidifiants (acide citrique, acide lactique…) et conservateurs (sorbate de potassium…) peuvent produire des composés chimiques dont la toxicité pulmonaire est encore inconnue à l’heure actuelle.

Et pour un e-liquide aux arômes naturels, même si il est exempt d’exhausteurs et conservateurs, la présence et surtout la concentration de certains composés devra être regardée de près. Si on prend l’exemple de la pulégone, molécule mono-terpénique que l’on retrouve dans un bon nombre de variétés naturelles de menthe, elle peut se décomposer en menthofurane qui est une substance hépatotoxique.

Existent-il des arômes, naturels ou artificiels, à éviter dans le choix des e-liquides ?

Oui. Il faut bien avoir en tête que le système respiratoire n’est pas doté des enzymes puissantes et des voies métaboliques de détoxification présentes dans le système digestif. De ce fait, les arômes alimentaires prévus pour l’ingestion peuvent présenter une toxicité lors de l’inhalation.

C’est le cas du diacétyle, molécule aromatique présente dans le beurre, crèmes fraîches, produits lactés et boissons alcoolisées. L’inhalation répétée de ce composé peut provoquer des bronchiolites graves. L’utilisation d’arômes alimentaires contenant du diacétyle est donc fortement déconseillée dans la fabrication d’un e-liquide.

Une étude récente du Dr Farsalinos(*) a montré qu’il pouvait y avoir un potentiel cytotoxique avec des liquides contenant des arômes obtenus par des techniques de macération (mais à un niveau nettement inférieur à celui de la cigarette classique). Ce potentiel cytotoxique est évidemment fortement corrélé au type de tabac utilisé (présence ou non de pesticides…) et à la technique de macération mise en œuvre.

Pour finir, certains types de molécules classées comme allergènes (alimentaires ou cosmétiques) et que l’on retrouve dans un grand nombre d’arômes naturels ou artificiels sont susceptibles d’effets plus ou moins toxiques en inhalation : benzyl benzoate et cinnamate, linalool, coumarine, farnesol, eugenol, geraniol…

Là encore, nous n’avons pas encore assez de recul pour conclure sur la toxicité ou non de certains types de molécules aromatiques en inhalation. De futures études permettront de mieux définir les doses admissibles et circonstances d’utilisation de composés aromatiques dans les e-liquides.

(* : Comparison of the Cytotoxic Potential of Cigarette Smoke and Electronic Cigarette Vapour Extract on Cultured Myocardial Cells – Octobre 2013)

Certains vendeurs utilisent le terme de “glycérine biologique”. Quelle différence avec la glycérine habituellement utilisée et quels avantages offre-t-elle ?

La glycérine végétale est un sous-produit de l’esterification d’huiles végétales; les huiles employées étant généralement de l’huile de noix de coco ou de l’huile de palme qui contiennent un pourcentage élevé d’acides gras et qui libérent des grandes quantités de glycérol. Autres huiles utilisées : graines de coton, graines de soja, mais, olives…

Le terme de “glycérine biologique” est utilisé lorsque les huiles végétales proviennent de productions agricoles exemptes de produits chimiques de synthèse et dont les cultures se situent dans des zones abritées des contaminations extérieures.

Dans un e-liquide, la glycérine, qu’elle soit biologique ou non, doit être de qualité PE ou USP (au même titre que le propylène glycol). Cette qualité précise sa haute pureté et montre qu’elle respecte toutes les spécifications en vigueur des pharmacopées des Etats-Unis (USP) ou d’Europe (PE).

Maintenant, est-ce la glycérine bio est uniquement un concept marketing ou y a t-il vraiment un impact significatif sur la santé ? Seules des études à long terme pourront le déterminer.

Pourquoi trouve-t-on différentes colorations dans les e-liquides vendus sur le marché actuellement ? Certains e-liquides sont par exemple toujours transparents alors que d’autres sont très foncés.

La coloration d’un e-liquide est fonction du type d’arôme utilisé et de sa ou ses technique(s) de fabrication (synthèse chimique, extraction à froid, extraction par solvants, distillation…). Si l’on prend l’exemple d’un arôme naturel de myrtille, il peut très bien avoir la couleur bleu-violacé de la myrtille ou une couleur totalement transparente, suivant sa méthode d’obtention (extraction à l’aide de solvants type alcool/eau ou bien par voie biotechnologique avec la mise en oeuvre d’enzymes). La couleur d’un e-liquide peut éventuellement évoluer dans le temps, de par les interactions chimiques avec la nicotine et/ou l’oxydation du produit.

Si il fallait retenir un seul critère de sélection pour choisir une marque de e-liquide, quel serait-il ? (en dehors du goût)

Si on ne prend en compte que l’aspect santé et sécurité du consommateur, le critère de sélection essentiel devrait résider dans le référentiel qualité mis en place par le fabricant, inhérent à son process de production et de conditionnement. Selon moi, un fabricant devrait avoir de bonnes notions en chimie organique (afin surtout de s’assurer de la qualité et l’innocuité des arômes qu’il utilise) et effectuer régulièrement des analyses chimiques et microbiologiques de ses matières premières & produits finis.

Pour finir, je ne suis pas pour la surenchère des saveurs dans un e-liquide, car elle augmente le risque potentiel de toxicité (aussi infime soit-il) et éloigne les papilles de leur sensibilité à la subtilité…mais là, on commence à rentrer dans des considérations gustatives qui, bien heureusement, demeurent très personnelles !



Merci à Vincent de Vincent dans les Vapes d’avoir répondu à nos questions.

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