« C’était mieux avant » ! s’exclame le boomer le soir au coin du bois, mais ce cri piteux sorti du fond des âges n’appâte plus le monde qui, sans fatiguer, avance vers le progrès. Seule la vape semble rechigner à rejoindre le mouvement, en proposant toujours des trucs nouveaux. Désolant.
Avec le temps, va, tout s’en va
Alors qu’il déambulait dans la rue, résistant à la tentation d’utiliser son gimmick habituel, décrire la météorologie ambiante, et pourtant, nous avons une bien belle arrière-saison, même si l’observateur attentif notera que, sur les arbres, les feuilles jadis vertes ternissent et pâlissent, avant-goût de leur chute automnale, l’auteur de l’article du vendredi fut frappé par une révélation subite.
Plusieurs révélations subites, en vérité.
La première, que la mort d’Alain Delon l’avait marqué plus qu’il en l’aurait cru, puisqu’en un hommage déguisé, il parlait désormais de lui à la troisième personne. « Il faudra qu’il songe à résoudre ce problème », se dit-il à lui-même, de lui-même.
La seconde, c’est que nous étions hardiment, irrémédiablement, en marche vers le futur. Et que, lors de cette marche vers le futur, il fallait choisir les bons embranchements. La route est semée, non pas d’embûches, mais de panneaux indicateurs tombés dans la boue aux embranchements. Tel Nedry dans Jurassic Park, on le fait pivoter piteusement sur son axe en se demandant pourquoi les petits dinos rigolos essaient de nous bouffer.
Choisir, c’est renoncer
Un exemple de mauvais embranchement, c’est d’avoir choisi la Xbox, puis d’apprendre que le remake de Silent Hill 2 sortira en exclusivité sur PlayStation. De même que le reissue de Metal Gear Solid 3. Heureusement, il existe des gens moins sectaires, et les remakes de tous les Resident Evil sortent sur tous les supports.
Enfin, peut-être que vous n’avez pas compris ce que je raconte au-dessus, que l’univers du jeu vidéo vous indiffère. Et c’est quelque chose de tout à fait normal. Sans doute êtes-vous cinéphile, et préférez-vous avancer vers le futur avec les reboots de Massacre à la Tronçonneuse, de SOS Fantômes, les rumeurs de remake de Retour vers le Futur, du retour des Goonies, ou juste la suite de Beetlejuice, qui affirme sans conteste qu’il faut battre le fer tant qu’il est froid.
Voire, vous êtes des fans de Marvel, qui reprend à zéro ses univers tous les trois ans, à vue de nez.
Tandis que j’écris ces lignes, une nouvelle pop sur mon fil d’actualités : James Cameron annonce un nouveau Terminator, qui « fera table rase du passé pour repartir sur des bases saines ».
La Renaissance pour les nuls
Curieusement, la littérature semblait, seule, dans une position passéiste-réactionnaire de vouloir proposer sans cesse de l’inédit (toutes proportions gardées). Du moins, le croyais-je, à tort. Mais, lors de ma visite annuelle sur Twitter, je me rendis compte de mon erreur : de joyeux internautes semblaient, eux aussi, vouloir réécrire des pans entiers de la littérature en usant de cette manière mêlant concision phraséologique, sécheresse stylistique et dépouillement sémantique typique de notre époque.
Manifestement, ils avaient choisi de commencer par Bagatelle pour un massacre de Céline, un choix assez curieux.
Seule, perdue au milieu de cet océan de progrès, la vape semblait avancer à reculons vers l’avenir. Nulle trace, j’ai vérifié, dans les projets, d’un remake de l’eGo-C, d’un reboot du Stardust ou d’une suite aux cartos Boge. On se demande comment l’e-cigarette va pouvoir aller de l’avant si elle n’avance pas d’un pas hardi vers le passé.