Les Jus du Chat Perché est un acteur récent dans le monde des liquidiers français, mais Jean-Christian Haltel, son créateur, est déjà un vétéran. Il nous raconte l’histoire de cette gamme qui, d’emblée, frappe fort.
Dur à convaincre
Il était une fois un passionné, Jean-Christian Haltel, sur le berceau de qui les fées s’étaient penchées pour lui faire un don : transformer une passion en un métier. “J’ai commencé avec un BAFA, explique-t-il. Je m’occupais d’enfants, ça a été mon premier métier. Là, j’ai rencontré des artistes de cirque, j’ai été instantanément fasciné par ce monde, et je suis devenu, de fil en aiguille, professeur de cirque dans les écoles du Club Med.” Mais finalement, il se rend compte que le Club, ce n’est pas son truc.
“Je suis rentré en France où j’ai pris le statut d’intermittent du spectacle. J’ai monté une association, et, passionné de musique, je suis devenu DJ, détaille-t-il. Je le suis encore aujourd’hui, la musique est une passion qui ne m’a jamais quitté. À l’école, j’avais travaillé sur ordinateur, j’ai commencé à travailler dans l’informatique. En 1999, j’ai fait une reconversion professionnelle, je suis devenu concepteur multimédia et Web designer, et là, coup du sort, une pancréatite, qui est une maladie très sérieuse. C’était le 28 octobre 2011, dernier jour où j’ai bu de l’alcool, j’ai arrêté sans difficulté. En revanche, il fallait également que j’arrête le tabac, et là, ça coinçait.”
Et si ce résident de Vitry-le-François, dans la Marne, est capable de transformer ses passions en métier, le destin s’amuse, lui aussi, à en placer sur sa route. “De 1999 à 2015, j’ai travaillé pour une agence de graphisme. En 2013, je menais deux projets simultanément, avec deux graphistes. Un jour, en 2013, j’en vois un qui suçotte un truc. Je lui demande ce que c’est, et il m’explique que c’est une cigarette électronique.”
Et là, révélation, passion, métier ? “Pas du tout. Je me suis ouvertement payé sa tête.” Échec, donc. “Le lendemain, la même, sur le second projet, l’autre graphiste, lui aussi avec une vape. Bon, là, clairement, problème. Je les connaissais bien tous les deux, je savais que c’étaient des gens intelligents, je me suis posé des questions, donc je lui ai posé des questions.”
Qui ne change jamais d’avis…
Curieux, Jean-Christian Haltel commande son premier kit. “Quelques jours plus tard, le colis arrive. Il y avait deux eGo, le graphiste m’explique comment ça marche, je me mets à bosser à onze heures du matin, et à onze heures du soir, je regarde mon paquet de clopes, intact.”
Et là, un point de passage quasi obligé pour les vétérans. “Je me pose encore des questions, et en cherchant, je me retrouve sur le grand fofo. J’y découvre les jus américains, le Boba, le Gorilla juice, le El Kamino… Des liquides souvent en import direct des USA, qui coûtaient à force un peu cher, donc je me suis tourné vers le DIY.”
Ainsi, fin 2013, quelques mois après s’être payé la tête de son camarade, le futur patron des Jus du Chat Perché vape son propre DIY sur du reconstructible. Et, encore, l’envie de s’immerger dans cette passion pour en faire un métier. “Je voulais monter un magasin, aider les gens à arrêter aussi la cigarette. Mais j’étais encore assez malade, pas assez en forme en tout cas pour subir tout ce qu’implique une création d’entreprise. J’apprends qu’un shop se monte dans mon secteur, je les contacte, et parviens à me faire embaucher comme vendeur et formateur réseau.”
Un univers de gourmandises
Jusqu’en 2020. “Là, il y a eu le Covid. Et, petit à petit, je m’étais retrouvé en désaccord avec leur vision de la vape. Ça a été l’occasion, j’ai décidé de ne pas y retourner. En mars 2020, j’ai commencé à retravailler sur l’idée de ma propre boutique, qui a ouvert en janvier 2021.”
Jean-Christian est désormais libre. “J’avais des liquides, des créations maison, qui étaient dans les tuyaux, prêts depuis un moment, et l’envie de créer ma propre marque de liquides. La quête d’un labo pour les fabriquer a donc commencé.”
Une quête qui s’avère compliquée. “Les conditions de certains, les prix des autres, ou les quantités minimum exigées pour le premier batch, ça n’allait pas. C’est là que Damien de High Vaping m’a présenté Mehdi Chiadmi de CDS Lab, qui, malheureusement, n’est plus là.” Mehdi Chiadmi, cofondateur de CDS Lab, est décédé en janvier 2021 dans un accident de la circulation à l’âge de 40 ans.
