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Vape et cancer : pourquoi la dernière étude sur les souris est biaisée

Mis à jour le 9/07/2020 à 14h41
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Qui mieux qu’un expert toxicologue peut passer au peigne fin une étude de toxicologie ? Sollicité par le Vaping Post, Le Dr Eric Blouin [1], a analysé l’étude américaine [2] qui a défrayé la chronique cette semaine. Si beaucoup a déjà été dit, il nous révèle encore quelques surprises et dénonce une méthodologie malhonnête. Ni plus. Ni moins.

Le choix du modèle animal c’est le B.A.BA d’une étude toxicologique. Les souris sélectionnées développent spontanément des cancers pulmonaires. C’est malhonnête.”Dr Eric Blouin

Episode 1 : les caractéristiques de l’étude

Des souris, des cellules humaines, de la nicotine et de la nitrosamine cancérigène plein pot, ne pas oublier le formaldéhyde. Résultat ? Un ADN modifié et des cellules incapables de le réparer. Conclusion ? La “fumée” de cigarette électronique peut contribuer au cancer du poumon, de la vessie et aux pathologies cardiovasculaires.

Méthodologie utilisée, résultats et conclusion des chercheurs

Dans cette étude, les auteurs ont fait deux séries de tests, l’une sur des souris “FVB/N”, l’autre sur des cellules humaines dans les conditions rappelées ci-dessous :

Tests sur les sourisTests sur les cellules humaines

Etude in vivo chez la souris FVB/N

Dix souris FVB/N mâles ont été exposées à de la vapeur d’e-cigarette générée par un robot à vapoter, 3h/jour, 5 jours/semaine pendant 12 semaines avec un e-liquide 50/50 PG/VG contenant 10 mg/ml de nicotine (bouffées de 4 secondes toutes les 30 secondes, soit au total 360 bouffées par jour d’exposition). Le voltage n’était pas constant, selon les auteurs il était ajusté entre environ 1,96 et 4,2 V, sans donner davantage de précision et le tank était rechargé toutes les 1h30. Ces souris étaient comparées à dix souris mâles FVB/N contrôles non exposés à la vapeur.

Etude in vitro sur les lignées cellulaires humaines

Les auteurs ont exposé in vitro des lignées cellulaires épithéliales humaines de poumons et de vessie à des doses de nicotine et de nitrosamine ketone (NNK), variant respectivement de 1 à 200 M et de 100 à 1 000 M.

Résultats des expérimentations : Les auteurs ont retrouvé chez les souris exposées à la vapeur d’e-cigarette des dommages à l’ADN dans différents organes : poumon, vessie et cœur. L’activité de réparation de l’ADN a été également significativement réduite dans les poumons. Ces résultats ont été retrouvés in vitro sur les lignées cellulaires épithéliales humaines de poumon et de vessie exposées à la nicotine ou à la nitrosamine ketone. 

Conclusion de l’étude : il est possible que la “fumée” de cigarette électronique contribue chez l’homme au cancer du poumon et de la vessie, ainsi qu’aux pathologies cardiovasculaires.

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Episode 2 : les méthodologies utilisées

Le choix de souris qui développent spontanément des cancers pulmonaires, l’absence de contrôle du voltage et son incidence sur la formation de formaldéhyde, l’exposition à des doses massives de nicotine et de nitrosamine ketone trouvable au mieux sous forme de traces dans la vapeur de la cigarette électronique.

Analyse des méthodologies

Plusieurs points sont à prendre en considération quand on analyse les résultats de ce type de publication.

La validité du modèle animal

Les souris FVB/N utilisées développent spontanément des cancers pulmonaires

Dans cette étude des souris FVB/N mâles ont été utilisées. Or, il a été mis en évidence depuis plusieurs années et dans différentes études (Mahler et al, 1996 ; Wakefield et al, 2003 ; Baron et al, 2005) que ce modèle animal peut développer spontanément des tumeurs.

Ainsi, Mahler et al ont suivi 50 mâles et 116 femelles souris FVB/N de l’âge de 8 semaines à 2 ans (Mahler et al, 1996). A l’âge de 14 mois, l’incidence des tumeurs était de 13 % chez les mâles et de 26 % chez les femelles. Chez tous les mâles atteints et chez la plupart des femelles, il s’agissait de tumeurs pulmonaires. La survie à 24 mois était d’environ 60 % dans les 2 sexes (29/50 mâles, 71/116 femelles) et l’incidence des tumeurs était de 55 % chez les mâles et de 66 % chez les femelles.

Le contrôle du voltage un impératif 

Le contrôle du voltage de l’e-cigarette est également un point important pour l’analyse des résultats. En effet, du formaldéhyde et de l’acétaldéhyde peuvent être générés par l’oxydation du propylène glycol et du glycérol au contact de l’atomiseur. L’acétaldéhyde est un cancérigène possible (groupe 2B du CIRC) et le formaldéhyde est un cancérigène connu (groupe 1 du CIRC).

Le voltage de la batterie influence la concentration de ces composés dans l’aérosol. Ainsi, il a été démontré dans un test d’utilisation prolongé (150 bouffées de différents modèles d’e-cigarette avec un robot à vapoter) que l’augmentation du voltage de 3,2 à 4,8 V entraînait une augmentation des concentrations de formaldéhyde et d’acétaldéhyde qui dépassaient alors les valeurs cibles de la norme AFNOR dans l’aérosol généré. Dans l’étude l’augmentation des concentrations de ces composés était observée à partir d’un voltage supérieur à 3 V (Bekki et al, 2014).

