Une recherche qui liait l’utilisation d’un vaporisateur personnel à différentes maladies du foie a été retirée par la revue médicale qui l’avait publiée.

Silence total des auteurs

Cigarette électronique dangers foie étude retirée

Une méthodologie et des conclusions qui posent question.

En juin 2022, une équipe de 13 chercheurs publiait une étude1 s’intéressant aux potentielles conséquences du vapotage sur le foie. Utilisant les données de l’enquête nationale américaine sur la santé et la nutrition (NHANES) des années 2015 à 2018, comptant plus de 178 000 répondants, ses auteurs concluaient qu’il y avait « des chances plus élevées d’utilisation de la cigarette électronique chez les patients atteints d’une maladie du foie », et ce malgré une « faible fréquence d’utilisation »

Pour arriver à cette conclusion, les scientifiques s’étaient contentés de dénombrer les participants ayant répondu « oui » à certaines questions : 

  • Les personnes ayant répondu oui à la question « avez-vous déjà utilisé une cigarette électronique ? » étaient classées comme vapoteuses.
  • Les personnes ayant répondu oui aux questions « avez-vous déjà fumé au moins 100 cigarettes au cours de votre vie ? » et « fumez-vous actuellement ? » étaient classées comme fumeuses.
  • Celles qui avaient répondu oui aux trois questions précédentes étaient classées comme utilisateurs doubles (vapofumeurs). 

L’atteinte des participants par une maladie du foie était quant à elle comptée de la manière suivante. Toute personne ayant répondu oui à l’une des questions suivantes était classée comme malade :

  • « Un médecin ou un autre professionnel de la santé vous a-t-il déjà dit que vous aviez une maladie du foie ? », « avez-vous toujours une maladie du foie ? », « de quel type d’affection hépatique s’agissait-il, stéatose hépatique / fibrose hépatique / cirrhose hépatique / hépatite virale / hépatite auto-immune / autre maladie du foie ? », « vous êtes-vous déjà dit que vous aviez l’hépatite B ? », et enfin « Vous êtes-vous déjà dit que vous aviez l’hépatite C ? ».

De nombreuses failles méthodologiques

Une étude scientifique demande l’application d’une méthodologie qui ne laisse pas de place au doute.

À la lecture de la méthode utilisée pour conduire cette recherche, de nombreuses questions apparaissent. 

D’abord, la question « avez-vous déjà utilisé une cigarette électronique ? » est-elle suffisante pour pouvoir classer quelqu’un comme vapoteur ? Un participant qui aurait simplement essayé la vape d’un ami lors d’une soirée, une fois dans sa vie, et qui aurait répondu oui, serait catégorisé comme vapoteur, alors qu’il ne l’est pas.

De la même manière, un fumeur qui aurait tenté d’arrêter de fumer avec une cigarette électronique, et aurait abandonné le vapotage au bout de seulement quelques jours, serait comptabilisé parmi les doubles utilisateurs. Ainsi, un participant qui fumait depuis 20 ans, et aurait tenté de se sevrer du tabac grâce à la vape, puis abandonné la cigarette électronique seulement trois jours après, serait classé parmi les doubles utilisateurs. Mais trois jours de vapotage sont-ils suffisants pour affecter sa santé d’une quelconque manière ? Est-il vraiment perspicace de considérer que ce court essai de la vaporisation puisse avoir eu une quelconque influence sur une potentielle maladie du foie, comparé à vingt années de tabagisme

Comme c’est la politique de notre revue et de notre éditeur, parce qu’il n’y a pas eu de réponse ou de réfutation de la part des auteurs, le manuscrit a été retiré.<span class="su-quote-cite">Robert Wong, rédacteur en chef de la revue <em>Gastroenterology Research</em> </span>

Ensuite, les questions demandant aux participants s’ils se sont « déjà dit » qu’ils étaient atteints de l’hépatite B ou C interrogent également. Le fait de simplement « se dire » que l’on est atteint d’une quelconque maladie signifie-t-il que nous le sommes réellement pour autant ? 

Enfin, les questions posées ne donnaient aucune indication sur la temporalité des différents comportements. Autrement dit, un participant qui indiquait fumer et vapoter, et être atteint d’une maladie du foie, pouvait tout à fait être victime d’une maladie depuis deux ans, alors qu’il n’avait commencé à vapoter qu’il y a une semaine. Pourtant, puisqu’il aura indiqué avoir déjà essayé la cigarette électronique, il sera classé comme vapoteur malade.

Conclusions… et rétractation

Plus d’un an aura été nécessaire pour que cette étude soit rétractée.

Cette méthodologie, que l’on pourrait qualifier de hasardeuse, n’a pas empêché les auteurs de l’étude d’en tirer la conclusion suivante :

« Notre étude a conclu que malgré la faible fréquence d’utilisation de la cigarette électronique chez les répondants ayant des antécédents de maladie du foie, il y avait des chances plus élevées d’utilisation de la cigarette électronique chez les patients atteints d’une maladie hépatique chronique. Par conséquent, d’autres études prospectives futures sont nécessaires pour évaluer davantage les effets de la cigarette électronique sur les patients atteints de maladies du foie ainsi que les mécanismes précis des toxiques de la cigarette électronique sur le foie. En outre, les résultats de notre étude suggèrent que les praticiens de la santé publique et les décideurs politiques devraient prendre en compte des preuves plus solides des effets toxiques de la cigarette électronique lorsqu’ils prennent des décisions concernant la réglementation de la cigarette électronique aux États-Unis »

Des conclusions qui n’ont, semble-t-il pas convaincu, puisqu’il y a quelques jours, l’éditeur en chef de la revue médicale Gastroenterology Research, où la recherche avait été publiée, a acté sa rétractation

Cette rétractation est le fruit d’une lettre lui ayant été envoyée, qui soulevait des préoccupations concernant « la méthodologie de l’article, le traitement des données sources, y compris l’analyse statistique, et la fiabilité des conclusions »

Des préoccupations qui ont été rapportées aux auteurs, auxquelles ils n’ont jamais répondu malgré un long délai pour le faire. 

« Comme c’est la politique de notre revue et de notre éditeur, parce qu’il n’y a pas eu de réponse ou de réfutation de la part des auteurs, le manuscrit a été retiré », a expliqué Robert Wong, rédacteur en chef de la revue, mais également professeur clinique à la faculté de médecine à la Stanford University. 


1 Association of Smoking and E-Cigarette in Chronic Liver Disease: An NHANES Study”, by Raja Chandra Chakinala et al, published in Vol. 15, No. 3, 2022, p113-119, doi: https://doi.org/10.14740/gr1490.

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