Avec l’aide de Mehdi Chiadmi, le gérant de boutique monte donc le premier projet de liquide le H&G, Hansel & Gretel. Une tarte abricot, banane, citron et pain d’épices. Qui existe en version classique et version fraîche. “Un pur accident, explique son créateur. J’ai pris une bouteille pour la vaper, et en mettant de la nicotine, j’ai saisi par erreur un booster frais qu’on m’avait envoyé en échantillon et qui traînait sur mon bureau.” Le résultat surprend agréablement Jean-Christian. “Après tout, c’est ainsi que sont nées les bêtises de Cambrai ou la tarte Tatin”, souligne-t-il.
Suivront le Petit Chaperon Rouge, abrégé de PCR, “un petit clin d’œil au Covid…”, une amandine cerise pomme avec une glace à la vanille. Puis le Alice et Bastet, un crumble pêche agrume et chocolat blanc.
Créer, toute une histoire
“Je vape de tout, explique Jean-Christian. Du tabac gourmand, des bonbons… À une époque, je ne vapais que de la custard. Jusqu’en 2015, où il faisait une chaleur d’enfer.
À chaque goutte de custard vapée, une goutte de sueur supplémentaire apparaissait. Là, je me suis tourné vers les fruités, et je me suis rendu compte qu’ils passaient bien.” Les gourmands fruités, mélange de ses deux passions, sont devenus en quelque sorte sa spécialité.
Pour créer, il part d’une idée. “Je travaille une recette dans l’aromathèque que j’ai montée à la maison. Quand je suis satisfait du résultat, j’envoie au labo, qui me fait des échantillons, de retour, j’envoie mes remarques, et on affine. Pour le PCR, l’amande nous a donné beaucoup de mal, c’était toujours très amer. L’aromaticien a finalisé le jus après que nous soyons repartis de zéro”.
Et, après avoir finalisé le liquide, Jean-Christian cherche un conte auquel l’associer. “Ou, à l’inverse, il m’arrive de partir d’un conte et de chercher une idée de liquide à partir de cela.” Une démarche somme toute très naturelle pour ce grand lecteur.
Pour l’instant, il y a trois références. “D’autres arrivent, annonce-t-il. Mais je ne sors pas des jus à la pelle, je les sors quand ils sont prêts. L’objectif, c’est qu’ils soient gourmands, mais pas écœurants, pas blindés de sucre. Mes clients font passer deux fioles de 60 ml sur la même mèche, ce qui est bon signe.”
Savoir prendre son temps en toute chose
La preuve, c’est le CCC. Le quatrième Jus du Chat Perché, qui ne satisfait encore pas tout à fait Jean-Christian. “J’avais planifié de le sortir pour la fin d’année, mais ce sera janvier, ou plus tard, quand il sera finalisé en tout cas.”
Puis vient la phase de test. “Mon bêta-testeur numéro un, c’est ma fille, Alice, qui vapote depuis sept ans. Un soir, elle avait 16 ans, elle rentre à la maison en sentant la clope. Je la questionne, elle me dit fumer deux ou trois clopes par jour, et je décide de lui prêter une vape, ça lui a plu. Depuis, elle a testé plein de liquides.” Il faut dire que le papa est un excellent pourvoyeur de nouveautés. Alice travaille également à la boutique.
Ses autres bêta-testeurs, ce sont ses clients. Certains à force sont devenus des amis. Il prend note de leurs remarques. Il faut que les liquides lui plaisent, mais il doit faire abstraction de ses goûts pour plaire au plus grand nombre.
Jean-Christian trouve une logique à sa passion de la création de liquides : “J’ai grandi dans un café hôtel-restaurant, mon père était cuisinier. J’ai été graphiste, DJ, et au final, tout cela, c’est une affaire de mélanges, de saveurs, de couleurs et de notes, pour chercher un équilibre, le beau, le bon.”
Les Jus du Chat Perché a des projets. “On travaille sur une refonte graphique de la marque. Avec Modske, un graphiste que je connais, puisque c’est lui qui m’a mis à la vape.”
En route pour le futur
Les Jus du Chat Perché, c’est une histoire de rencontres. “Je pense à Rahim Abdallah, d’Al Kimiya, que j’ai croisé à Vapexpo, je lui ai donné un flacon de H&G, il m’a présenté à Jouany Prod qui est devenu distributeur, à Seb et la Vape, qui a fait la première revue de mes liquides. Il a dit qu’il retrouvait les sensations d’un liquide à l’ancienne au Vapelier, qui a mis deux de mes trois liquides en top jus…”
Les Jus du Chat perché seront au Vapexpo. “J’y suis allé tous les ans, depuis le début, mais ce sera la première fois en tant qu’exposant. Nous aurons un corner sur le stand CDS Lab”.
Créer des goûts dans un univers de contes, l’environnement idéal pour un passionné : la seule limite, c’est celle de la créativité. Et au vu de celle de Jean-Christian Haltel, bon nombre de belles choses sont à venir. Des liquides à vaper, pas seulement en lisant Perrault ou Andersen, même si vous devriez essayer, ça ressemble au bonheur.
A la rencontre de nouveaux horizons