Le travail de recherche conduit par une chercheuse canadienne a permis de découvrir les cellules du cerveau responsables de l’aversion pour la nicotine. Une trouvaille ouvrant la voie à de potentiels nouveaux traitements pour arrêter de fumer.
Comprendre le cerveau d’un fumeur
Si jusqu’à présent, les réponses à ces questions étaient inconnues, c’était sans compter sur la dernière étude [1] de Taryn E. Grieder, professeure à l’University of Toronto.
Seule enfant d’une famille composée de 6 personnes étant tous fumeurs, ou ayant fumé par le passé, la chercheuse étudie la nicotine depuis plus de dix ans maintenant. Et à travers son dernier travail scientifique, elle aurait découvert chez les souris, la cellule qui crée l’aversion pour la nicotine. Celle qui se déclencherait lors de la consommation de la première cigarette, et qui en ferait ressortir ce fameux dégoût donc tous les fumeurs se souviennent.
Nouveau mécanisme de fonctionnement découvert pour la nicotine
Les scientifiques savent depuis toujours que la nicotine a un double effet sur le cerveau. Celui de stimuler à la fois le plaisir et l’aversion. Si jusqu’à présent, la communauté scientifique pensait que ce fait provenait d’une activation de diverses cellules dans plusieurs parties du cerveau, le travail de la chercheuse a permis de révéler que la molécule agirait en fait sur deux populations différentes de cellules cérébrales, ou neurones, résidant dans la même zone.
« Nous savons maintenant que la nicotine touche différentes populations de neurones dans une même région, à partir desquelles les neurones se projettent dans les différentes régions du cerveau » explique la scientifique.
Afin d’arriver à cette conclusion, l’équipe de recherche s’est servie de souches de souris ne possédant pas de récepteurs à nicotine. Ces animaux n’étant donc pas pourvus de système de plaisir et d’aversion lors de la consommation de la molécule.
Ils les ont ensuite infectées avec un virus permettant justement d’introduire ces récepteurs à nicotine, puis ont exposé les animaux à de fortes doses du produit, comparables à celles auxquelles un gros fumeur quotidien est exposé. Les souris ont ensuite réalisé un test standard spécialement conçu afin de mesurer les effets gratifiants et/ou aversifs des drogues.
Résultats
D’après les données des chercheurs, un certain type de neurones (dopaminergiques) serait responsable de l’aversion, tandis qu’un autre (GABA) serait responsable de la récompense chez ces animaux. Un constat qui entre en contradiction avec l’idée reçue selon laquelle seule la dopamine est le système de récompense principal.
Et selon la chercheuse, la différence tiendrait au fait que les animaux sont dépendants ou non à la nicotine.
En effet, l’étude aurait révélé que dans le cas d’animaux non dépendants, les neurones dopaminergiques seraient responsables de l’aversion uniquement. Mais lorsque l’animal devient dépendant, ces mêmes neurones joueraient encore le rôle de système d’aversion, mais également celui de récompense (ou plaisir).
« Quand on passe à la dépendance, il y a un changement dans le système de motivation du cerveau (…) Il ne s’agit plus d’avoir un système de plaisir, mais de soulager le mauvais sentiment de ne pas avoir assez de drogue dans le système » explique ainsi la scientifique.
La chercheuse espère que cette découverte pourra ouvrir la voie à de nouveaux traitements destinés à aider les fumeurs à se sevrer de leur tabagisme.
En effet, grâce à cette trouvaille, il devient désormais possible d’imaginer un traitement qui provoquerait le dégoût lors de la consommation d’une cigarette de tabac. Un traitement qui pourrait être similaire à l’Antabus, un médicament utilisé chez certaines personnes alcooliques, qui provoque des nausées lors de la consommation d’alcool.
[1] Taryn E. Grieder el al., “β2* nAChRs on VTA dopamine and GABA neurons separately mediate nicotine aversion and reward,” PNAS (2019). www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.1908724116
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