Nous vous proposons aujourd’hui une traduction de la réaction de Konstantinos Farsalinos au sujet d’une étude alarmiste sur le benzène. Un communiqué de presse associé à la publication de cette étude est en train de créer un buzz médiatique.
(Traduit de l’anglais – Seuls les sous-titres ont été rajoutés pour une meilleure lisibilité)
Les mêmes chercheurs à l’origine du tapage médiatique sur le formaldéhyde
Une étude récemment publiée dans le journal scientifique PLoS One [1] porte l’intitulé : “Formation de benzène dans les e-cigarettes”. Un communiqué de presse, une habitude décidemment très tendance dans les recherches sur la cigarette électronique, accompagnait également la sortie de cette étude. Ce communiqué aborde l’énorme risque associé au benzène dans l’usage de cigarettes électroniques [ndlr: le communiqué titre : “Du benzène cancérigène trouvé dans les cigarettes électroniques de hautes puissances“]. Et il est très intéressant de remarquer, une fois de plus, les inconsistances entre une étude et son communiqué de presse.
De l’acide benzoïque rajouté dans les e-liquides
Cette étude a été conduite en se basant sur les résutats de acide benzoïque trouvé dans le produit JUUL [ndlr: une cigarette électronique rectangulaire, de la forme d’une clé USB, très populaire aux États-Unis]. JUUL est une e-cigarette aux cartouches pré-remplies qui contiennent des taux très élevés de nicotine (ils ont trouvé 6% de nicotine, soit 60mg/ml) augmentés par protonation avec de l’acide benzoïque. C’est unique à JUUL d’utiliser des niveaux si élevés d’acide benzoïque.
Les auteurs mentionnent qu’ils ont testé des e-liquides vendus dans le commerce et ont trouvé de l’acide benzoïque à des taux de 0.02-2 mg/ml (0.002-0.2%). L’acide benzoïque peut se transformer en benzène, mais l’étude n’a trouvé aucune trace de benzène dans la JUUL malgré des bouffées de 5 secondes.
JUUL n’est pas un appareil à puissance variable, il était donc impossible de le faire monter à des températures assez hautes pour provoquer l’apparition de benzène (ou d’autres composés chimiques). Ils ont alors testé d’autres appareils à puissance variable (avec des atomiseurs EVOD 1.8 Ohm simple coil et Subtank Nano 1.2 Ohm) en utilisant des liquides faits maison contenant de l’acide benzoïque et du benzaldéhyde.
De curieuses conditions expérimentales
Les auteurs de l’étude ont utilisé des bouffées de 5 secondes (ce qui est une durée très longue pour des adeptes de l’inhalation indirecte – mouth to lung – MTL). L’EVOD a été utilisé à 13 W (sur des bouffées de 5 secondes), ce qui est une valeur extrême.
De manière intéressante, les auteurs mentionnent que le réglage recommandé pour l’EVOD est de 6 W. Le Subtank quant à lui fut utilisé à 25 W, ce qui pourrait se situer dans les réglages recommandés mais pas pour des bouffées de 5 secondes. Même des bouffées de 4 secondes seraient très longues pour un tel réglage sur un Subtank.
On notera également que les auteurs rapportent une consommation de e-liquide de 24 mg par bouffée à 25 W, ce qui serait insupportable pour un vapoteur en inhalation directe. Pour ces deux appareils, malgré le fait que les niveaux d’acide benzoïque trouvés dans les e-liquides commerciaux étaient de 0.02-2 mg/ml, les chercheurs ont tout de même ajouté 9 mg/ml d’acide benzoïque dans leur e-liquide fait maison, ainsi que 10mg/ml de benzaldéhyde, un composant aromatique bien connu.