Une exposition des cellules humaines à des doses létales de nicotine

S’agissant de l’étude in vitro sur les lignées cellulaires humaines, les doses de nicotine auxquelles ont été exposées les cellules sont compatibles avec les doses toxiques voire létales décrites dans la littérature.

La nitrosamine ketone pratiquement absente dans la vapeur émise par les cigarettes électroniques

La majorité (80 %) de la nicotine inhalée dans la fumée est rapidement métabolisée en cotinine, qui est excrétée dans la circulation sanguine puis dans l’urine. La cotinine est généralement considérée comme non toxique et non cancérigène. Une petite partie (< 10%) de la nicotine inhalée serait métabolisée in vivo en nitrosamines, parmi lesquelles la nitrosamine ketone (NNK) qui est un cancérigène connu (groupe 1 du CIRC).

Plusieurs publications (Goniewicz et al, 2014 ; Flora et al, 2016) se sont intéressées aux doses de NNK dans la vapeur générée par différents modèles d’e-cigarette et d’e-liquides. Soit la NNK n’est pas retrouvée, soit elle est retrouvée à l’état de trace à des doses de l’ordre du nanogramme.

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Episode 3 : L’interprétation des résultats

Etude sur la sourisEtude sur les cellules humaines

Etude in vivo chez la souris FVB/N

Il n’est pas possible de conclure sur l’impact éventuel de l’exposition à la vapeur d’e-cigarette des souris FVB/N pour plusieurs raisons :

  • Le modèle animal utilisé n’est pas bon, car il développe spontanément des tumeurs bronchiques. De plus, les études de toxicité aigüe menées avec la nicotine ont montré une sensibilité plus grande de la souris aux effets toxiques de la nicotine versus le rat ou le lapin.
  • L’âge des animaux utilisés n’est pas précisé dans la publication.
  • Le nombre de bouffées auxquelles les animaux ont été exposés est très élevé : 360 bouffées/jour d’exposition, soit 21 600 bouffées sur l’ensemble de la durée de l’étude.
  • La dose de formaldéhyde formé n’a pas été contrôlée, or si l’e-cigarette a été mal utilisée et que le voltage a été trop important, les animaux ont pu être exposés pendant plusieurs semaines à des doses élevées de formaldéhyde qui est un cancérigène connu.

Etude in vitro sur les lignées cellulaires humaines

Là non plus, il n’est pas possible de conclure sur l’impact éventuel de l’exposition in vitro des lignées cellulaires humaines à la nicotine et à la nitrosamine ketone :

  • Les doses de nicotine utilisées sont trop élevées, correspondant à des doses toxiques.
  • Les doses de nitrosamine ketone utilisées sont également trop élevées, de l’ordre de mille fois supérieures à ce qui est mesuré dans les études publiées qui retrouve la nitrosamine ketone dans les vapeurs d’e-cigarette.

Conclusion

Les doses de nicotine et nitrosamine ketone utilisées sont trop élevées, toxiques et non conformes avec la réalité de l’utilisation et de l’exposition à la vapeur d’e-cigarette dans le cadre d’un usage habituel conformément aux préconisations des fabricants.

Le modèle animal utilisé n’est pas pertinent, il développe spontanément des tumeurs. De plus, les animaux ont potentiellement été exposés à des doses toxiques de formaldéhyde, là aussi, non conformes avec la réalité de l’utilisation et de l’exposition à la vapeur d’e-cigarette.

Il n’est donc pas possible de conclure sur la base de ces résultats à un risque éventuel pour l’homme lors de l’exposition aux vapeurs d’e-cigarette.

A lire ausi : les contributions d’Eric Blouin au Vaping Post.


 [1] Dr. Eric BLOUIN, Expert Toxicologue EUROTOX, Cabinet PHYSIOTOX

 [2] HW Lee et al.  E-cigarette smoke damages DNA and reduces repair activity in mouse lung, heart, and bladder as well as in human lung and bladder cells. PNAS 2018; published ahead of print January 29, 2018, https://doi.org/10.1073/pnas.1718185115

3 réponses à “Vape et cancer : pourquoi la dernière étude sur les souris est biaisée”

  1. Patrick Rvs dit :

    Comme d’habitude, toutes les études qui tendent à montrer un certain danger pour la vape sont qualifiées de biaisées.
    (Et qui en fait pourraient permettre aux vapoteurs d’adapter leur consommation à leur santé.)

    Alors que celles qui montrent une absence de nocivité ne le sont jamais.

    Comme c’est touchant. 🙂

    Continuez à vaper comme s’il n’y avait aucun risque, vous avez raison…

    • Remz dit :

      Quand ces scientifiques feront correctement leur boulot, qu’ils sortiront des résultats inquiétants, on en reparlera.
      D’ici là bonne vape !

  2. Remz dit :

    Merci pour ce décodage.
    J’observe un léger frémissement côté média, des journalistes qui creusent un peu plus loin que les dépêches afp mal traduites. C’est plutôt bon signe, et pas que pour la vape