Va-t-il y avoir une pénurie de produits de vape dans les prochains jours ? La question se pose après que la production chinoise se soit effondrée, conséquence du coronavirus Covid-19. Si la situation globale reste vivable, un prolongement de l’état d’alerte serait catastrophique.

En quarantaine

La Chine est sans doute la plus grande usine du monde : beaucoup de matériel y est fabriqué, y compris une gigantesque partie des produits du vapotage. Aussi, lorsque le pays s’enrhume, c’est toute la planète qui tousse. Et en terme de rhumes, le Covid-19, nom du virus de la famille des coronavirus qui sévit actuellement, fait déjà des dégâts sur l’économie dans le monde entier.

Le marché de la e-cigarette est dominé de la tête et des épaules, et on pourrait même dire jusqu’aux genoux, par la Chine. Du moins en ce qui concerne le matériel. L’inquiétude ne concerne absolument pas le e-liquide, largement servi en producteurs locaux.

Une pénurie de vape est-elle possible ? 

Mais les boxs, batteries, atomiseurs, résistances etc. Viennent pour la plus grosse part de Chine. Et quand on dit la plus grosse part, entendez qu’on n’est pas loin de 100 % de la production mondiale si l’on exclut le high end. Innokin, Smok, Joyetech, Eleaf, Wismec, Vaporesso, Uwell, Geekvape, Vandyvape, Voopoo, Wotofo… Sont à l’arrêt pour la plupart.

La question est : va-t-il y avoir pénurie ? Et la réponse est : ce n’est pas impossible.

Pour mieux cerner l’ampleur et les conséquences, nous avons contacté de nombreux professionnels du secteur. 

Quelle est la situation en Chine ?

Coronavirus de type SRAS, proche du Covid-19.

La montée en puissance du plan de crise pour répondre au coronavirus a eu lieu pendant les vacances du nouvel an chinois. Autrement dit, à deux semaines de fermeture traditionnelle ont succédé des fermetures forcées.

Le nouvel An chinois est une époque assez compliquée : les usines ferment, mais les entreprises continuent de prendre des commandes. A la rentrée, charge à eux de rattraper ce retard, ce qui prend généralement plusieurs jours. Là, la rentrée n’a pas eu lieu.

Certaines entreprises ont eu l’autorisation de reprendre le travail. Mais cette reprise reste théorique. 

Certaines entreprises ont eu l’autorisation de reprendre le travail au 10 février, autorisation qui a été suspendue par le gouvernement au dernier moment, et reportée à une date indéterminée.

D’autres entreprises on rouvert le 13 février. Théoriquement. Parce que ce n’est pas le cas pour beaucoup de leurs fournisseurs, créant une pénurie de matières premières. Ensuite, parce que les ouvriers ne sont pas forcément présents.

Bon nombre d’ouvriers n’ont pas pu ou pas voulu réintégrer leurs postes, et de nombreux sous-traitant sont encore fermés, paralysant de fait l’activité. 

Bon nombre de travailleurs ne sont pas originaires des mégalopoles comme Shenzhen, et retournent chez eux au moment du nouvel an. Les mesures de quarantaine ne leur permettent pas forcément ensuite de réintégrer leur lieu de travail. D’autres n’ont tout simplement pas envie de revenir et de risquer leur vie. Le droit du travail chinois étant très différent de celui que nous pouvons connaître en Europe, rien ne les y oblige.

Un directeur d’usine a confié à un grossiste européen que sur ses 6500 ouvriers, pour l’instant, seuls 35 avaient pu rejoindre leur poste.

Il faudra du temps pour éponger le retard accumulé sur la demande mondiale. La situation pourrait revenir tardivement à la normale.

Si des reprises d’activités se font et que d’autres sont prévues, il va s’écouler un certain temps avant que les capacités de production ne regagnent leur niveau d’avant la crise, et un temps encore plus certain avant que le retard accumulé ne soit épongé.

D’après nos informations, des cadres commerciaux chinois sondent déjà leurs clients à l’international pour savoir quels produits sont le plus prioritaires à fabriquer. Il convient de comprendre que les produits ne sont pas fabriqués en vue d’une mise en stock, mais façonnés à la commande. Il n’y a pas de stock, ou très peu et très rarement, dans les entreprises chinoises, qui ont un art consommé du flux tendu.

Quelle est la situation chez les grossistes et distributeurs ?

Gare de Wuhan, d’où est partie l’épidémie.

