La députée du PRG, Dominique Orliac, a tenu dans la Depêche du Midi du 16 octobre un discours pour le moins surprenant sur la e-cigarette, repris par Le Monde du Tabac. Explication… Et démontage.
Pour une des 12 députés du Parti Radical de Gauche (PRG), Dominique Orliac, le refus par le parlement européen d’entériner un cadre plus contraignant sur la cigarette électronique n’est pas véritablement un problème : la France dispose d’une législations sur le tabac suffisante, et pour elle, la e-cigarette entre dans le cadre de la loi Evin. Plus concrètement, cela implique pour elle que la e-cigarette peut être interdite de publicité, réservée à des monopoles, et surtout, taxée.
Le PRG, force politique ?
Ne vous moquez pas du PRG : si le parti n’est pas en position aujourd’hui de remporter une élection nationale, son pouvoir de nuisance vis à vis de la gauche française a laissé une trace durable : avec les voix de sa candidate de l’époque, Lionel Jospin aurait pu être présent au second tour de la présidentielle au lieu de Jean-Marie Le Pen.
Comme les Verts, le PRG est un parti dont la représentation est due principalement à son pouvoir de dispersion des voix de la gauche, et c’est la raison principale de la présence au gouvernement de deux ministres du PRG, dont Madame Taubira, celle-la même qui fit perdre Jospin en 2002. Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter de la portée politique réelle du PRG si la e-cigarette n’est pas portée sur le devant de la scène, ce qui ne devrait pas être le cas, puisque le parti va axer sa pression sur les socialistes, aux prochaines municipales, à propos du droit de vote des étrangers.
On s’amusera toutefois de constater que cette députée exagère un peu lorsqu’elle se présente comme troisième force politique de la gauche : si l’Assemblée Nationale était élue à la proportionnelle intégrale, le PRG serait en effet derrière le Front de gauche et les Verts… Avec un député contre respectivement 30 et 24. Pour se faire une idée, le Front National, dans cette hypothèse, en aurait 85.
Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter outre mesure des déclarations de Madame Orliac : la légère adaptation de la loi qui validerait son discours n’est pas à sa portée. Mais une vigilance s’impose tout de même : la possibilité de taxer l’e-cigarette dans les même proportions qu’un paquet de tabac pourrait faire « tilt » dans l’esprit d’un ministre du Budget aux abois…
Mais, finalement, de quoi s’agit-il ?
Le discours de Dominique Orliac est simple, pour ne pas dire simpliste : la e-cigarette contient de la nicotine, donc, selon la Loi Evin, elle dépend de la législation sur les produits du tabac. Elle doit donc être distribuée dans un réseau agréé, interdite de publicité, et taxée à 80 %. Ce qui ramènerait le prix moyen d’un flacon de e-liquide milieu de gamme à 10,62 euros.
Respirez fort, parce que ce raisonnement est très particulier : la loi Evin précise bien qu’il s’agit de produits du tabac. Or, la nicotine utilisée pour réaliser le e-liquide est classée, telle quelle, comme un produit pharmaceutique. Petite astuce de la loi, qui permet de vendre les sprays, patchs, et autres gommes à mâcher que l’on trouve en pharmacie pour le sevrage tabagique, à des tarifs relativement corrects. Songez donc à la tête de votre pharmacien si, demain, le remboursement de ces substituts par certaines mutuelles était interdite, en même temps que la publicité sur le lieu de vente.
C’est un choix essentiel de Santé Publique pour la France, car la cigarette électronique est une porte d’entrée évidente dans le tabagisme, en particulier chez les jeunes … Sa vente chez les buralistes, avec les mêmes règles que pour les cigarettes, est donc une nécessité. -Dominique Orliac
L’intégration de la e-cigarette dans les produits du tabac ferait qu’aussitôt, Alfaliquid, Vincent dans les Vapes, E-senses, D’lice et tous les fabricants de produits français et étrangers pourraient aussitôt attaquer Niquitin ou Nicorette pour concurrence déloyale… Ridicule.
La seule catégorie de e-liquides qui pourrait, à la rigueur, se voir concernée par la Loi Evin, sont les macérats. House Of Liquids, et sa gamme El Toro, Papillon, ou les français de Cheval Vapeur seraient alors ennuyés. Et encore : le fait que le e-liquide soit produit par évaporation et non par combustion de produits tabagiques se défend, avec un bon avocat.
Où l’on touche à la fois à la fin et au fond…
On touche le fond avec l’argument exprimé pour justifier cette haine de la e-cigarette : elle serait une porte d’entrée vers le tabac pour les jeunes. Pourquoi un jeune préférerait-il entrer par la fenêtre alors que la porte est grande ouverte ? On attends toujours de voir un ado dans une boutique de e-liquide, jusqu’à preuve du contraire. Des tests encore récents fait par les journalistes du service public de France Télévision ont montré que les buralistes ne se gênaient pas pour vendre des cigarettes aux mineurs. Alors des e-cigarettes ? Qu’importe le flacon pourvu qu’on aie le tiroir-caisse. Vendre dans les pharmacies ? Mais puisqu’on vous dit que ce n’est pas un médicament, mais du tabac.
Aucune étude aujourd’hui ne corrobore l’hypothèse selon laquelle la e-cigarette objet de mode inciterait les jeunes à fumer. L’argument est sensible, il touche les parents, mais contredit un principe de notre république auquel le PRG est pourtant extrêmement attaché : la présomption d’innocence.
Y aurait-il une raison cachée ?
Allez, on vous la livre : nos dirigeants voient les recettes des taxes sur le tabac s’effondrer, alors qu’ils n’ont toujours pas trouvé le moyen de piquer les sous des vapoteurs. Et ça les énerve, ça les énerve…
Source : http://www.lemondedutabac.com/cigarette-eclectronique-impatiences-parlementaires-suite/