BlakRow est le plus helvétique des juice makers, et ceci explique peut-être cela. Dans un pays paradoxal où le climat est rude et la fiscalité douce, où le pacifisme et la neutralité sont primordiaux pour les habitants qui sont pourtant parmi les plus armés au monde, et où la gastronomie est aussi roborative pour les corps que les paysages pour les cœurs, la vape devait à la fois être classique et originale.

Alain Vogel, créateur de BlakRow

Un parcours alambiqué

Alain Vogel, qui préside aux destinées du liquidier BlakRow, a accepté le challenge. L’homme derrière l’Aïoli Vape Challenge, qui a tant fait parler au Vapexpo Paris 2022, a eu un parcours quelque peu original, lui aussi.

“J’ai commencé comme électronicien avant de devenir animateur radio, raconte-t-il. Puis, à 23 ans, je suis parti aux États-Unis, où j’ai obtenu un diplôme en marketing à l’université de Floride. J’ai vécu cinq ans aux USA, puis, sur un coup de tête, je suis rentré en Suisse. Là, j’ai travaillé dans les télécoms, avant de repartir en Angleterre pour y passer un master en marketing. Rentré en Suisse, j’ai créé un site de vente d’articles de puériculture en ligne, mais, en 2001, c’était peut-être un tantinet en avance. J’ai vendu le site et je suis retourné travailler dans les télécoms pour le compte de l’État, avant d’arriver dans le secteur cosmétique par hasard.” Et de conclure placidement : “Je concède que ce n’est pas un parcours très linéaire, je me cherchais.”

Le boss de BlaKrow découvre la vape à ses débuts, dans la première moitié des années 2010. “Seulement, je supportais mal les hauts taux de nicotine, ce qui fait que je suis resté hybride très longtemps. C’est l’arrivée des sels de nicotine qui m’a permis de terminer mon sevrage”, confie-t-il.

Un sevrage total qui lui donne des ailes. C’est à cette époque qu’il a connu sa première expérience de juice maker. Son parcours lui sert. “J’ai utilisé mes connaissances en cosmétiques, surtout en réglementation, pour concevoir des liquides au départ assez simples, détaille Alain Vogel. Il faut dire qu’au niveau sécurité des liquides et des produits cosmétiques, on est au même niveau.”

Sortir des sentiers battus

Vers 2019, il commence à imaginer sa première marque : Swiss Vape. “J’avais cerné la demande du marché, on était sur des liquides complexes. Je me libère donc à ce moment-là du liquide traditionnel tabac-menthe, pour expérimenter des goûts dont on n’avait pas l’habitude, comme le cactus-corossol-avocat qui est devenu un best-seller.”

Et c’est là également qu’il conçoit son premier buzz : un liquide à la fondue. “C’était particulier, mais au moins, je me suis fait remarquer”, rigole-t-il. Mais ce n’est qu’à moitié une blague. “Si la fondue et l’aïoli étaient des liquides pour faire le buzz, ils n’ont jamais été destinés à être vendus, admet-il. Mon but est de démontrer que d’autres saveurs sont possibles, des associations audacieuses, des goûts qui n’ont jamais été tentés jusque-là. Gustativement parlant, on peut tout faire avec la vape, alors, faisons-le. C’était aussi une démonstration technique, une façon de montrer un savoir-faire.”

Le diplômé en marketing décrypte le marché à la lueur de son expérience. “Il y a des similarités avec le marché du parfum. Ça fonctionne par tendance. Nous étions ces derniers temps sur des saveurs complexes et des fruits exotiques, papaye et fruit du dragon en stars. Aujourd’hui, je pense qu’on va revenir à plus de simplicité, avec un retour en force du cassis et de la myrtille.”