Si l’on repart aux bases de la physique, c’est l’énergie (W x s = Joule) qui définie si un liquide va surchauffer et générer des dry hits. J’ai expliqué cela en détail cette étude qui évalue les émissions d’aldéhydes dans des conditions réalistes et des conditions de dry hits. En fait, j’ai réalisé cette étude en réponse à la fameuse lettre scientifique “Le formaldéhyde caché”, signée des mêmes auteurs que l’étude dont nous parlons aujourd’hui sur le benzène. Alors qu’il n’y a aucune excuse pour oublier les principes fondamentaux de la physique, ceci est d’autant moins excusable que nous avons répété ces règles dans nos récentes publications (il y a tout juste deux ans).
Les résultats de cette étude sont très intéressants. Avec le réglage recommandé de 6 W sur l’atomiseur EVOD (je le répète, pour des bouffées de 5 secondes), les chercheurs ont trouvé entre 0 et 0.16 μg/g de benzène (gardez ces chiffres en tête). À 13 W (risque de dry hit), ils en ont trouvé jusqu’à 24 μg/g. Avec le Subtank, les taux varient entre 0 et 0.19 μg/g et ce même à des puissances très élevées.
Qu’est-ce que ces résultats montrent ? Cela dépend de la manière dont vous le regardez. Les auteurs ont calculé des concentrations de benzène dans la vapeur inhalée, et ont rapporté des niveaux allant jusqu’à 5000 μg/m3 d’air (sur des dry hits bien sûr). En comparaison aux analyses d’air ambiant de 1 μg/m3, tout le monde estimerait que c’est un désastre. Mais pas vraiment.
105 ml de e-liquide par jour
Cette méthodologie souffre d’un problème majeur. Les êtres humains prennent environ 12 respirations par minute, soit 17 000 toutes les 24 heures. Le volume d’air inhalé en 24h est de 20 m3. Ainsi si l’on suit les conclusions de cette étude, l’exposition journalière au benzène pour l’air ambiant est de 20 μg. Même si l’on admet que le Subtank à 25 W, et avec des bouffées qui durent 5 secondes, représente des conditions réalistes (et elles ne le sont pas), vous devriez vaper 105 ml de e-liquide par jour pour être exposé aux mêmes niveaux de benzène que l’on trouve dans l’air ambiant. Pour l’EVOD et dans des conditions normales d’utilisation, vous devriez vaper 125 ml de e-liquide par jour.
Le communiqué de presse mentionne que : “Les puissances utilisées dans cette étude sont bien en dessous de ce que peuvent fournir certains appareils, qui peuvent dépasser les 200 watts“. Cette affirmation revient à dire : “Nous avons fait crasher une voiture sur Trafalgar Square à la vitesse de 160 km/h, mais c’est bien en dessous des 240 km/h que certaines voitures peuvent atteindre”. Une autre manière de le dire serait d’affirmer que “manger 5 kg de légumes en un seul repas peut causer la mort, mais c’est bien en dessous des dizaines de kilos disponibles en magasins où les consommateurs peuvent se fournir”.
Je comprends que c’est frustrant de chercher désespérément un problème et d’échouer. Et ce n’est pas la première fois, nous avons déjà vu ça dans le passé (et récemment) avec le formaldéhyde et d’autres composés toxiques comme les aldéhydes (attendez juste que quelques papiers soient bientôt publiés). Cependant cela n’empêche pas la mauvaise interprétation des évidences et de la science. Les scientifiques continuent également d’ignorer complètement le phénomène du dry hit, et au lieu de vérifier qu’elles pourraient être des conditions réalistes pour leurs expériences, ils considèrent théoriques les critiques qu’ils reçoivent à leur encontre. Quelle déception pour la communauté scientifique.
En conclusion : “La formation de benzène dans les e-cigarettes: cela n’existe pas …”
Traduit de l’anglais d’après l’article original “Study titled “Benzene formation in e-cigarettes” found that air has more benzene than e-cigs“.
[1] Benzene formation in electronic cigarettes – James F. Pankow & Al. – http://dx.doi.org/10.1371/journal.pone.0173055