Il y a deux catégories de grossistes distributeurs : ceux qui nous ont poliment répondu qu’ils ne souhaitaient pas s’exprimer sur le sujet (signe indubitable qu’il y a bien un sujet et qu’ils y réfléchissent très sérieusement), et ceux qui nous dressent un tableau pessimiste. Aucun de ceux que nous avons pu joindre ce 13 février n’a pu dresser une situation commercialement rassurante.

Déjà, premier point : les grossistes se ferment les portes entre eux. En période normale, les échanges de stocks et dépannages sont monnaie courante entre professionnels. Actuellement, la règle est : chacun pour soi avec une priorité claire pour les boutiques spécialisées.

L’état des stocks varie en fonction des marques et des grossistes en Europe. 

L’état des stocks dépend des marques. Si, pour certaines d’entre elles, plusieurs grossistes nous ont confirmé un stock disponible leur permettant de couvrir entre deux et cinq semaines de commandes, d’autres sont dores et déjà épuisés. Chez beaucoup de grossistes, impossible par exemple de trouver un Zénith Pro. Chez l’un ce sont par exemple des résistances pour Veco qui font défaut, alors que chez l’autre le matériel Eleaf a littéralement disparu des étagères.

Les commandes sont passées, depuis longtemps. Beaucoup nous ont parlé de grosses quantités en attente depuis début janvier. Et par grosses quantités, il est question de plusieurs centaines de milliers de dollars.

De nombreux professionnels traitant habituellement de gros volumes, avouent essayer de privilégier les petits shops indépendants, instaurer un quota de commandes, et autres précautions pour ne pas impacter plus une partie de la filière qu’une autre.

Et dans les shops ?

Shenzhen, à 1000 kilomètres au sud de Wuhan.

Les magasins que nous avons contactés ne sont pas inquiets, pour le moment. Aucun d’entre eux n’a noté de pénurie, et le seul signe qu’ils ont pu déceler est une limitation dans les quantités de produits lorsqu’ils ont tenté de prévoir un stock un peu plus large.

Comme le dit le directeur d’une grande enseigne « c’est la panique et le surstock qui sont à craindre. Si nous n’agissons pas rationnellement, nous allons créer nous-même la pénurie. »

Le risque est que les shops, en se précipitant, accélèrent la survenue de la pénurie. 

Mais les petits indépendants sont tout de même inquiets. Un d’entre eux nous expliquait « j’ai un magasin, je suis tout seul avec un employé à mi-temps, en zone rurale, et je n’ai pas la trésorerie pour commander d’avance un mois de stock. Là, j’ai une semaine devant moi, et ensuite, si mon grossiste est incapable de me livrer, je n’ai plus rien. Mon chiffre a déjà bien baissé suite aux histoires aux USA cet été, et j’en suis à me demander si je m’en relèverai. »

Il termine en précisant que le buraliste juste en face de chez lui n’aura certainement aucun problème d’approvisionnement sur le tabac…

Mais il n’y a que la vape ?

Non, la vape n’est pas la seule concernée. Le cadre d’une grande enseigne nationale de distribution d’électroménager nous confie que, si la direction n’est pas inquiète, l’évolution de la situation est suivie en temps réel.

La vape n’est pas la seule touchée. Tous les secteurs industriels sont plus ou moins impactés. 

« J’imagine très bien le problème que peut subir la vape, qui est mono-produit » explique-t-il « nous avons l’avantage d’être multi-produits, si demain je n’ai plus de télés ou de téléphones à vendre, il nous restera des machines à laver ou des appareils à raclette. Pour un temps… ».

Et les enseignes impactées ne sont pas les premières venues. Apple a annoncé une baisse de production de 10 % faute de composants. Hyundai, Renault, Peugeot et Citroën ferment des sites de production en Asie. Airbus aussi.

Quelles conséquences à long terme ? 

Après la crise de la vape américaine cet été, ce deuxième séisme pourrait coûter très cher à la filière vape, et certains pourraient ne pas s’en relever. 

Même si la crise s’arrête rapidement (les coronavirus ne supportent pas la chaleur, et l’arrivée des beaux jours devrait interrompre l’épidémie), le retard à rattraper sur les commandes risque de se faire ressentir. Si les grandes enseignes de vape ont le stock et la surface financière pour absorber le choc, les petits indépendants, déjà durement touchés il y a à peine six mois avec l’affaire du THC aux USA vont subir de plein fouet les conséquences.

Il est possible que 2020 voie disparaître un nombre assez important de petites boutiques, réduisant l’offre indépendante faite aux fumeurs et la visibilité de la vape. Les chiffres publiés régulièrement dans PGVG magazine permettront certainement d’en savoir plus.

A se demander si les antivape n’ont pas embauché un lanceur de malédictions.

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