Affineur de marques

BlakRow, c’est une marque qui se décline en gammes. “Au début, j’ai fait l’erreur de vouloir lancer plusieurs marques. Mais mon mentor en marketing, Manelik Sfez (un spécialiste suisse du branding, ndlr), m’a rapidement démontré que c’était une erreur : pour bien gérer, il fallait une marque, à l’intérieur de laquelle on trouverait des marques. Donc V-Twin, Oishi, Rated-X, A. Blakrow sont des gammes de BlakRow. Ted Wilson aussi, mais sur cette dernière, l’industrie du tabac essaie de me causer des problèmes.” (voir VapingPost Magazine numéro 1)

Parallèlement à son aventure de liquidier, Alain Vogel tient aussi un site Internet et une boutique, La Fabrick, située à Montreux en Suisse. “Je l’ai ouverte en 2019, en même temps que je commençais à créer mes liquides. C’est le plus petit shop de Suisse, il fait 10 m². On a préféré la proximité et le conseil à la quantité. Par manque de place, les gammes sont très choisies, on a des classiques incontournables et quelques petites pépites, en exclusivité.” Et ses clients se muent parfois en cobayes. Avec son propre labo, il peut produire de toutes petites séries et les faire tester directement en boutique.

Mais justement, comment conçoit-il ses liquides ? “Je pars d’une idée que j’ai en tête, elle fait ‘pop’ ! Et je me dis que ce serait bien de faire ça en vape. Pour la conception, je travaille comme un parfumeur. Je cherche d’abord les arômes de tête, puis de cœur, puis de fond. Ça exige, en revanche, une très bonne connaissance des arômes qu’on utilise. Je travaille sur du 100 ml, ce qui laisse une plus grande marge d’erreur, et une fois que j’ai obtenu quelque chose qui me plaît, je le fais tester en boutique avec quelques personnes qui sont mes testeurs de choix. J’écoute les retours et j’ajuste”, confesse-t-il. Alain Vogel applique une règle qui lui a réussi jusqu’à présent : “Avant de goûter un liquide, toujours, la première chose à faire, c’est le sentir.”

BlakRow est une des rares marques suisses qui permet à son créateur d’en vivre. “On a un tout petit marché, il faut se distinguer. Ce qui m’a donné un énorme coup de pouce, c’est un de mes premiers liquides, un thé glacé, reproduction quasi parfaite d’une boisson mythique vendue dans une chaîne de supermarchés. Ça a été un best-seller dès le premier mois, et c’est devenu un des, si ce n’est le classique de ma gamme.” Une madeleine de Proust version helvète.

Franchissement des Alpes

2022 marque une année particulière : le franchissement des Alpes et l’arrivée en France, via un premier grossiste, ADNS. “Stratégiquement, il fallait que je me démarque. C’est de là qu’est né l’Aïoli Vape Challenge. Le concept : un liquide à l’aïoli, assez ressemblant d’ailleurs, mais qui est précisément le genre de choses que l’on n’a pas envie de vaper. Ça a commencé comme une blague, et puis ça a pris de l’ampleur. Vapostore m’a suivi dans toutes ses boutiques. C’était surprenant et génial, surtout de la part d’une franchise sérieuse.”

Le Vapexpo Paris 2022 est alors abordé quasiment comme une guérilla. Alain Vogel arpente les allées pour convier les participants à relever le défi. Le tout dans une ambiance bon enfant et de convivialité qui imposent BlakRow comme une marque sympathique, à l’image du maître de ses destinées. Le challenge surprend le liquidier lui-même. “Une boutique en Guadeloupe a fait le challenge ! Le liquide a même été testé par un reviewer portugais”, s’enthousiasme-t-il.

2023 sera une année qu’Alain Vogel désigne comme expérimentale. “Déjà, j’entre sur le marché français, et si ça a commencé en 2022, cette période sera clairement charnière. Il y aura un autre liquide dans la lignée de l’aïoli, pour la blague, au Vapexpo Lyon où je serai exposant, mais plus tard dans l’année, au Vapexpo suivant, je vais dévoiler une gamme de liquides différents et audacieux dans les associations de goûts.”

Pour lui, on peut tout faire en vape, et on est encore loin d’avoir fait le tour. En attendant, entre sa boutique en Suisse, son implantation en France et sa participation au Vapexpo Lyon, son actualité est chargée. Et vous risquez fort de le croiser à maintes reprises. L’occasion de tester ses liquides qui, du fruité frais le plus classique à la menthe la plus surprenante, offrent tous une touche qui n’appartient qu’à lui. Un vent de fraîcheur comme une brise sur les sommets enneigés.

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